Maxime Prévot: "Toutes les catégories socio-professionnelles doivent participer à l'effort"
Le président des Engagés veut encore croire à un accord de majorité avant la fin de l'année. Il est temps que chacun accepte le "recentrage" du projet socio-économique en discussion, dit-il.
Trente-cinq minutes montre en main, c'est le timing serré accordé à L'Echo pour cuisiner Maxime Prévot entre une arrivée embouteillée à Bruxelles et une réunion de l'Arizona. Le président des Engagés fait le point sur les négociations fédérales entre son parti, la N-VA, Vooruit, le MR et le CD&V.
Est-ce que vous croyez encore à cette Arizona?
Oui. Je suis toujours convaincu que cette configuration est la plus légitime et que doter rapidement le pays d'un gouvernement est nécessaire. Aujourd'hui, j'exhorte l'ensemble de mes collèges à transcender leur posture de base.
Les cinq partis semblent tourner dans le même pot depuis six mois sans qu'aucun accord n'en sorte. Quelle est votre analyse?
"Le futur gouvernement est confronté à une obligation d'assainissement budgétaire inédite, probablement la plus importante des 50 dernières années."
Ce serait une erreur de penser que rien n'a été fait en six mois. Nous sommes sans cesse mobilisés et des progrès ont été engrangés sur toute une série d'enjeux: la politique internationale, la défense, la sécurité, la justice, la mobilité, la migration, la lutte contre la pauvreté.
Mais sans accord.
On discute entre présidents des derniers points de divergence. Ensuite, il y a la question socio-économique. On ne va pas se mentir. Le futur gouvernement est confronté à une obligation d'assainissement budgétaire inédite, probablement la plus importante des 50 dernières années. Les gouvernements successifs, j'y mets tous les partis, ont refilé la patate chaude à l'équipe suivante. Aujourd'hui, ce petit jeu malsain n'est plus possible, on est au pied du mur avec un déficit abyssal qui inquiète les observateurs extérieurs. On ne peut plus se permettre de contourner l'obstacle, sinon, on ne sera plus en capacité de garantir le paiement des pensions, de conserver une sécurité sociale généreuse, d'offrir des soins de santé de qualité et accessibles, ou de maintenir la compétitivité de nos entreprises.
En bref, ça va faire mal...
"On est sur un effort global de 23 milliards si on ajoute les politiques nouvelles."
Les mesures qu'on va devoir prendre vont faire grincer des dents. Au moment où l'on doit économiser des milliards, il faut s'attaquer à notre dépendance énergétique dans un contexte d'accroissement de la tension géopolitique qui nous oblige à réinvestir dans la défense. Ce n'est pas évident pour les partis politiques, c'est pour cela que cela prend du temps. On doit prendre des mesures qui vont impacter de manière structurelle et pendant des décennies des millions de personnes. Tantôt sur les pensions, tantôt sur les services publics, tantôt sur le marché du travail, tantôt en fiscalité. Nous sommes la génération qui doit prendre des décisions qui remettent la Belgique sur les rails, au risque d'être politiquement abimée et d'en subir les conséquences lors du prochain scrutin. Nous avons le devoir de faire des choix difficiles.
On est sur 18 milliards d'économies. Sans risque pour la croissance?
Oui, mais on est sur un effort global de 23 milliards si on ajoute les politiques nouvelles, non pas pour atteindre l'équilibre, mais uniquement pour revenir sous la norme des 3% de déficit à l'horizon 2029. L'ampleur de l'effort est matamoresque. Mais l'acceptabilité de l'effort repose sur la justesse de celui-ci. Toutes les catégories professionnelles doivent y participer. Il serait inacceptable que l'assainissement des finances publiques repose uniquement sur les allocataires sociaux ou sur les travailleurs dont nous voulons augmenter le pouvoir d'achat, pour valoriser ceux qui bossent par rapport à ceux qui ne travaillent pas. Et il ne faut pas exonérer les épaules les plus larges. Notre grand défi est donc de s'assurer que le cadre budgétaire soit suffisamment équilibré entre ces catégories socioprofessionnelles.
Le projet du formateur n'est-il pas trop N-VA pour être celui d'un candidat Premier ministre?
Il n'est pas surprenant qu'ayant la plume, il propose des textes teintés par sa vision de la société, ce sont des postures de base qui sont amenées à être recentrées. J'invite chacun à comprendre que rééquilibrer le texte pour qu'il soit davantage centré, ce n'est ni un renoncement de la droite ni une victoire de la gauche, c'est la recherche d'un chemin qui permet à la diversité des sensibilités autour de la table de pouvoir assumer les choix proposés.
Votre message semble s'adresser davantage à Vooruit et au MR qu'au formateur.
Je n'ai pas de grief à formuler à l'égard du formateur. Il endosse son rôle de manière tout à fait correcte. Si Les Engagés ne partagent pas le projet institutionnel de la N-VA, la position de formateur l'amène à devoir proposer un chemin de compromis qu'elle serait moins encline à suivre si elle ne tenait pas le guidon. Chacun doit comprendre qu'on ne pourra pas tous gagner sur tous les plans. Nous veillons à une fiscalité qui a du sens, qui ne coupe pas les ailes de ceux qui investissent, soutienne ceux qui bossent, en restant au rendez-vous de la solidarité avec les plus fragiles, à une politique migratoire plus ferme, mais humaine et digne. Et qu'on se donne une ambition climatique, ce qui actuellement, est encore insuffisamment le cas.
Ça patine, non?
L'épisode des dernières semaines est lié à une différence d'approche entre les partenaires. Bart De Wever, et je le comprends, pense qu'il est nécessaire de s'accorder sur un cadre budgétaire avec de grands équilibres entre les masses et les piliers contributifs, de peur qu'en basculant dans l'analyse ligne par ligne de la note socio-économique, les mesures qui y figurent soient rejetées par les uns et les autres, et que les réformes se vident de leur substance.
Vous la comprenez, mais vous la rejetez, cette méthode.
Je l'ai contestée en expliquant qu'on ne pouvait pas signer un chèque en blanc sur un cadre budgétaire sans s'être donné la peine d'avoir un échange multilatéral avec tous les présidents de partis sur le fond des mesures socioéconomiques. Jusqu'à présent, tous ces sujets avaient été traités en bilatérales avec le formateur.
Après six mois, on en est encore à des bilatérales sur ces sujets?
Oui, car ce sont les sujets les plus sensibles.
Il y a eu des plénières budgétaires tout de même?
Sur les tableaux budgétaires, oui, mais pas entre présidents de parti sur la note socio-économique. C'est pour cela que la méthode retenue cette semaine est de se donner la peine de cet échange multilatéral pour voir les lignes rouges de chacun et de mieux ajuster le tableau budgétaire. Une fois ce cadre plus confortable pour chacun, on pourra faire l'analyse du détail des mesures. Si l'une est rejetée, alors il faut une alternative pour respecter le cadre budgétaire. C'est un exercice dynamique entre le cadre et les mesures.
"Autour d'une table de négociation, le poids du scrutin est relativisé, chacun vaut un."
Quid de cette tension entre Vooruit et les centristes d'un côté et le MR de l'autre, qui n'arrête pas de dire que c'est lui qui a gagné les élections?
Ce n'est pas la responsabilité du formateur. Au sud, le centre et la droite ont gagné, au nord, la N-VA a fait rempart au Belang, le CD&V a pu se maintenir comme Vooruit. Aujourd'hui, chacun est numériquement nécessaire autour d'une table de négociations, le poids du scrutin est relativisé, chacun vaut un. Cela peut générer de la frustration, il faut accepter de composer avec les autres.
Vous tenez des propos très alarmistes sur le budget, mais où est le sentiment d'urgence? Noël arrive et le rythme des négociations semble assez lent.
"Je ne pense pas qu'on aura un accord pour le 20, le scénario le plus optimiste serait d'y arriver avant la fin de l'année."
Les Engagés plaident pour qu'on se mette en mode conclave du soir au matin, mais je ne suis pas le maître des horloges. On s'adapte au calendrier de travail qui est proposé, chacun ayant ces contraintes. On ne demande pas au formateur pourquoi il n'est pas disponible à certains moments, parfois d'autres indiquent qu'ils ont une contrainte en soirée et le formateur en tient compte.
Un accord est possible pour le 20 décembre?
Je ne pense pas qu'on aura un accord pour le 20, le scénario le plus optimiste serait d'y arriver avant la fin de l'année.
Au-delà, M. De Wever pourrait jeter vraiment l'éponge…
Il faut éviter ce scénario. J'ai découvert un homme qui fait le job correctement, s'il devait jeter l'éponge, ce serait une couche de chaos supplémentaire qui ne réglerait rien. Je ne vois pas en quoi des élections anticipées simplifieraient l'équation.
Si on n'a toujours rien en janvier, faudra-t-il explorer d'autres configurations?
Je n'y suis pas favorable, la coalition Arizona est la plus légitime et la plus stable.
Comment expliquer faire des économies difficiles tout en achetant des armes?
Il faut être réaliste. Le contexte géopolitique est tendu. Le président élu Trump a indiqué qu'il pourrait sortir de l'Otan si l'Europe ne contribuait pas plus. La défense européenne est encore embryonnaire et nous sommes de mauvais élèves en matière de contribution à l'Otan, alors que nous en tirons de larges bénéfices avec le Shape et le QG. Aucun parti de l'Arizona ne conteste que la Défense va bénéficier de moyens complémentaires à hauteur de plusieurs milliards.
On n'entend pas beaucoup parler des entreprises dans le débat fédéral...
Je vous rassure, on en parle beaucoup au sein de l'Arizona. On parle beaucoup de compétitivité lorsqu'on aborde les sujets fiscaux ou le prix de l'énergie. L'effort doit d'abord porter là-dessus, davantage même que sur le coût du travail.
Avec des économies importantes réalisées avec la N-VA, ne craignez-vous pas d'affaiblir le Fédéral dans une logique nationaliste flamande?
On doit être très vigilant sur cette question. Il y a des propositions de nature institutionnelle. La plupart d'entre elles ont essuyé un refus de notre part. Par contre, on peut améliorer l'efficacité de l'État. L'enjeu, c'est de trouver le bon curseur pour y arriver, sans tomber dans les pièges d'un agenda institutionnel caché.
Par exemple en visant certaines structures culturelles fédérales à Bruxelles? En définançant la représentation internationale?
Ce n'est pas notre souhait, très clairement on a des instituts scientifiques fédéraux essentiels, une politique spatiale sur laquelle on peut s'appuyer et une diplomatie, notamment économique, qui ne doit pas être méprisée.
Mais la N-VA ne pourra pas sortir des négociations sans rien avoir obtenu à ce niveau.
Personne ne pourra rentrer auprès de son assemblée sans se prévaloir d'avoir certains gains, l'enjeu c'est d'avoir les bons.
"Tous les pays qui nous entourent serrent la vis, ce qui rend notre pays plus attractif dans une période où le flux n'est plus gérable."
Les pays voisins durcissent leur politique migratoire. Ce sujet est très sensible au sein de l'Arizona, non?
Il est légitime que notre pays mène une politique migratoire plus ferme. La juste part de demandeurs d'asile que la Belgique devrait prendre est, selon l'UE, de 12.000 personnes par an. On est à 35.000. Les centres d'accueil sont saturés, des personnes errent dans la rue, s'adonnent à de petits trafics faute d'aide sociale, la drogue est facile comme moyen de subsistance, cela créer un cercle infernal dans certains centres urbains. Ce n'est pas tenable. Tous les pays qui nous entourent serrent la vis, ce qui rend notre pays plus attractif dans une période où le flux n'est plus gérable. Nous devons agir, sous peine de continuer à être débordés sans accueillir dignement ceux qui en ont besoin. Les Engagés tiennent à une politique ferme mais humaine et digne.
- "On doit prendre des mesures qui vont impacter de manière structurelle et pendant des décennies des millions de personnes."
- "Rééquilibrer le texte pour qu'il soit davantage centré, ce n'est ni un renoncement de la droite ni une victoire de la gauche."
- "Les Engagés plaident pour qu'on se mette en mode conclave du soir au matin, mais je ne suis pas le maître des horloges."
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