Israël réfléchit à sa riposte après l'attaque iranienne
L'attaque directe de l'Iran contre Israël a échoué face à une alliance défensive régionale pilotée par les États-Unis. Le cabinet de guerre israélien réfléchit à la riposte, mais il devrait éviter l'escalade.
L'Iran est entré dans une nouvelle phase de sa relation conflictuelle avec Israël en procédant, durant la nuit de samedi à dimanche, à des tirs massifs de 300 missiles balistiques et de drones contre le territoire israélien. Cette première attaque directe de la République islamique contre l'État juif signe la fin d'un tabou. Jusqu'à présent, Téhéran utilisait des "proxys", des milices armées par ses soins, pour agresser Israël: le Hezbollah iranien, les Houthis au Yémen ou le groupe terroriste Hamas.
L'offensive iranienne – cinq heures de frappes censées submerger la défense israélienne – a échoué de manière spectaculaire. Tous les projectiles ont été abattus par une coalition entre alliés arabes et occidentaux dirigée par les États-Unis.
"Le régime iranien a le sentiment d'avoir pénétré l'atmosphère israélienne, et c'est déjà une sorte de victoire."
En dépit de cet échec, cette attaque directe signifie que la menace existentielle pour Israël est plus forte que jamais.
"Le régime iranien a le sentiment d'avoir pénétré l'atmosphère israélienne, et c'est déjà une sorte de victoire. Il ne voulait pas forcément faire de victimes, mais se rapprocher un peu plus de sa prophétie de détruire Israël", explique Beni Sabti, expert iranien auprès de l'université de Tel-Aviv.
Tous les regards sont désormais tournés vers le cabinet de guerre israélien, dont la réaction est attendue. Une première réunion, dimanche soir, n'a été suivie d'aucune décision.
Alliance défensive autour d'Israël
"Les forces aériennes jordanienne et saoudienne ont abattu plusieurs drones. C'est la première fois que ça arrive."
Deux jours après cette attaque, un premier constat s'impose. La défense anti-aérienne israélienne à trois niveaux a parfaitement fonctionné. Mise en place durant ces quinze dernières années, elle est constituée du "Dôme de Fer", un système de défense mobile, la "Fronde de David", un bouclier anti-missile de courte portée, et l'ensemble de missiles anti-balistique Arrow.
Mais le succès de cette défense tient aussi dans la coopération entre les alliés occidentaux d'Israël, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, et les pays arabes sunnites de la région menacés par l'Iran chiite.
"Le système construit sous le commandement des États-Unis, combinant les forces britanniques, jordaniennes, saoudiennes, égyptiennes et israéliennes, fonctionne à merveille", affirme Ehud Yaari, journaliste et écrivain israélien, expert du Moyen-Orient. "Les forces aériennes jordanienne et saoudienne ont abattu plusieurs drones. C'est la première fois que cela arrive."
La frappe iranienne comprenait environ 170 drones, 30 missiles de croisière et 120 missiles balistiques. Les alliés, principalement l'armée américaine, ont abattu une centaine de missiles de croisière et de drones et Israël a détruit le reste.
Éviter l'escalade
Deuxième constat, pour l'instant, Israël a choisi la retenue. Après cette réussite des alliés, Washington a appelé Israël à éviter une riposte menant à l'escalade.
Pour Ehud Yaari, il y a de fortes chances que le cabinet de guerre israélien poursuive dans cette voie. "L'Iran a fait une énorme erreur stratégique, et Israël n'est pas pressé de répondre", dit-il. En outre, "l'armée israélienne n'a aucun intérêt à ouvrir un second front, que ce soit avec le Hezbollah ou l'Iran, avant d'avoir terminé sa mission à Gaza".
Tanguy Struye, professeur à l'UCLouvain, voit dans la défense aérienne menée par la coalition une prévention contre l'escalade. "Les États-Unis ont coordonné une action défensive pour éviter que des missiles iraniens touchent le sol israélien, ce qui aurait poussé Israël à frapper massivement l'Iran. Personne ne veut d'une guerre entre Israël et l'Iran", dit-il.
Les faucons au sein du gouvernement israélien appellent à une riposte massive. Mais les ministres extrémistes ne participent pas aux décisions militaires, car ils ne sont pas dans le cabinet de guerre, qui regroupe Netanyahou, le ministre de la Défense et le chef de l'opposition Benny Gantz.
Retournement diplomatique
Troisième constat, la coalition défensive autour d'Israël est un véritable retournement diplomatique. Ses bombardements intensifs sur Gaza ayant causé un nombre élevé de victimes civiles, Israël s'était isolé sur la scène internationale. L'attaque directe de l'Iran apporte une nouvelle dimension à cette guerre, en renforçant les liens entre pays arabes, occidentaux et Israël.
"Si les Israéliens devaient frapper l'Iran, ils réduiraient à néant le crédit récupéré ces derniers jours."
"Si les Israéliens devaient frapper l'Iran, ils réduiraient à néant le crédit récupéré ces derniers jours", précise Tanguy Struye. Mais il n'est pas convaincu que les autorités israéliennes suivront cette voie. "Ce gouvernement israélien est connu pour ne pas être à l'écoute", ajoute-t-il.
Ainsi, le chef d'état-major de l'armée israélienne, Herzi Halevi, a promis lundi une "riposte" à l'attaque, lors d'une allocution devant des soldats sur une base touchée par une frappe iranienne. Prenant la parole peu après sur cette même base, le porte-parole de l'armée Daniel Hagari a, de son côté, affirmé: "nous ferons tout ce qui est nécessaire pour protéger l'État d'Israël, et nous le ferons à l'occasion et au moment que nous choisirons."
Plusieurs analystes ont émis l'hypothèse de frappes israéliennes contre les sites nucléaires iraniens, comme ceux de Fordow et Natanz, en guise de riposte. Mais ces cibles sont très dures à atteindre. Et, pour l'instant, ce n'est pas la priorité.
Poursuite des opérations
Après cet épisode, l'armée israélienne devrait, à nouveau, se concentrer sur Gaza. Une dernière brigade du Hamas est active dans le sud, à Rafah, où sont terrés les dirigeants du groupe terroriste. Ici aussi, Washington appelle Israël à la retenue, vu la présence de plus d'un million de Palestiniens déplacés, vivant dans des conditions extrêmes sur ce petit territoire.
"L'armée israélienne va poursuivre en priorité la sécurisation de la frontière entre l'Égypte et Rafah, pour empêcher le trafic d'armes, et appeler la brigade du Hamas, un des plus faibles, à se rendre", estime Ehud Yaari.
D'après certains analystes, Israël devrait aussi poursuivre ses opérations en Syrie contre les officiers iraniens qui y supervisent l'installation de missiles à guidage de précision, une arme que redoute la défense israélienne. C'est peut-être là que la riposte pourrait se diriger.
"Le plus facile pour Israël serait d'agir en Syrie et au Liban", dit Beni Sabti, même si une frappe limitée sur le sol iranien n'est pas exclue.
"L'attaque était conçue pour réussir et non pour échouer."
Stratégie d'inspiration russe
L'Iran avait-il conscience que son opération échouerait ? Probablement pas. L'attaque était prévue pour causer des dommages importants, mais en dessous du niveau qui aurait entraîné une riposte massive d'Israël, analyse l'Institute for the Study of War (ISW).
"L'attaque était conçue pour réussir et non pour échouer. Le programme de frappes a été calqué sur ceux que les Russes ont utilisés à plusieurs reprises contre l’Ukraine", précise l'IWS.
Les drones ont été tirés bien avant les missiles balistiques, dans l'espoir qu'ils arrivent dans la fenêtre de défense aérienne d'Israël à peu près en même temps que les missiles de croisière. Une stratégie expérimentée par la Russie contre l'Ukraine. L'Iran devrait tirer des leçons de cet échec afin d'améliorer ses capacités de frappe.
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