L'OCDE presse Bruxelles d'activer davantage les demandeurs d'emploi
Comment augmenter le taux d'emploi à Bruxelles? L'OCDE livre une série de recommandations, parmi lesquelles une activation plus dynamique des chômeurs.
Comment augmenter le taux d'emploi à Bruxelles? Bien malin celui qui pourrait répondre simplement à cette question complexe.
Pour prendre un peu de recul par rapport à la situation - il est vrai, difficile - de l'emploi des Bruxellois, le ministre Bernard Clerfayt (DéFI) a commandé il y a un an une étude à l'Organisation pour la coopération et le développement en Europe (OCDE).
Où se situe Bruxelles par rapport aux autres capitales d'Europe de l'ouest? Quelles sont, selon un organisme reconnu et indépendant des débats belgo-belges, les voies à emprunter pour que Bruxelles prenne sa part dans l'objectif national de 80% de taux d'emploi? L'OCDE vient de livrer son rapport.
Il part du constat que Bruxelles est une ville coupée en deux. Elle compte dans sa population de 1,2 million d'habitants une part relativement plus importante de personnes peu qualifiées que Paris ou Stockholm, par exemple. Et qu'en plus, celles-ci sont moins souvent à l'emploi qu'ailleurs. Pas par manque de jobs, mais parce que Bruxelles crée avant tout des postes destinés à des personnes diplômées.
Avec un taux de chômage de 15% et un taux d'emploi de 65%, Bruxelles est une grande pourvoyeuse d'emplois... pour les Flamands et les Wallons, qui occupent la moitié des 800.000 postes de travail à Bruxelles.
L'opportunité flamande
À l'inverse, constate l'OCDE, la périphérie bruxelloise regorge d'offres d'emploi nécessitant peu de qualifications et n'exigeant pas toujours la connaissance du néerlandais.
Ceci alors qu'à Bruxelles même, deux offres d'emploi sur cinq publiées par Actiris exigent une connaissance des deux langues. "L'importance accordée à la capacité de parler plus d'une langue nationale est unique dans l'OCDE", constate le rapport.
Selon les derniers chiffres, plus de 56.000 Bruxellois travaillent en Flandre, un chiffre en constante augmentation. L'organisation recommande donc de poursuivre les efforts en matière de mobilité interrégionale. Par exemple, en subventionnant les trajets domicile-travail de tous les chercheurs d'emploi acceptant un poste en Flandre.
Une migration trop peu employée
Parmi les Bruxellois peu qualifiés, on trouve un nombre important d'immigrés non européens, dont le taux d'emploi est de 52%, contre 64% à Berlin ou 68% à Amsterdam, par exemple.
Pourquoi Bruxelles fait-elle moins bien que les autres capitales? La barrière de la langue, critère plus important à Bruxelles qu'ailleurs, est un élément d'explication. 17% des demandeurs d'emploi inscrits chez Actiris ne parlent ni français ni néerlandais.
Le type de migration extra-européenne est également épinglé par l'OCDE: "L'une des caractéristiques notables des migrants nés hors de l'UE-27 résidant dans la Région de
Bruxelles-Capitale est que la plus grande majorité d'entre eux (56 % en 2021) sont arrivés pour des raisons familiales plutôt que pour l'emploi, les études ou l'asile."
Or, il s'agit du groupe dont la participation au marché du travail est la plus faible, les femmes particulièrement. Ces migrants ont 35% de chances en moins d'être économiquement actifs que ceux qui sont venus pour travailler et qui avaient obtenu un emploi avant d'émigrer, indique l'OCDE.
Que faire? Introduire des cours de langue liés aux formations, suggère l'OCDE. Mais aussi augmenter les lieux de garde d'enfants liés aux lieux de formation et renforcer la diversité dans les services publics.
Activer et former plus
L'OCDE le constate: en Belgique, et à Bruxelles en particulier, le demandeur d'emploi subit moins de pression que dans les autres pays. Elle recommande donc un contrôle plus rapide de la recherche d'emploi, qui intervient aujourd'hui au bout de neuf mois.
Mais cela, ce n'est pas du ressort de la Région, mais du Fédéral. Il n'empêche, Bruxelles peut agir via ses compétences. Le bilan de compétences obligatoire, lancé au début de cette année scolaire par le ministre Clerfayt, va dans ce sens, en incitant les chômeurs à se former davantage.
Pour l'OCDE, Bruxelles doit doubler le nombre de demandeurs d'emploi qui sortent d'une formation. Cela passe par un renforcement de l'attractivité de ces cours, via la hausse des indemnités par exemple.
L'OCDE constate également la complexité du paysage de la formation à Bruxelles, et son caractère bicommunautaire. Le ministre Clerfayt plaide pour une simplification (L'Echo du 29 septembre).
L'institutionnel, on finit toujours par y revenir dans ce pays...
Karen Maguire a coordonné l'équipe de l'OCDE qui s'est penchée pendant un an sur la situation du marché du travail bruxellois. Elle était à Bruxelles cette semaine pour un échange avec le ministre de l'Emploi et de la Formation de la Région-Capitale, Bernard Clerfayt (DéFI).
Pourquoi le taux d'emploi des populations peu qualifiées est-il si faible à Bruxelles?
Bernard Clerfayt: Une étude de la Banque nationale montre que les personnes qui migrent en Belgique le font davantage pour du regroupement familial que pour le travail. Quand la raison de la migration, c'est le travail, les gens sont à l'emploi. Quand c'est le regroupement familial, on reste davantage dans un modèle familial traditionnel et cela explique – et l'OCDE le rappelle – que les femmes non européennes sont moins à l'emploi. C'est une réalité.
Karen Maguire: Le choix du modèle de migration que fait un pays a des conséquences et nécessite des actions pour l'accompagner. Les données montrent qu'à Bruxelles, la population extra-européenne est plus représentée dans les catégories peu qualifiées que dans les autres villes. Cela complexifie la tâche.
B.C.: D'autant que pour dix chercheurs d'emploi peu qualifiés, il n'y a qu'une offre disponible. C'est frappant. On a beau vouloir activer, on ne va pas trouver de l'emploi pour tout le monde.
Cela plaide pour la mobilité vers la Flandre.
B.C.: C'est une des solutions. Mais ça ne suffira pas non plus. Il reste donc un gigantesque effort de formation à faire et/ou une reconnaissance formelle de compétences informelles.
K.M.: Les autres villes sont moins à l'étroit dans des frontières administratives. Ces questions se posent donc moins. La question de la mobilité physique est essentielle. On constate que sortir de Bruxelles en transports en commun est moins aisé qu'y entrer.
Les tensions sur le marché de l'emploi en Flandre ne font-elles pas avancer les choses?
B.C.: Tout à fait. Le Voka, l'Unizo et Beci pleurent pour qu'on coopère et qu'on leur donne des bras. Les réticences des entreprises flamandes à engager des jeunes Bruxellois s'effacent devant les pénuries. Désormais, c'est: "Ils ne parlent pas français? Pas grave! Ils n'arrivent pas jusqu'à chez nous? On va leur mettre une navette de bus!" Nécessité fait loi. Nous en sommes très heureux.
L'activation n'est pas assez active, constate l'OCDE.
K.M.: Il faut prendre le contexte en compte: on fait de l'activation dans une situation où l'emploi est difficile à trouver. Cela dit, les pays voisins sont plus insistants sur la recherche d'emploi et la vérification. Les contrôles pourraient être plus poussés. En Allemagne, on n'attend pas neuf mois, mais six, pour contrôler la recherche d'emploi, par exemple. Et les sanctions sont plus fortes dans les autres pays.
B.C.: La sanction pour la sanction n'a aucun intérêt. Je ne crois pas non plus à l'obligation d'accepter un emploi. Par contre, je crois à l'obligation se former dans un domaine qu'on aime. Le bilan de compétences que nous venons de lancer est là pour rappeler au demandeur d'emploi que c'est aussi à lui de faire un effort. Le job des coachs, c'est d'expliquer où sont les offres d'emploi.
Forme-t-on assez à Bruxelles?
B.C.: L'OCDE nous le dit: on devrait former beaucoup plus. Cela passe par une activation renforcée. La question linguistique est centrale. 17% des demandeurs d'emploi chez Actiris ne maîtrisent ni le français, ni le néerlandais. C'est le poids d'erreurs du passé. Sur les 4.160 primo-arrivants passés par les parcours d'accueil et inscrits chez Actiris, 48% sont à l'emploi un an plus tard et 17% en formation. Ce n'est pas rien, mais on doit faire mieux. Le tiers restant devrait au moins être en formation.
- Pendant un an, l'OCDE a passé au crible la situation de l'emploi en Région bruxelloise.
- Elle livre une série de recommandations sur base des constats qu'elle pose.
- Parmi eux, une activation renforcée des demandeurs d'emplois.
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