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Bruxelles: à un an des élections communales, les dix éléments qui changent la donne

Dans un an, les élus locaux remettront leur mandat en jeu. Voici une liste - non exhaustive - d'éléments qui pourraient venir remettre en jeu les dynamiques et les coalitions actuelles dans les 19 communes de la Région bruxelloise.

C'est déjà dans un an! Le 13 octobre 2024, nous voterons pour les candidats aux élections communales. En Région bruxelloise, plusieurs éléments pourraient redistribuer les cartes. La proximité avec le scrutin régional peut-elle influencer les résultats? Le PTB mettra-t-il le PS en danger? Le plan régional Good Move sera-t-il au cœur des débats à l'échelon local?

L'Écho vous livre un condensé des enjeux avec dix "game changers" identifiés à quelques encablures du scrutin communal.

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1/ Un timing inédit

"Il n'y a jamais eu d'élections communales qui soient aussi rapprochées des élections régionales. Même en 1999 et 2000, celles-ci avaient eu lieu un an et quatre mois après. Nous n'avons jamais eu ce timing-là et c'est un premier facteur d'incertitudes", estime Jean Faniel.

Le directeur général du Crisp s'attend à ce que la formation du gouvernement régional soit très rapide, afin de pouvoir se concentrer sur la campagne dans les communes, mais il n'exclut pas totalement la possibilité que les négociations traînent. "Je pourrais comprendre que les partis soient frileux d'entrer dans une coalition au mois de juin en se demandant comment ce sera perçu par les électeurs et si les partis rejetés dans l'opposition peuvent le faire payer après le 13 octobre."

Selon Emilie Van Haute, politologue au Cevipol (ULB), l'ambition au niveau régional sera bel et bien de former rapidement une majorité afin de donner le ton des majorités communales.

Même s'il restera possible d'être candidat aux deux élections, le décumul pourrait avoir un impact sur la stratégie des partis.

"L'idée est d'avoir une certaine symétrie et d'arriver à ce qu'une dynamique enclenchée au niveau régional soit dupliquée. Même si on l'a vu en 2018, le niveau local dispose d'un certain niveau d'autonomie et est marqué par des dynamiques propres", rappelle-t-elle. Et selon elle, le décumul des mandats sera une autre raison de vouloir aller vite afin de clarifier les rôles de chacun au sein des partis.

2/ Le décumul des mandats

En plus d'être quasiment concomitantes, les élections régionales et communales seront aussi impactées pour la première fois par le décumul intégral des mandats qui rend incompatible la fonction de député avec celles de bourgmestre, d'échevin ou de président de CPAS.

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À ce stade, il n'est pas aisé d'identifier les effets potentiels de cette mesure sur le scrutin local. Même s'il restera possible d'être candidat aux deux élections, le décumul pourrait avoir un impact sur la stratégie des partis. Se présenter en soutien sur une liste en annonçant d'emblée que l'intention n'est pas de jouer un rôle modifie forcément la dynamique de campagne.

Et cela nécessitera de répartir judicieusement les forces. "Ce sera un défi pour les partis d'aller trouver tous les candidats nécessaires, en particulier pour certains. Tout en tenant compte de la question du genre, puisqu'il faut aussi la parité dans les exécutifs communaux", pointe Emilie Van Haute.

On peut en déduire que cela sera plus complexe pour des partis plus petits, comme DéFI ou Les Engagés, que le PS ou le MR qui ont davantage de banc. Le décumul déforcera sans doute peu Ecolo dont le succès repose moins sur des figures de proue. Les écologistes ont d'ailleurs déjà désigné toutes leurs têtes de liste pour les communales.

3/ Un nouvel électorat

La composition de l'électorat comporte de nombreuses inconnues. Tout d'abord en raison du nombre grandissant de citoyens non belges qui prennent part à l'élection communale. "Ils représentent un tiers des électeurs potentiels. Ils sont peu nombreux à être inscrits, mais ce taux d'inscription est en croissance", souligne Emilie Van Haute, qui précise que ceux-ci ne sont pas distribués de façon homogène sur le territoire bruxellois.

Dans des communes comme Saint-Gilles, Ixelles et Etterbeek, les ressortissants européens représentent quasiment 40% de la population. Si l'on ajoute les ressortissants non européens, on atteint dans certaines localités la moitié des électeurs potentiels.

Les dernières élections en Région bruxelloise ont débouché sur un renforcement de la division spatiale, sociodémographique et politique intrabruxelloise.

En ce qui concerne le vote des nouvelles générations, la politologue temporise la croyance selon laquelle les jeunes seraient tous sensibilisés au dérèglement climatique. "La part de primo-votants sera gigantesque, mais ceux-ci se trouvent surtout dans le nord de Bruxelles où ils ne sont pas tous préoccupés par les questions climatiques, mais plutôt focalisés sur l'emploi et le logement."

Enfin, Emilie Van Haute note qu'en raison d'une importante mobilité intrabruxelloise due notamment aux coûts du logement, beaucoup d'électeurs seront des primo-votants dans leur commune. "En 2018, on avait déjà un cinquième des électeurs qui votaient pour la première fois dans leur commune, ce qui écarte la démarche consistant à récompenser ou sanctionner une majorité sortante."

4/ La dualisation de l'espace politique

Les dernières élections en Région bruxelloise ont débouché sur un renforcement de la division spatiale, sociodémographique et politique intrabruxelloise. En clair, les partis traditionnels ont renforcé leur position dans les bastions où ils étaient déjà forts et se sont encore affaiblis là où ils étaient moins bien implantés. Par exemple, cela s'est traduit par une présence consistante du PS à Molenbeek, Koekelberg et Anderlecht, mais un sévère recul dans le sud et le sud-est de Bruxelles.

Selon Emilie Van Haute, cette dualisation de l'espace politique pourrait encore se renforcer pour des partis comme le PS et Ecolo. "Le MR se trouve un peu moins dans cette logique de dualisation. Il y a une volonté de travailler sur l'ensemble du territoire que je ne suis pas certaine d'avoir vu dans le chef du PS et d'Ecolo. Les socialistes avaient aussi perdu pas mal de plumes en 2018, mais cela a été compensé par leur montée dans de nombreux exécutifs, ce qui n'a donc pas suscité la même prise de conscience qu'au MR. En tant que président de la régionale, David Leisterh qui n'est pas un poids lourd électoral a joué une autre partition. Il est davantage dans l'animation du parti sur le terrain et à la recherche de ponts et de candidats", relève la politologue qui ajoute que les Verts ont aussi été très occupés par leurs montées dans plusieurs majorités.

5/ Une marée rouge?

Déjà présent dans sept communes (Anderlecht, Bruxelles, Forest, Ixelles, Molenbeek, Saint-Gilles et Schaerbeek) depuis les élections de 2018, qui l'ont fait passer de deux à 35 conseillers, le PTB étendra encore son champ d'action en 2024. Deux nouvelles communes ont déjà été identifiées en raison de leur section locale dynamique: Etterbeek et Jette. La possibilité d'en investir une troisième n'est pas exclue par le président du PTB en Région bruxelloise Giovanni Bordonaro.

Le parti de gauche radical ne fait pas mystère de son ambition d'intégrer une majorité là où les scores et le rapport de force seront suffisants. Et c'est dans les communes de Molenbeek et de Saint-Gilles que cette situation est jugée la plus probable. "C'est à Saint-Gilles que nous avons la section locale la plus forte en termes de nombre de membres actifs par rapport au nombre d'habitants", précise Giovanni Bordonaro.

Thème classique au niveau local, le débat sur la mobilité pourrait se cristalliser sur les plans locaux de circulation, davantage connus sous l'appellation "Good Move", qui ont créé des tensions dans certaines communes ces derniers mois.

"Le PTB a changé de logique et envoie pas mal de signaux selon lesquels ils veulent s'essayer à l'exercice du pouvoir dans les communes qui peuvent servir de terrain d'expérimentation. Les communes ne doivent pas être trop importantes. Molenbeek et Saint-Gilles seraient des cas intéressants, mais pas la Ville de Bruxelles, car c'est une autre échelle", analysait justement de son côté Jean Faniel.

En revanche, Emilie Van Haute, qui considère que le PS pourrait être bousculé là où il y a des listes PTB, reste sceptique quant à une volonté sincère de collaboration avec d'autres partis.

6/ Le marqueur Good Move

Thème classique au niveau local, le débat sur la mobilité pourrait se cristalliser sur les plans locaux de circulation, davantage connus sous l'appellation "Good Move", qui ont créé des tensions dans certaines communes ces derniers mois.

Aux yeux de Jean Faniel, cela peut malgré tout constituer une opportunité pour les Verts qui ont porté ces projets, à condition de bien communiquer. "Ça peut leur attirer des critiques et c'est un terrain miné, mais ils auraient plutôt intérêt à assumer ces plans vu l'électorat qui peut les porter. Et même venir avec des plans concrets d'affirmation de cette politique, voire d'extension."

Si la majorité actuelle PS-Ecolo-DéFI est reconduite au niveau régional, on assistera à des formes curieuses d'alignement MR-PTB contre Good Move, indique Emilie Van Haute, qui ajoute que la situation serait alors surtout inconfortable pour les socialistes. "Le PS était déjà complètement dehors dans certaines communes, et c'est une tension qui sera encore plus marquée pendant la campagne. C'est une position plus difficile pour eux, vis-à-vis du PTB et d'un électorat populaire qui a le sentiment d'une imposition de classe sur une autre."

La sécurité et les problèmes d'assuétude sont aussi des thèmes qui prennent de l'ampleur ces derniers mois dans la capitale. Si cela reste à l'agenda, cela pourrait profiter à la droite, généralement plus à l'aise sur cet enjeu.

Selon Jean Faniel, un autre enjeu de proximité qui a suscité des tensions au niveau régional durant cette mandature, la construction de logements sur des friches, pourrait aussi retenir l'attention des électeurs au niveau local.

7/ La sécurité et la neutralité

À quoi seront attentifs les électeurs au moment du vote? Jean Faniel indique que c'est l'environnement direct, les travaux menés dans le quartier, qui sont généralement pris en compte pour une élection communale.

"Mais il peut malgré tout y avoir des votes plus politiques et plus idéologiques. La législature régionale qui n'a pas été de tout repos à Bruxelles, avec des moments de polarisation sur le voile à la Stib et sur l'abattage rituel, a fait émerger un clivage entre les partis ayant une grande tolérance vis-à-vis de l'expression religieuse, en l'occurrence l'islam, et ceux qui se présentent comme les garants de la laïcité", résume le directeur du Crisp.

Ce thème, qui est monté en puissance, pourrait se décliner à l'échelon local avec le port de signe convictionnel pour les échevins et le personnel communal, les règlements anti-burkini dans les piscines, etc.

La sécurité et les problèmes d'assuétude sont aussi des thèmes qui prennent de l'ampleur ces derniers mois dans la capitale. Si cela reste à l'agenda, cela pourrait profiter à la droite, généralement plus à l'aise sur cet enjeu.

8/ Le départ de figures fortes

Le scrutin de 2024 sera marqué par le retrait de plusieurs figures majeures de la scène locale bruxelloise. Est-ce que DéFI parviendra à conserver une majorité absolue à Auderghem en l'absence de Didier Gosuin?

"Dans les petites communes où le premier parti était porté par une seule figure forte, cela pose la question du renouvellement. À Auderghem, la Liste du Bourgmestre avait déjà connu un petit tassement et la remplaçante de Didier Gosuin installée à mi-mandat, Sophie de Vos, dispose d'un score nettement moindre", observe Emilie Van Haute qui trouve en revanche que la transition semble assez fluide à Jette où Hervé Doyen et sa successeure Claire Vandevivere (Les Engagés) disposent de scores moins asymétriques.

Les choses seront plus corsées pour Les Engagés à Berchem-Ste-Agathe où la Liste du Bourgmestre qui avait déjà enregistré un recul significatif en 2018 ne pourra plus compter sur Joël Riguelle. Installé à mi-mandat, son dauphin Christian Lamouline est loin d'être aussi populaire.

À Schaerbeek, tout semble possible vu que la coalition actuelle formée par la Liste du Bourgmestre et Ecolo a récemment perdu sa majorité au conseil communal.

Malgré son ancrage de longue date à Saint-Gilles, Jean Spinette parviendra-t-il à maintenir le PS en tête suite au retrait de Charles Picqué? "Cela ne sera pas facile pour le PS dans cette commune, certes très marquée à gauche, mais une gauche plurielle", analyse Jean Faniel qui considère aussi que la situation sera complexe pour Ecolo à Watermael-Boitsfort étant donné que le bourgmestre Olivier Deleuze ira quant à lui jusqu'au bout de son mandat. Son successeur Tristan Roberti devra garder la main pour rester dans la majorité.

9/ Bernard Clerfayt menacé dans son fief

Depuis l'an 2000, Bernard Clerfayt a enchaîné quatre mandats consécutifs comme bourgmestre en titre de Schaerbeek. En 2006 et 2012, il a remporté à deux reprises son bras de fer contre Laurette Onkelinx, poids lourd du PS. En 2018, le maïeur amarante était dans un fauteuil et le scrutin ne renfermait quasiment aucun suspens.

Six ans plus tard, ce sera tout l'inverse: tout semble possible vu que la coalition actuelle formée par la Liste du Bourgmestre et Ecolo a récemment perdu sa majorité au conseil communal.

Comme le souligne Jean Faniel, cette dégringolade n'est pas le fait de tensions avec les partis d'opposition, mais de fractures au sein même de la majorité. Ces dissensions internes ont débuté par des votes différents au sein de l'alliance sur des sujets de mobilité et de stationnement. Les élus Sadik Koksal et Bernard Guillaume ont ensuite été débauchés par le MR qui devrait aussi pouvoir compter sur une nouvelle locomotive en 2024 avec Hadja Lahbib.

"On voit qu'il y a eu un travail du MR qui n'avait plus personne et qui est allé chercher des élus qui font un gros score personnel", pointe Emilie Van Haute qui pense que l'on pourrait se retrouver avec plusieurs blocs égaux si la Liste du Bourgmestre prend un coup dans l'aile, Ecolo se maintient et le MR et le PTB montent.

"Peut-être que tous ces partis se feront un plaisir de trouver la solution qui éjectera DéFI du maïorat", avance Jean Faniel, qui relativise toutefois le poids de certains adversaires. "Cela fait quand même longtemps que les libéraux sont à la peine sur Schaerbeek et que le PS continue de se chercher". Et Emilie Van Haute de rappeler que Bernard Clerfayt bénéficie d'un score personnel gigantesque.

10/ Émir Kir face au PS

La situation sera très particulière à Saint-Josse où les socialistes avaient obtenu leur unique majorité absolue à Bruxelles en 2018. Le bourgmestre Emir Kir, véritable machine à voix, a été exclu du PS en 2020, après avoir reçu plusieurs maires turcs membres du MHP (parti nationaliste proche des Loups Gris). Candidat à sa propre succession en 2024, ce dernier trouvera face à lui une liste PS ! En effet, la Fédération bruxelloise du PS qui avait appelé les militants et les élus à choisir leur camp entend bien présenter sa propre liste. Celle-ci pourra sans doute compter sur les échevins Philippe Boïkete, Nezehat Namli et Loubna Jabakh.

Emir Kir continuera encore à performer, affirme Emilie Van Haute, qui estime toutefois que le jeu sera plus ouvert que jamais à Saint-Josse si le PS parvient à mobiliser une liste forte et si le PTB décide finalement de s'implanter. Mais une stratégie de contournement d'Emir Kir nécessiterait sans doute une majorité élargie. Or, la plus petite commune de Belgique en superficie n'a jusqu'ici pas été un terrain facile pour les autres partis comme le MR (1 siège), le cdH (1 siège) et DéFI (zéro siège).

Seuls les écologistes menés jusqu'ici par Zoé Genot sont parvenus à s'implanter de façon significative. S'ils parviennent à maintenir un score élevé sans elle, les Verts auront peut-être l'occasion de jouer les faiseurs de roi entre le socialiste déchu et les camarades restés fidèles à Ahmed Laaouej.

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