L’intérêt pour les ETF en bitcoin s’est propagé jusqu’en Belgique
L’immense succès des trackers en bitcoin aux États-Unis, autorisés depuis le 10 janvier, a ravivé l’intérêt pour les cryptos chez une partie des clients des banques privées. Mais celles-ci sont peu enclines à en proposer.
Les cryptomonnaies restent un sujet sensible pour les banques privées. Bien qu’elles aient ouvert leurs portes, sous certaines conditions, aux personnes ayant fait fortune grâce au bitcoin, aucune ne donne actuellement des recommandations sur cette classe d’actifs alternative.
"Cela ne fait pas partie de notre stratégie d’investissement", nous a-t-on répondu à de multiples reprises.
Jugé hautement spéculatif, sans fondamentaux, le bitcoin – et les cryptomonnaies en général – suscite le plus souvent l’incompréhension et la prudence. Certains se méfient des plateformes crypto qui, pendant longtemps, ont fonctionné dans l’illégalité. La faillite de la plateforme FTX a également marqué les mémoires.
La forte volatilité du bitcoin complique grandement son entrée dans la composition de n’importe quel portefeuille.
Mais un événement a potentiellement changé la donne: le lancement massif d’ETF (Exchange Traded Fund ou fonds négociés en bourse) investis en bitcoin aux États-Unis. Autorisés officiellement le 10 janvier 2024 par le gendarme boursier américain, la SEC, ils ont attiré plus de 4 milliards de dollars dès les 24 premières heures.
Des produits similaires existaient déjà en Europe. Des ETP (Exchange Traded Products), qui suivent la performance de la plus célèbre des cryptomonnaies, sont notamment cotés sur les Bourses de Paris et d’Amsterdam. Mais ils sont bien moins connus que leurs homologues américains, dont l’immense succès a été suivi par toute la planète financière.
Un produit plus familier
La CEO de Puilaetco, Ludivine Pilate, reconnaît que l’arrivée à Wall Street des ETF en bitcoin rebat les cartes. "Auparavant, les cryptomonnaies étaient perçues comme un produit d’investissement très technique. C’est un écosystème très particulier – il faut par exemple avoir son portefeuille virtuel – avec lequel beaucoup de clients ne se sentaient pas familiers."
Or les fonds négociés en bourse sont un produit mieux connu. De nombreuses personnes investissent aujourd’hui sur les marchés boursiers via des trackers qui répliquent la performance d’un panier d’actions. "Les ETF sont un produit plus classique aux yeux des clients", confirme Ludivine Pilate. "C’est clairement un trigger (un événement important, NDLR)" pour le secteur financier.
"On peut dire que cela a fait bouger les lignes", abonde Stéphane Wathier, CEO d’Edmond de Rotschild Belgique. "Ces ETF règlent a priori la partie réglementation, notamment en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment d’argent." Avant d’ajouter: "Mais cela ne règle pas la partie conseil en investissement. Vous restez avec un actif dont on ne sait toujours pas évaluer les fondamentaux."
Regain d’intérêt
Sans surprise, l’événement a provoqué un regain d’intérêt pour les cryptomonnaies chez une partie des clients des banques privées. Beaucoup de questions leur sont remontées au cours des derniers mois, notamment sur le fonctionnement de ces ETF en bitcoin et leur accessibilité en Belgique.
Qui sont ces clients? "Il s’agit plutôt d’une clientèle jeune, plus sophistiquée, mieux informée. La clientèle plus âgée va poser des questions, mais elle ne va pas spécialement franchir le pas", indique Stéphane Wathier.
"Nous n’avons pas encore trouvé la raison pour laquelle cela pourrait être plus intéressant d’investir dans le bitcoin."
Jérôme van der Bruggen, responsable de la stratégie d’investissement chez Degroof Petercam, constate pour sa part que les gens intéressés par les cryptomonnaies sont les mêmes profils d’investisseurs que ceux qui se positionnent sur l’or.
"Ce sont des gens à la recherche d’un actif qui pourrait les aider à protéger leur patrimoine en cas d’importantes tensions géopolitiques ou d’un ‘débasement monétaire’, c’est-à-dire un scénario de perte de confiance dans le système monétaire".
Bientôt disponibles auprès des clients belges?
L’intérêt croissant pour les ETF en bitcoin va-t-il pousser les banques privées à en proposer à leurs clients à l’avenir? La réponse est clairement négative pour plusieurs d’entre elles. "Nous n’avons pas encore trouvé la raison pour laquelle cela pourrait être plus intéressant d’investir dans le bitcoin, plutôt que dans des actions ou des obligations", explique Jérôme van der Bruggen.
Le stratégiste estime qu’il pourrait y avoir un intérêt purement financier d’investir dans la plus célèbre des cryptomonnaies si c’était un actif véritablement décorrélé des marchés boursiers. Mais, "pour l’instant, il n’y a pas suffisamment d’exemples historiques."
S’il est un jour proposé en Belgique, ce type de produit d’investissement ne sera accessible qu’à un nombre très limité de clients, en fonction de leur profil de risque.
Chez Puilaetco, on ne ferme pas complètement la porte. "Nous n’avons pas une politique d’exclusion. Nous avons toujours voulu être une banque assez ouverte aux opportunités que nous pourrions offrir à nos clients.
Donc, le jour où ces ETF seront distribuables en Belgique, c’est un sujet sur lequel nous allons certainement nous pencher avec le comité d’investissement", explique Ludivine Pilate.
L’adoption des trackers en bitcoin prendra donc encore du temps. Car si certains banquiers jugent rassurant le fait que ces ETF soient émis par des grands noms du monde de la finance, comme BlackRock, Grayscale ou Fidelity, la forte volatilité du bitcoin complique grandement son entrée dans la composition de n’importe quel portefeuille.
Au final, une chose est certaine: s’il est un jour proposé en Belgique, ce type de produit d’investissement ne sera accessible qu’à un nombre très limité de clients, en fonction de leur profil de risque.
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