Élections 2024: malgré les attaques des élites politiques, les électeurs belges restent plutôt tolérants
Parmi les partis politiques qui attaquent le plus leurs opposants, on retrouve l'extrême droite avec le Vlaams Belang et Chez Nous. Plus surprenant: Groen complète le trio de tête.
À deux semaines des élections, un consortium d'universités livre ses conclusions en matière de polarisation affective. Ces termes ne désignent pas les oppositions idéologiques entre les citoyens, mais leur capacité à ne pas ostraciser ceux qui ne partagent pas leurs idées. Alors que plusieurs études ont mis en lumière la montée de cette forme de polarisation aux États-Unis et dans certains pays d'Europe, le phénomène est monitoré en Belgique depuis 2014.
L'enquête NotLikeUs 2024 mesure la polarisation affective via des scores de sympathie accordés aux électeurs d'autres partis. Deux bonnes nouvelles: les niveaux de polarisation affective en Belgique sont plus bas que dans les autres pays européens, et la polarisation qui avait augmenté entre 2014 et 2019 semble s'être stabilisée ces dernières années.
Distribuée inégalement sur le territoire belge, la polarisation affective est en moyenne plus forte en Flandre qu'en Wallonie. "Cela s'explique par la présence du Vlaams Belang. Les électeurs d'autres partis ont tendance à avoir plus d'antipathie envers eux et vice-versa. C'est aussi la forte présence de la droite radicale dans les autres pays d'Europe qui explique d'ailleurs les scores plus élevés de polarisation affective", explique Emilie van Haute, politologue du Cevipol (ULB).
La polarisation affective se mesure aussi entre les communautés. Le degré d'antipathie ressenti par les Wallons envers les résidents de Flandre a légèrement augmenté entre 2019 et 2024, ce qui est également le cas dans le sens inverse. "Les Flamands ont toutefois plus de sympathie pour les Wallons que ces derniers en ont pour les Flamands, ce qui s'explique sans doute par un sentiment de domination au sud du pays."
Dénigrement sur X
Les discours des élites qui peuvent jouer un rôle important dans l'alimentation de la polarisation affective des électeurs ont été analysés au travers des discours de 13 partis politiques représentés à la Chambre et de leurs présidents sur le réseau social X (ex-Twitter), entre janvier 2022 et mars 2024. La proportion de publications contenant une attaque envers un opposant politique est la plus importante pour les partis d'extrême droite: Chez Nous et le Vlaams Belang.
Plus surprenant: Groen complète le podium avec 34% de leur communication comprenant des attaques, ce qui les distingue d'Ecolo (10% d'attaques). "Groen sort du lot en tant que parti présent au gouvernement fédéral qui attaque beaucoup. Cela s'explique par une polarisation forte en Flandre sur des thématiques qui leur sont chères comme la migration, le climat et le lifestyle. Il y a beaucoup d'échanges vifs avec le Vlaams Belang et la N-VA", pointe Emilie van Haute.
"Aux États-Unis, on observe des conséquences sur les liens sociaux, familiaux et même parfois économiques, avec de la discrimination à l'embauche pour les personnes ayant des préférences partisanes différentes."
Sinon, il est en effet observé que ce sont les partis d'opposition qui attaquent le plus, comme le PTB-PVDA et DéFI. Les partis de la Vivaldi tendent à moins utiliser les attaques que la moyenne. C'est particulièrement vrai pour l'Open Vld, parti du Premier ministre Alexander De Croo. Précisons aussi qu'il s'agit de taux qui dépendent du niveau d'activités sur X. Ainsi, en nombre absolu d'attaques, le MR se trouve devant Les Engagés, le PTB et Chez Nous.
Pas de rejet
Ces discours ont-ils des conséquences sur les rapports sociaux ? L'enquête NotLikeUs 2024 montre que les électeurs sont relativement tolérants et disposés à être amis proches avec un électeur du parti pour lequel ils ont le moins de sympathie. Le Vlaams Belang et la gauche radicale (PTB, PVDA) génèrent toutefois davantage d'hésitation. "Aux États-Unis, on observe des conséquences sur les liens sociaux, familiaux et même parfois économiques, avec de la discrimination à l'embauche pour les personnes ayant des préférences partisanes différentes. Mais en Belgique, les attitudes d'antipathie ne se traduisent pas par des comportements de rejet."
La politologue du Cevipol juge les résultats de l'étude globalement rassurants. "Oui, il y a de la polarisation, mais elle tourne essentiellement autour de partis radicaux. Mais les élites politiques qui dénigrent les opposants politiques légitiment l'adoption d'attitudes similaires dans le chef des électeurs, donc il faut de la responsabilité par rapport à cela", prévient-elle.
Les enquêtes électorales Partirep II, RepResent et la dernière en date NotLikeUs permettent de mesurer la polarisation affective en Belgique depuis 2014. Parmi les auteurs de cette dernière édition consacrée à la polarisation affective, les attaques, et distance sociale à l'approche du 9 juin 2024, on retrouve les auteurs suivants: Caroline Close (ULB), Bjarn Eck (ULB), Lisa Janssen (UGent), Lucas Kins (ULB), Artemis Tsoulou-Malakoudi (UA), Jochem Vanagt (KULeuven-UA) et Emilie van Haute (ULB).
Toute l'actualité sur les élections européennes, fédérales et régionales qui se dérouleront le 9 juin en Belgique. Infos, analyses et décryptages.
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