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analyse

Avec la mort de Saleh al-Arouri, Israël "multiplie les risques d'embrasement"

Deux étages de cet immeuble situé dans la banlieue sud de Beyrouth ont été soufflés par trois frappes, qui ont tué Saleh al-Arouri et six autres cadres du Hamas. ©EPA

Le numéro 2 du Hamas a péri lors d'une attaque attribuée à Israël. Le chercheur Didier Leroy analyse les risques que constitue cet acte opéré en plein Liban, dans un fief du Hezbollah pro-iranien.

Saleh al-Arouri, numéro 2 du Hamas, a été tué mardi dans une frappe attribuée à Israël. Au moins six de ses cadres auraient aussi péri dans cette attaque opérée par des "missiles guidés" tirés depuis un avion de chasse israélien sur un immeuble de la banlieue sud de Beyrouth, d'après un haut responsable de sécurité libanais. Israël n'a pas commenté l'acte en tant que tel, se contentant d'affirmer ce mercredi se préparer à "tout scénario".

Le Hezbollah libanais a directement prévenu que "l'assassinat de Saleh al-Arouri" était "un sérieux développement dans la guerre entre l'ennemi et l'axe de la résistance". "Ce crime ne restera pas sans riposte ou impuni", a-t-il ajouté.

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Faut-il craindre un embrasement du conflit israélo-palestinien alors que les tensions se multipliaient déjà à la frontière israélo-libanaise, en Syrie et en Irak avec des attaques contre les forces américaines, et en mer Rouge avec les opérations des rebelles houthis?

Israël multiplie les fronts

Le risque semble évident pour Didier Leroy, chercheur au Centre d'étude de sécurité et de défense (CESD). "Cela ajoute de l'huile sur le feu, cela braque les protagonistes dans leur jusqu'au-boutisme. Israël n'envoie pas un message de 'containment' de la guerre sur un ou deux fronts, mais multiplie les risques par rapport à un embrasement régional."

Le scénario du pire "serait l'entrée en scène simultanée de tous les montages miliciens alignés sur l'Iran, voire l'Iran lui-même...".

Didier Leroy
Chercheur au Centre d'étude de sécurité et de défense (CESD)

La cible n'était, en effet, pas n'importe qui: Saleh al-Arouri était l'adjoint d'Ismaël Hanieyh, chef de la branche armée du Hamas, lui-même installé au Qatar et donc difficile à atteindre. Cette attaque n'a pas eu lieu n'importe où. Pas à Gaza, pas en Cisjordanie, pas au sud-Liban, là où ça chauffe déjà, mais dans un fief du Hezbollah pro-iranien, dont on redoute l'entrée en scène directe dans cette guerre.

"Israël risque de provoquer la riposte du groupe le plus en mesure de décupler la magnitude des affrontements, parce que c'est l'acteur milicien le plus robuste, en termes de ressources humaines et de matériel, avec un arsenal de roquettes et de missiles", estime Didier Leroy.

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Le "scénario du pire"

Le scénario du pire "serait l'entrée en scène simultanée de tous les montages miliciens alignés sur l'Iran, voire l'Iran lui-même... Les États-Unis, encore en posture de retenue, pourraient être amenés à s'engager davantage qu'en interceptant des projectiles et en coulant trois bateaux", décrypte le chercheur.

Aujourd'hui, l'Iran affiche une retenue tactique. Mais Téhéran a aussi ses six armées situées en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen et en Palestine, avec le Hamas et le jihad islamiste. Elles se font déjà entendre dans ce conflit. Si elles exacerbent leurs attaques, certains acteurs arabes devront sortir du bois.

"L'Égypte a donc potentiellement intérêt à montrer les dents à un moment aux rebelles houtis."

Didier Leroy
Chercheur au Centre d'étude de sécurité et de défense (CESD)

Notamment l'Arabie saoudite, "qui se limite actuellement à condamner les violences commises à Gaza en tentant de faire oublier qu'elle était en processus de normalisation de ses relations avec Israël. Mais les projectiles venant des territoires yéménites survolent l'Arabie saoudite. Si la situation s'embrase, cet État ne restera pas passif", avertit Didier Leroy.

L'Égypte craint une contagion qui coulerait l'activité économique du canal de Suez et ferait fuir les touristes. Mais sa position est particulièrement compliquée. "Elle ne peut pas jouer le jeu israélien, pour ne pas faire enrager sa population. Le président Sissi ne peut pas accepter les réfugiés palestiniens, parce que cela reviendrait à accueillir des Frères musulmans, et c'est trop dangereux pour la sécurité nationale. Ce serait aussi faire le jeu du rouleau compresseur israélien qui tente de chasser les Palestiniens. Une guerre navale en mer Rouge plomberait l'économie. L'Égypte a donc potentiellement intérêt à montrer les dents à un moment aux rebelles houtis", cerne le chercheur du CESD.

Mauvaise nouvelle pour les otages

La mort de Saleh al-Arouri a arrêté les négociations déjà difficiles pour de nouveaux échanges d'otages, alors que 129 personnes seraient toujours retenues par le Hamas suite au raid du 7 octobre.

"La seule solution pour contenir les choses, c'est que les acteurs globaux les plus influents mettent la pression sur les acteurs régionaux, qui, eux, augmenteront la pression sur les acteurs locaux, tsahal et le Hamas."

Didier Leroy
Chercheur au Centre d’études de sécurité et défense

Il semble illusoire d'espérer pour eux un règlement à court terme. "Tout le monde sait que cette guerre va durer des mois, si pas des années, comme c'est habituellement le cas quand il y a des otages en jeu", rappelle Didier Leroy.

La mort d'un chef du mouvement ennemi constitue une victoire symbolique pour Israël, c'est une grosse prise pour le président Netanyahou. Mais ce n'est pas pour autant un terrible revers pour le Hamas, qui a vite érigé l'homme tué en martyr et fait de l'attaque un catalyseur de sa détermination à affronter Israël.

Pour Didier Leroy, "la seule solution pour contenir les choses, c'est que les acteurs globaux les plus influents mettent la pression sur les acteurs régionaux, qui, eux, augmenteront la pression sur les acteurs locaux, tsahal et le Hamas."

Le résumé
  • Saleh al-Arouri, le numéro 2 du Hamas, a été tué mardi dans une frappe attribuée à Israël
  • L'attaque a eu lieu dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah pro-iranien.
  • La colère du Hezbollah fait craindre l'embrasement.
  • D'autres acteurs militaires soutenus par l'Iran pourraient exacerber leurs opérations, obligeant l'Arabie saoudite, l'Égypte et les États-Unis à intervenir clairement.
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