Pieter Timmermans (FEB): "S'ils créent le chaos politique, le chaos social et économique suivra"
Si la formation de l'Arizona ne suit pas rapidement les élections locales, nous nous retrouverons dans "un no man's land économique", alerte Pieter Timmermans, directeur général de la Fédération des entreprises de Belgique.
Pieter Timmermans ne fait pas partie de ceux qui ont cru le 9 juin dernier que la Belgique aurait un gouvernement fédéral dans les semaines suivantes. Certes, l'équation politique paraissait plus claire que dans le passé récent. Mais le patron de la FEB connaît bien la musique belge. Il ne s'étonne donc pas du "drama" qui a eu lieu ces dernières semaines entre les cinq partis qui tentent de former la coalition Arizona (N-VA, MR, CD&V, Engagés et Vooruit).
Pour autant, il ne prend pas à la légère le blocage. L'urgence est là, plaide Pieter Timmermans. Il y a le budget, les attentes de la Commission. Il y a les réformes socio-économiques. Et il y a cette liste qu'il a sous les yeux et qui s'allonge ces dernières semaines: celle des faillites et fermetures d'entreprises, le cas d'Audi en tête.
"Nous mettons les factures devant nous. Un jour, il y aura un 'moment grec' où nous paierons cette facture, si nous ne réformons pas."
Il ne se fait pas d'illusion: aucun accord n'interviendra avant les élections communales du 13 octobre. Mais ensuite, il faudra accélérer sérieusement, prévient-il. "Sinon, nous risquons d'entrer dans un no man's land dangereux."
La crainte du "moment grec"
"Les problèmes auxquels nous sommes confrontés ne disparaîtront pas. Les réformes des pensions qui ont rendu la facture du vieillissement plus abordable entre 2010 et 2019 ont été annulées par la Vivaldi. Le handicap salarial est revenu au niveau de 2014. Nous mettons les factures devant nous. Un jour, il y aura un 'moment grec' où nous paierons cette facture, si nous ne réformons pas."
Il considère la super note de Bart De Wever comme une "bonne base de discussions". Mais regrette que certains négociateurs montrent "une peur de la réforme". "Il n'y a pas de raison d'avoir peur: regardez comment les électeurs ont voté. Avec un bon plan dont les fruits seront visibles en 2029, la coalition Arizona sera récompensée lors des prochaines élections. J'en suis convaincu."
Pour cela, il estime que les réformes les plus difficiles devront être mises en branle dès les deux premières années de la législature. "Le gâteau d’abord, puis sa répartition. Pas l’inverse. Ça me parait être la politique la plus intelligente."
Incertitude sur la concertation sociale
En attendant, c'est l'incertitude pour les employeurs et les syndicats, à la veille de l'ouverture d'un nouveau cycle de négociations sociales. Dans les prochaines semaines, ils doivent théoriquement entamer les discussions autour de l'enveloppe bien-être. Dotée d'environ un milliard d'euros, elle sert à augmenter les allocations les plus faibles pour les chômeurs, les malades et les pensionnés, en plus de leur indexation.
Et début 2025, patrons et syndicats devront s'atteler à un nouvel accord interprofessionnel (AIP), au sein duquel figure notamment l'épineuse question de la marge octroyée pour des augmentations de salaire dans l'ensemble du secteur privé. Depuis des années, les interlocuteurs sociaux ne parviennent pas à s'entendre à ce sujet.
"J'entends les critiques des syndicats. Mais je ne les entends pas proposer un plan pour remettre la Belgique sur les rails d'ici 2030, lorsque le pays fêtera son 200e anniversaire."
"Les négociateurs du gouvernement devraient garder cela à l'esprit", dit Pieter Timmermans. "Enveloppe sociale? Insécurité? Norme salariale? Incertaines. Situation économique? Incertaine. S'ils créent le chaos politique, le chaos socio-économique suivra."
"La super note est orientée vers l'avenir"
Ceci dans un contexte où les syndicats ont déjà dit tout le mal qu'ils pensaient des plans initiaux de l'Arizona, accentuant la pression sur les partis centristes et Vooruit, les plus sensibles aux voix syndicales. "Certains disent (la FGTB, NDLR) que ça va nous catapulter 80 ans en arrière. Mais toutes les mesures figurant dans la super note existent déjà ailleurs en Europe! Il n’y a rien de nouveau. Alors qu’on m’explique en quoi ça nous renverrait dans le passé. Non, c’est une note orientée vers l’avenir."
Il renvoie la balle dans leur camp: "J'entends les critiques des syndicats. Mais je ne les entends pas proposer un plan pour remettre la Belgique sur les rails d'ici 2030, lorsque le pays fêtera son 200e anniversaire. J'attends toujours un plan des syndicats indiquant à quel moment ils sont prêts à contribuer aux efforts. Nous avons dans notre pays les impôts les plus élevés, les dépenses publiques les plus importantes et l'une des dettes publiques les plus élevées. Et quelle est la solution, selon eux? Plus d'impôts, plus de dépenses et plus de dettes."
Selon l'homme fort de la FEB, les syndicats et les employeurs doivent faire leur part du travail à cet égard. Thierry Bodson (FGTB) craint que l'Arizona fasse disparaître la concertation sociale, en décidant unilatéralement sur des dossiers comme le travail de nuit ou les heures supplémentaires. Pour Pieter Timmermans, si on en est arrivé là, c'est précisément parce que la concertation sociale ne produit plus suffisamment d'avancées sur les dossiers importants.
"Les syndicats et les partis de gauche me disent maintenant qu'il faut sauver Audi Brussels, alors qu'ils n'ont fait que plaider pendant des années en faveur d'une augmentation des salaires et des impôts pour les multinationales."
"La loi sur la norme salariale, l'indexation automatique et l'enveloppe bien-être sont des dispositifs vieux de 20 à 30 ans. Les négociateurs de l'Arizona n'ont-ils pas eu raison d'ouvrir une brèche pour réexaminer tout cela? Si je dirigeais un syndicat, je saisirais cette opportunité à deux mains. Dans le cadre du dialogue social, nous ne décidons plus de facto de l'accord salarial, des allocations familiales ou des salaires minimums. Nous avons laissé tout cela au gouvernement parce qu'on n'y arrivait pas. Nous sommes en train de tout lâcher." Il faut, plaide-t-il que les interlocuteurs sociaux reprennent leurs dossiers en mains.
Tous les regards sont tournés vers Audi Brussels, où 3.000 emplois risquent de passer à la trappe. Pieter Timmermans tacle: "Les syndicats et les partis de gauche me disent maintenant qu'il faut sauver Audi Brussels, alors qu'ils n'ont fait que plaider pendant des années en faveur d'une augmentation des salaires et des impôts pour les multinationales. Les syndicats organisent une manifestation le 16 septembre pour soutenir Audi Brussels", poursuit le patron de la FEB. "N'est-ce pas cynique? Ces dernières années, à la moindre action syndicale à Bruxelles, il y avait toujours près de 200 syndicalistes d'Audi présents, ce qui immobilisait le groupe."
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- Pieter Timmermans presse les partis de l'Arizona d'accélérer. Il craint que le "chaos politique" débouche sur un "chaos social et économique".
- Il s'adresse également aux syndicats, très remontés contre les réformes envisagées par Bart De Wever, leur demandant de relancer la concertation sociale.
- "Les partenaires sociaux doivent assumer leurs responsabilités!", plaide-t-il, alors qu'un nouveau cycle de négociations sociales va s'ouvrir.
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