Nadia Calvino: "La BEI est prête à investir davantage dans la défense"
La BEI est prête à investir davantage dans les entreprises de défense, même si la transition verte reste sa priorité, a affirmé sa présidente Nadia Calvino lors d'une interview.
Quatre semaines après son entrée en fonction, Nadia Calvino, la nouvelle présidente de la Banque européenne d'investissement (BEI) est prête à rencontrer la presse. L'ancienne ministre espagnole de l'Économie a accordé sa première interview à L'Echo, De Tijd et quelques autres journaux économiques européens.
Dès son arrivée, Nadia Calvino a lancé un vaste chantier pour réformer la stratégie de la BEI. Les États membres de l'UE, les actionnaires de la banque, l'appellent à investir plus dans certains domaines... à commencer par la défense, dont l'importance s'est accrue depuis le retour de la guerre en Europe.
"La BEI soutient activement la défense."
Le premier prêteur multilatéral au monde, qui investit près de 100 milliards d'euros par an, est un levier puissant pour les entreprises européennes. Sa nouvelle stratégie sera dévoilée, et discutée, lors de la réunion des ministres des Finances de l'UE, le 19 février à Gand. Nous avons cherché à en savoir plus.
La BEI est-elle prête à investir davantage dans la défense, vu les besoins de l’Ukraine et ceux de l'Europe?
Le groupe BEI soutient déjà activement le secteur de la sécurité et de la défense. Nous avons le programme ISSE (Initiative stratégique pour la sécurité européenne), une enveloppe de 6 milliards d'euros, qui a été revu à la hausse récemment pour atteindre huit milliards.
Rien qu'en 2022 et 2023, nous avons investi plus de deux milliards dans le domaine de la sécurité et de la défense. La BEI soutient activement la défense, et nous sommes prêts à investir davantage dans ce domaine. Il n'y a aucun doute là-dessus.
Pour l'instant, la BEI n'investit que dans les biens à double usage pour des raisons éthiques. Est-elle prête à investir dans les armes et les munitions? Certains commissaires européens y sont favorables...
Je ne sais pas si c’est le cas. Ce n'est pas quelque chose qui a été porté à notre attention par la Commission européenne. J'ai hâte d'en discuter avec les ministres des Finances, mais il est clair que notre message est le suivant: nous sommes très actifs, ou aussi actifs que les projets le permettent, dans le domaine de la défense.
Nous avons répondu favorablement à presque tous les projets qui ont été proposés. Ils ont été évalués en fonction de leurs propres mérites et sur la base de leur viabilité financière, économique, environnementale et technique. C'est ainsi que nous évaluons tous les projets.
Le Fonds européen d’investissement (FEI), qui fait partie du groupe BEI, va investir 175 millions d’euros en capital à risque dans la défense. Comptez-vous utiliser davantage cet instrument?
Nous avons mis en place ce fonds dédié, au sein du FEI, pour investir des capitaux, en particulier dans les PME. Nous ne soutenons pas seulement les grands acteurs de ce secteur, mais aussi les nouvelles technologies, les technologies de rupture, les innovateurs.
"Pour chaque euro investi l’an dernier par la BEI, quatre euros ont été mobilisés sur le marché."
Du point de vue du groupe BEI, nous sommes prêts à faire plus dans tous les domaines où nous sommes actifs.
L'industrie réclame plus d'argent pour les technologies vertes, en particulier au regard de ce qu’offrent les États-Unis et la Chine. Envisagez-vous une hausse des prêts dans ce domaine? Qu’en est-il de l'exploitation minière?
En 2023, nous avons consacré 49 milliards d'euros, soit plus de 50% de nos investissements à la finance verte. C’est l'une de nos principales priorités, et elle continuera de l’être. Nous entendons soutenir l'ensemble du cycle, ce qui inclut les matières premières critiques.
C'est aussi une question de technologie de rupture. Cette semaine, le conseil d'administration a approuvé un investissement important dans l'hydrogène vert au Portugal. Nous investissons dans l'efficacité énergétique et la décarbonation de l'industrie, comme avec cet accord d'un milliard d'euros en Suède dans l’acier vert. Nous investissons aussi dans l’éolien, le solaire. Nous venons de soutenir la plus grande production de panneaux solaires en Italie.
Nous finançons toute la chaîne de valeur de la transition verte, y compris la bioéconomie et le secteur agricole. Nous essayons de soutenir le processus pour qu'il s'agisse vraiment d'une transition juste et qui profite à l'ensemble du territoire européen. Nous disposons dans ce domaine d’une très forte expertise technique, mondialement reconnue.
Permettez-moi d’ajouter que la BEI est aussi très active dans le domaine de la cohésion des régions, pour lequel nous avons consacré l'an dernier près de la moitié des investissements en Europe. Ces projets sont ancrés territorialement et leur impact sur les communautés locales est important.
Nous devons continuer à penser mondialement, à agir localement, en veillant à ce que les activités de la BEI profitent à l’ensemble des communautés de l'UE.
Comment la BEI compte-t-elle contribuer à réduire le fossé entre les États-Unis et l’UE dans le domaine des nouvelles technologies?
Nous sommes en mesure de mobiliser des investissements à un niveau très élevé. Pour chaque euro investi l’an dernier par la BEI, quatre euros ont été mobilisés sur le marché. Bien sûr, nous ne finançons pas seuls 100 % des projets, il faut qu'il y ait un cofinancement dès le moment où la BEI adhère à un investissement. Nous parvenons donc à mobiliser d'autres investisseurs publics et privés.
Je pense que ce rôle de catalyseur explique pourquoi la BEI peut jouer un rôle très important pour combler le déficit d'investissement dans la double transition verte et numérique en Europe.
Qu’en est-il du soutien à l’Ukraine?
Depuis le début de la guerre, nous avons mobilisé 2 milliards d'euros d'investissements pour soutenir l'Ukraine. L'accord européen conclu la semaine dernière sur l’aide à l'Ukraine est une très bonne nouvelle, cela nous permettra d'en faire plus à l'avenir.
"Ce n’est pas étonnant que nous ayons une note AAA plus."
Nous travaillons sur cette question en partenariat avec d'autres acteurs importants de la région, tels que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Nous avons un rôle très important à jouer dans la reconstruction de l’Ukraine, grâce à l'expertise technique de l'Europe. Bien sûr, nos normes sont très élevées en matière de conformité et d’achèvement des projets, et il n'y a aucune possibilité de déroger à la norme.
La BEI pourrait jouer un rôle dans l’émergence d’une politique industrielle européenne commune. Pensez-vous qu’une augmentation de capital serait nécessaire?
À l'heure actuelle, nous nous concentrons sur la définition des priorités politiques de la BEI. Lors du prochain Ecofin, nous aurons une discussion avec les États membres sur ce sujet.
En ce qui concerne les capitaux, nous avons une situation de capital très confortable. Nous avons un capital de base Tier 1 de 34 %. Ce n’est pas étonnant que nous ayons une note AAA plus.
Le nucléaire semble gagner du terrain au sein de l'UE comme énergie de transition. La BEI pourrait-elle, par exemple, investir dans les petits réacteurs nucléaires?
La BEI évalue chaque projet sur la base de ses propres mérites, et selon les trois critères de durabilité économique, environnementale et technique. Ceci étant, nous avons déjà investi dans des projets de R&D dans le domaine du nucléaire, portant sur la sécurité du cycle du combustible.
Quelles nouvelles priorités stratégiques pour la BEI comptez-vous discuter avec les ministres des Finances?
Vous me permettrez de réserver, en priorité, les détails de cette stratégie aux ministres. Cela fait quatre semaines que nous travaillons là-dessus avec nos partenaires, et je viens de vous en donner un avant-goût.
L’agriculture européenne traverse une crise importante. Que peut faire la BEI en plus pour ce secteur?
Ces dernières années, nous avons été très actifs dans le domaine de la bioéconomie, des biosciences et de l'agriculture. Nous avons investi 2,3 milliards dans le secteur agricole en 2023, c’est deux fois plus que l’année précédente. Un des instruments que nous avons mis en place concerne l'octroi de financement à des jeunes fermiers.
L'agriculture est un secteur pour lequel nous sommes absolument prêts à examiner des financements plus innovants pour soutenir un des acteurs clés de la transition écologique en Europe.
- "Rien qu'en 2022 et 2023, nous avons investi plus de deux milliards dans le domaine de la sécurité et de la défense."
- "En 2023, nous avons consacré 49 milliards d'euros, soit plus de 50% de nos investissements à la finance verte. C’est l'une de nos principales priorités, et elle continuera de l’être."
- "Nous devons continuer à penser mondialement, à agir localement, en veillant à ce que les activités de la BEI profitent à l’ensemble des communautés de l'UE."
- "L'accord européen conclu la semaine dernière sur l’aide à l'Ukraine est une très bonne nouvelle, cela nous permettra d'en faire plus à l'avenir."
- "L'agriculture est un secteur pour lequel nous sommes absolument prêts à examiner des financements plus innovants."
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