L’AFCN donne raison à Electrabel dans la guerre qui oppose renouvelables et nucléaire
En raison d'un déséquilibre entre l'offre et la demande, conséquence de la crise, les prix de l'électricité sont en chute libre sur les marchés. Les réacteurs nucléaires tournent, malgré tout, à plein régime, au grand dam des supporters du renouvelable. Seulement, les experts du secteur sont clairs: il n'est actuellement pas possible de moduler ces centrales, et donc d'en réduire la production.
Depuis quelques jours, la guerre entre les supporters de l'énergie renouvelable et les acteurs du nucléaire est relancée. A coups de tweets, de communiqués divers et même d'espaces publicitaires achetés dans certains titres de presse, le lobby du renouvelable cherche à faire entendre sa voix. Mais pourquoi maintenant, alors que le pays entier est accaparé par la crise du coronavirus et la reprise des activités économiques? Parce que le Covid-19 n'aura pas, non plus, épargné le secteur de l'énergie, comme l'illustre la dramatique chute des prix de l'électricité et du gaz sur les marchés de gros.
Cet effondrement est le fait de deux facteurs. Un déséquilibre entre l'offre et la demande d'abord, du fait de la forte diminution de la consommation d'énergie des ménages et des entreprises en raison de l'arrêt brutal du cours habituel de la vie. Ensuite, des conditions climatiques exceptionnelles favorisent inhabituellement la production d'énergie renouvelable (le vent souffle et le soleil brille), causant une surabondance d'électricité offerte sur le marché.
L'impossible modulation des centrales
En temps normal, la priorité de l'électricité vendue reviendrait à ces sources renouvelables, sauf que la situation est tout sauf habituelle. Le déséquilibre offre-demande est tel que, pour que l'entièreté de l'électricité renouvelable produite puisse être rendue disponible sur le marché, une baisse de la production des centrales nucléaires devrait avoir lieu.
Ces circonstances exceptionnelles mènent donc à l'apparition de prix négatifs sur les marchés de gros, à raison de 4% du temps. Pour les producteurs renouvelables, cela ne correspond pas à un incitant à ne plus produire puisque la plupart d'entre eux bénéficient de tarifs garantis, peu importe les niveaux de prix. Ce sont donc, en majorité, les capacités de production thermiques, dont les centrales à gaz, qui sont mises à l'arrêt.
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"Les centrales actives actuellement sont en fin de cycle, ce qui signifie qu'il n'est pas possible de les moduler puisqu'elles sont proches de leur arrêt planifié."
Les unités nucléaires, elles, ne peuvent tout simplement pas s'arrêter en un claquement de doigt, malgré la perte que représente l'effondrement des niveaux de prix. Comme l'explique Vincent Verbeke, le directeur des activités de gestion de portefeuille chez Engie, "la modulation des centrales n'est pas possible actuellement." Deux contraintes sont mises en avant par l'exploitant des centrales nucléaires belges: "D'abord, il est devenu très difficile de moduler une centrale en ces temps de crise sanitaire. Les mesures de sécurité additionnelles, de distanciation sociale, etc., nous forcent à nous concentrer sur les activités de base dont la modulation ne fait pas partie. Ensuite, et surtout, les centrales actives actuellement sont en fin de cycle, ce qui signifie qu'il n'est pas possible de les moduler puisqu'elles sont proches de leur arrêt planifié."
Ces arguments, les acteurs et avocats du renouvelable ont du mal à les entendre. Pour faire la clarté sur la question et résoudre le débat, une commission de l'énergie et du climat XXL s'est tenue à la Chambre des représentants ce mercredi, en présence de l'ensemble des acteurs du secteurs. Et la conclusion est sans appel.
Le dernier mot à la technique
Il aura donc fallu une commission extraordinaire pour mettre fin au débat, pourtant exclusivement basé sur des faits observables. Et le dernier mot est revenu à l'Agence fédérale de contrôle nucléaire, par l'intermédiaire de son directeur Frank Hardeman. "Il ne s'agit pas de pousser sur un bouton pour faire diminuer la production énergétique des centrales", a-t-il rappelé. Même si, en théorie, la modulation des réacteurs est possible, nous en sommes actuellement à une fin de cycle du combustible, de sorte que la concentration borique est trop basse que pour pouvoir moduler en toute sécurité les réacteurs de Doel 3,Tihange 2, 3 et 4, qui sont opérationnels aujourd'hui", a poursuivi le directeur de l'Agence.
"Il ne s'agit pas de pousser sur un bouton pour faire diminuer la production énergétique des centrales."
De son côté, Vincent Verbeke, a rappelé que ce qui était possible et observé à l'étranger n'était pas automatiquement vrai en Belgique. "La France, par exemple, dispose de 58 réacteurs au design très différent des nôtres. Si eux décident d'en moduler la production, cela ne signifie pas que nous pouvons faire de même", a insisté l'expert d'Engie.
Si le débat apparaît clôt pour cette fois, il ne manquera pas de relancer celui de la compatibilité des sources de production renouvelables et nucléaires alors que la question de prolongation des centrales se fait toujours plus brûlante. Le feuilleton de la transition énergétique version belge n'a pas encore fini de faire parler de lui.
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