Sur Facebook, les partis politiques ciblent avec attention leurs (futurs) électeurs
Les partis politiques utilisent des méthodes de ciblage très précis pour toucher leurs électeurs sur les réseaux sociaux. L'Echo a récolté ces données.
Les réseaux sociaux sont devenus un véritable terrain de jeu en communication politique. Sans surprise, ce sont les partis du nord du pays qui ont dépensé le plus sur Meta, la maison mère de Facebook et d'Instagram. 310.000€ pour le Vlaams Belang entre la mi-janvier et mi-avril, 106.500€ pour la N-VA.
Surprise, par contre, du côté francophone, avec Les Engagés qui arrivent en tête avec 96.200€. C'est plus que le MR et le PS réunis. "Ils ont changé de nom (le cdH jusqu'en 2022, NDLR) et de marque, ils doivent s'affirmer à nouveau" explique Pascal Delwit, professeur de Sciences politiques à l'ULB.
"Heureusement, les dépenses ne dictent pas nécessairement les résultats des élections, ce n'est pas si simple", note quant à lui Xavier Degraux, formateur et consultant en réseaux sociaux, qui mise sur l'esprit critique des citoyens. "Une pub ne fait pas de vous un électeur du parti".
"Les partis vont s'adresser à des communautés qui sont proches d'eux, susceptibles d'être attentifs à leur message."
Les partis politiques belges pêchent en territoire connu
Afin de tenter de comprendre la stratégie sur Meta des principales formations politiques francophones, nous avons récolté des centaines de données de ciblage. L'entreprise américaine permet en effet à chaque publicitaire de viser des audiences uniques dans le but de réaliser des campagnes hyper-ciblées.
Les groupes politiques ont très bien saisi l'efficacité de ce micro-ciblage, amorcé par Obama et industrialisé par Trump lors des précédentes élections présidentielles américaines. Xavier Degraux rappelle que "le micro-ciblage crée des micro-niches qui peuvent prendre du sens lorsqu'elles sont toutes rassemblées le soir de l'élection".
Premier constat en Belgique francophone? Seuls 15 du total des 355 termes choisis pour toucher un public spécifique sont partagés par au moins trois partis. Les termes "Agriculture" et "Université" (probablement en référence au décret Paysage qui a divisé la majorité) font partie du palmarès et sont devenus des thématiques transversales suite à leur large médiatisation récente.
85% des termes ne sont choisis exclusivement que par un parti. Pascal Delwit confirme la tendance: "Ils vont s'adresser à des communautés qui sont proches d'eux, susceptibles d'être attentives à leur message. Pour caricaturer, le MR ne va pas viser les ouvriers de la grande industrie".
Pour le PS c'est l'emploi, pour Ecolo ... l'écologie
Ce qui nous amène au deuxième constat: à regarder de plus près, il est vrai que "chacun nage dans son couloir" image Xavier Degraux. Après avoir ciblé l'enseignement supérieur, le PS reste proche des thématiques liées à l'emploi ("temps partiel", "carrière", "travail").
Ecolo a sans surprise placé l'écologie en tête de liste, mais avec un montant inégalé pour un seul critère: 10.683 euros. La question de l'égalité des genres vient en seconde position derrière des mots-clés comme "études de genre", "femmes artistes", "femmes dans la science".
Leur ciblage reflète les priorités de leur agenda politique. "Cela ne sert à rien d'aller chercher à l'opposé de l'échiquier politique. Les partis vont viser des audiences aux frontières de leur électorat", résume le consultant.
Une stratégie différente au PTB
Le Parti du Travail de Belgique (PTB) a opté pour une stratégie un peu différente des autres, avec peu de ciblage et une approche plus transversale. Taxer les ultra-riches, supprimer les privilèges des politiciens, ... "Ils adoptent des messages qui peuvent être lus et appréciés dans des milieux assez larges", commente Pascal Delwit.
Enfin, aucun parti francophone n'a exclu de segment dans leurs audiences potentielles, comme l'ont fait le PVDA - la branche flamande du PTB - avec le terme "Université" ou encore le Vlaams Belang avec "Afrique" ou "Iran".
À suivre du côté de la N-VA: après avoir lancé pour la première fois une liste en Wallonie, les nationalistes flamands vont-ils cibler les électeurs francophones? Pour l'instant, seul 0,5% du budget publicitaire a été consacré à la Wallonie.
"S'ils ne dépensent pas plus, c'est un enseignement en soi. Ils proposent alors des candidatures dans lesquelles ils n'investissent pas. Cela devient plus symbolique qu'autre chose", conclut Xavier Degraux.
Les données ont été récoltées le 12 et 16 avril 2024 pour les 90 derniers jours (le maximum autorisé par Meta). Il s'agit donc d'une analyse sur un temps T.
- Les Engagés est le premier parti francophone en termes de dépenses sur Meta avec 96.200€ sur 90 jours.
- Les partis politiques utilisent une technique de micro-ciblage pour cibler des audiences spécifiques, souvent proches de leur communauté.
- Les groupes politiques ciblent en territoire connu et utilisent des mots-clés en adéquation avec l'actualité ou leur agenda politique.
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