La taxation kilométrique intelligente bruxelloise en sept questions
L'annonce du projet SmartMove par la Région bruxelloise a immédiatement déclenché un torrent de critiques. Mais que sait-on exactement à ce jour de cette réforme de la fiscalité automobile? L'Echo fait le point.
Par Pauline Deglume 11 décembre 2020
Qu'est-ce que SmartMove?
SmartMove est le nom donné par le gouvernement bruxellois à son projet de réforme de la fiscalité automobile. Le principe de base consiste à taxer l'utilisation d'un véhicule plutôt que sa possession, comme c'est le cas actuellement. En 2022, les taxes de mise en circulation (TMC) et de circulation (TC) pourraient tirer leur révérence pour laisser place à une taxation dite "intelligente", constituée d'une composante journalière et d'une composante kilométrique.
L'objectif principal d'une telle mesure est la réduction de la congestion dans la capitale. En prévoyant un régime tarifaire moins avantageux aux heures de pointe, la taxe doit en effet inciter les automobilistes à modifier leurs habitudes de déplacement.
Qui devra payer la taxe kilométrique?
La réponse est simple: toute personne circulant avec un véhicule motorisé au sein de la Région bruxelloise. Ainsi, les véhicules immatriculés à l'étranger et les ancêtres n'échapperont pas à la taxe kilométrique.
Les voitures électriques seront également mises à contribution, mais le tarif de la composante journalière sera de 0 euro comme pour les véhicules thermiques de 0 à 7 chevaux fiscaux. Il en sera de même pour les véhicules à hydrogène.
La taxe est aussi due pour tous les types de motos (quads, cyclomoteurs à trois roues...). Seuls les cyclomoteurs à deux roues de classe A (max. 25 km/h) et B (max. 45 km/h) sont exemptés de SmartMove. Toutefois, étant donné que les motocyclettes contribuent moins à la congestion du trafic que les autres véhicules, le montant de la taxe kilométrique sera divisé par quatre. La majorité des motos se retrouvent dans la catégorie la plus basse de puissance fiscale (0-7) sans montant journalier à payer.
Bien entendu, les camions qui sont déjà soumis à la taxe kilométrique poids lourds (Viapass) n'entreront pas dans le champ d'application de SmartMove. De plus, des exonérations sont prévues pour certaines catégories de véhicules en raison de leur usage: les véhicules de protection et de secours à la population, les transports collectifs de personnes et les véhicules de personnes à mobilité réduite.
Les voitures de leasing sont-elles aussi concernées?
Les voitures de société entrent également bel et bien dans le champ d'application de SmartMove. Mais sans accord de coopération, la Région bruxelloise ne pourra pas adapter le régime de TC et de TMC. En effet, la loi de financement stipule qu'un accord de coopération est indispensable pour toute adaptation du régime d'application aux voitures de leasing. Durant la phase de concertation, Bruxelles espère donc également obtenir un accord des autres entités sur ce point.
Il y a donc deux scénarios possibles. Sans accord, le régime de taxation actuel sera maintenu pour les sociétés de leasing. En cas d'accord de coopération, les sociétés de leasing basées à Bruxelles seront dispensées du paiement de la TMC et de la TC. Dans les deux cas, la taxation kilométrique s'appliquera aux conducteurs des voitures de leasing. Dans l'approche SmartMove, ce n'est pas le propriétaire qui est visé mais bien l'usager puisque l'objectif de la taxation kilométrique est d'avoir un impact sur le comportement de mobilité.
Combien cela va-t-il vous coûter?
Il est impossible de donner une réponse générale puisque la taxe SmartMove qui repose sur le principe pollueur-payeur dépend du type de véhicule et de l'usage qui en est fait. La taxe comprend une composante kilométrique et une composante journalière. Un montant est dû par jour d'utilisation du véhicule. Celui-ci varie en fonction de la puissance fiscale du véhicule et du moment d’utilisation du véhicule. De 0 à 12 euros durant les heures de pointe (de 7h à 10h et de 15h à 19h), de 0 à 6 euros durant les heures creuses (de 10h à 15h).
Selon l'administration (Bruxelles Fiscalité), 90% des véhicules ont une puissance fiscale inférieure ou égale à 11 chevaux fiscaux et paieraient donc un montant de base compris entre 0 et 1 euro en heures creuses et entre 0 et 2 euros en heure de pointe.
Si le conducteur roule à la fois pendant les heures de pointe et pendant les heures creuses, le montant du créneau horaire le plus cher est appliqué.
À la composante journalière s'ajoute une redevance par kilomètre parcouru: 0,20 euro/km en heure de pointe et 0,08 euro/km en heure creuse.
Le tarif est applicable sur toutes les routes bruxelloises à l'exception du Ring et des routes menant aux parkings de transit. Rouler le soir et la nuit après 19h ainsi que durant les périodes de week-end est gratuit.
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Un système de taxe forfaitaire est également prévu pour les personnes qui se rendent rarement en Région bruxelloise ou qui ne disposent pas des connaissances technologiques ou équipements nécessaires pour enregistrer les kilomètres parcourus. Le coût de ce système secondaire variera en fonction de la puissance du moteur du véhicule. En moyenne, la taxe forfaitaire sera plus élevée que la taxe kilométrique afin d'encourager les citoyens à utiliser cette dernière.
En Région bruxelloise, la taxe SmartMove remplacera la taxe de mise en circulation (sauf pour les véhicules à partir de 15 chevaux fiscaux) et la taxe de circulation. En revanche, les Wallons et les Flamands qui paieront la contribution SmartMove à Bruxelles devront toujours s'acquitter de la TMC et de la TC dans leur Région respective. Sauf si un grand accord permettrait d'appliquer la taxation kilométrique à l'ensemble du pays.
Comment la taxe sera-t-elle calculée?
Avant d'utiliser une route soumise à la taxe, les redevables doivent obtenir un daypass s'ils choisissent la taxe forfaitaire ou un objet embarqué s'ils choisissent la taxe variable. L'objet embarqué consiste soit en un appareil électronique spécifique soit en un smartphone muni d'une application mobile spécifique. C'est cet équipement qui permettra de déterminer le nombre de kilomètres parcourus et le moment auxquels ils sont parcourus.
L'utilisation de votre véhicule dans Bruxelles sera contrôlée à l'aide de la technologie des caméras ANPR qui sont déjà employées actuellement pour le contrôle de la zone de basses émissions (LEZ). Il sera vérifié, sur base de la plaque d'immatriculation, si l'utilisateur s'est enregistré à l'aide de l'application ou s'il a acheté un pass d'une journée.
Quels sont les impacts attendus de SmartMove?
Les effets sur la mobilité de SmartMove ont été évalués par des experts de Transport & Mobility Leuven et de l'Université Saint-Louis. Il ressort notamment de cette analyse d'impact que le scénario tarifaire actuel déboucherait sur une baisse de 7,7% du nombre de véhicules-kilomètres. Avec une diminution plus importante (de 10,5 à 11%) en période de pointe que pendant les périodes creuses et la nuit. Le week-end, on constate une légère augmentation du nombre de véhicules-kilomètres.
Toujours selon cette étude, les prélèvements SmartMove ont un impact significatif sur les embouteillages en Région bruxelloise. Au cours des deux périodes de pointe (de 7h à 10h et de 15h à 19h), le temps perdu dans les embouteillages diminue de 30%.
Un accord avec les autres Régions est-il indispensable?
La mise en place d'une taxe kilométrique intelligente par la Région bruxelloise aura forcément un impact sur les autres entités du pays. L'avant-projet d'ordonnance SmartMove est donc inscrit au Comité de concertation du 18 décembre 2020 afin d'entamer le processus de concertation avec le niveau fédéral les autres Régions. Le projet bruxellois sera également examiné dans les conférences inter-ministérielles Environnement, Mobilité et Fiscalité.
Mais avec ou sans accord, l'objectif de Bruxelles est de faire évoluer sa fiscalité automobile. En passant par la case concertation, l'exécutif bruxellois espère éviter, à un stade ultérieur, que ce projet fasse l'objet d'une procédure en conflit d'intérêts déclenchée par l'une des autres Régions. Bruxelles s'attend également à ce que son ordonnance soit contestée devant la Cour constitutionnelle et d'autres tribunaux.