Le métavers de Facebook coûtera cher aux créateurs
La société de Mark Zuckerberg va ponctionner 47,5 % des gains promis aux créateurs d'objets virtuels dans son futur métavers. Un tarif exorbitant pour un projet balbutiant.
Pour proposer des objets virtuels dans le futur métavers de Facebook, les créateurs devront passer à la caisse. La société de Mark Zuckerberg appliquera une commission de 47,5 % sur leurs revenus.
La commission se divise en deux parties. Première étape : un développeur qui veut proposer ses créations sur le Meta Quest Store laissera 30 % de ses gains à Meta, la société-mère de Facebook, Instagram et WhatsApp. Le Meta Quest Store est le magasin d'applications du casque de réalité virtuelle Oculus, qui appartient à Meta. Deuxième étape : si le créateur veut proposer ses produits dans le métavers Horizon Worlds, Meta ponctionnera 25 % des revenus restants. Après ces deux étapes successives, il restera au développeur 52,5 % de ses revenus (avant impôts).
Meta dissocie donc deux activités liées aux univers virtuels : l'accès au casque de réalité virtuelle et l'accès au métavers. Cette dissociation lui permet d'imposer des tarifs plus élevés que ceux appliqués dans un domaine connexe, celui du mobile. Depuis de nombreuses années, les développeurs d'application rémunèrent Apple pour accéder à l'Apple Store et Google pour figurer dans le Play Store. Ces distributeurs d'applications, qui représentent à eux deux quasiment l'intégralité du marché mondial, prélèvent une commission de 30 %. Pour accéder au métavers version Meta, ce sera donc plus cher.
Frais de distribution
La société de Mark Zuckerberg se défend en expliquant qu'elle ne prélèvera pas systématiquement la commission complète de 47,5 %. Certains développeurs ne feront pas appel au Meta Quest Store ou ne seront pas présents sur Horizon Worlds. Ils passeront par d'autres casques de réalité virtuelle ou figureront dans d'autres métavers, développés par des sociétés concurrentes. Reste que ces concurrents prélèveront eux aussi leur propre commission.
Le fait que Meta prélève des "frais d'entrée" n'est pas étonnant. Via son futur univers virtuel, Meta mettra des acheteurs potentiels en contact avec les créations des développeurs. C'est pour ce service de distributeur que la société se fera rémunérer.
"Le montant global est choquant. C'est trop élevé pour un écosystème qui n'a pas encore fait ses preuves."
Ce qui est plus étonnant, ce sont les montants annoncés. "Le montant global est choquant. C'est trop élevé pour un écosystème qui n'a pas encore fait ses preuves. Meta met la charrue avant les bœufs", estime Alexandre de Saedeleer, CEO de l'agence Tapptic.
Un univers virtuel en version bêta
Les métavers sont des univers virtuels en cours de construction. Ils sont encore loin d'être aboutis. Même si la société de Mark Zuckerberg a investi 10 milliards de dollars dans Horizon Worlds en 2021, le projet n'en est encore qu'à ses prémices. Il n'est actuellement accessible qu'aux États-Unis et au Canada. Selon Meta, Horizon Worlds compte 300.000 utilisateurs. En comparaison des trois milliards d'utilisateurs de ses applications (Facebook, Instagram, WhatsApp), c'est une goutte d'eau.
Si les utilisateurs ne se ruent pas encore dessus, c'est tout simplement parce que l'offre proposée par le métavers n'est pas encore très riche. Le premier projet concret présenté par Mark Zuckerberg est Horizon Workrooms, un système de visio-conférence en réalité virtuelle. Au-delà, on se situe plutôt au rayon des promesses : jeux interactifs, espaces de rencontre, commerces, galeries d'art... Les opportunités sont infinies. Mais la réalité du jour, c'est que le métavers de Facebook n'est qu'au stade de la version bêta.
"C'est logique que Meta se rémunère. Si l'audience est là et que je peux avoir un retour sur investissement, ce n'est pas un souci."
Or, le projet est crucial pour Mark Zuckerberg. Le CEO l'a annoncé : à l'avenir, son entreprise ne sera plus un réseau social mais un univers virtuel. Le business model est totalement différent : Facebook et Instagram vivent de la publicité, Horizon vivra des achats réalisés par ses utilisateurs. Ceux-ci pourront jouer à des jeux en réalité virtuelle, acheter des vêtements pour leurs avatars, louer des bureaux virtuels, acheter des produits physiques ou numériques dans des magasins virtuels...
Des concurrents sérieux
Sur toutes ces transactions, Facebook prélèvera donc une (forte) commission. Du côté des professionnels du secteur de la réalité virtuelle (VR), on n'est pas surpris. "C'est logique que Meta se rémunère. Si l'audience est là et que je peux avoir un retour sur investissement, ce n'est pas un souci", commente Thierry Jourquin, CEO de XRintelligence, une société bruxelloise qui modélise des objets en réalité virtuelle.
"Ce prix, c'est une sorte de barrière à l'entrée. Cela permettra à Meta de faire le tri et d'exclure les projets de mauvaise qualité."
"Ce prix, c'est une sorte de barrière à l'entrée. Cela permettra à Meta de faire le tri et d'exclure les projets de mauvaise qualité", ajoute Christophe Hermanns, CEO de Vigo et du parc de réalité virtuelle HollloH. Selon ce spécialiste de la VR, Mark Zuckerberg joue cependant avec le feu en affichant si tôt des tarifs aussi élevés : "Rien ne dit que Meta arrivera à imposer son métavers. Il y a des concurrents sérieux sur le marché."
Roblox, Nvidia, Microsoft, HTC, Decentraland, Sandbox... sont occupés à développer leurs propres offres. De même qu'un certain ByteDance, propriétaire de TikTok, qui a récemment mis la main sur le fabricant chinois de casques de réalité virtuelle Pico. Il n'est pas exclu qu'un ou plusieurs de ces acteurs émergent en pratiquant des tarifs moins élevés. Même si Facebook dispose d'atouts indéniables (une communauté énorme et des réserves colossales d'argent à investir), le métavers ne se résumera pas à Meta.
Le résumé
- Meta va ponctionner 47,5 % des gains promis aux créateurs d'objets virtuels dans son futur métavers.
- En comparaison des 30 % demandés par Apple ou Google sur le marché des applications, c'est une commission très élevée.
- Ce tarif paraît d'autant plus exorbitant qu'Horizon Worlds, le métavers de Facebook, n'en est qu'à ses prémices.
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