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L'Etat à nouveau condamné pour le double précompte franco-belge

©photonews

La cour d’appel d’Anvers a tranché en faveur d’un Belge ayant perçu des dividendes français. La position du fisc devient difficile à défendre.

Une décision de justice renforce la jurisprudence favorable aux investisseurs belges en matière de double précompte mobilier sur les dividendes d’actions françaises. Dans un arrêt du 17 décembre, dont le Service public fédéral des Finances a communiqué la teneur à L’Echo, la cour d’appel d’Anvers a condamné l’Etat belge à imputer l’impôt français sur le précompte belge appliqué aux dividendes d’origine française. Autrement dit, l’impôt belge appliqué aux dividendes d’actions françaises doit être diminué d’un montant forfaitaire (égal à 15% du dividende net d’impôt français), qui est dénommé "quotité forfaitaire d’impôt étranger" (QFIE).

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40,50 %
Sans application de la QFIE, l’impôt total sur les dividendes français perçus par un Belge atteint 40,50%. La QFIE permet de ramener ce taux à 27,75%.

Conséquence de cet arrêt de la juridiction anversoise: la position de l’administration fiscale, défavorable à cette imputation de la QFIE, devient de plus en plus compliquée à défendre. Toutefois, "l’arrêt (de la cour d’appel d’Anvers, NDLR) est actuellement analysé pour vérifier s’il y aurait encore une possibilité d’introduire un nouveau pourvoi en cassation", précise-t-on au SPF Finances. La Cour de cassation s’était prononcée en faveur de l’imputation de la QFIE le 16 juin 2017 et avait renvoyé l’affaire devant la cour d’appel d’Anvers pour que cette dernière applique la décision de cassation sur le fond. Ce qui vient donc d’avoir lieu le 17 décembre 2019.

Cette saga judiciaire a d’importantes implications pour les investisseurs belges qui détiennent des actions françaises. Comme le fisc belge refuse l’imputation de la QFIE française, un dividende d’action française est taxé lourdement. Sur un dividende français de 100 euros, la France retient d’abord 15%. Ensuite, la Belgique applique son précompte mobilier de 30% aux 85 euros restants, soit une retenue de 25,50 euros. L’investisseur belge ne récupère donc que 59,50 euros de dividende net et l’impôt total atteint ainsi 40,50%.

Impôt réduit à 27,75%

Mais si on applique la jurisprudence de la Cour de cassation, qui impose l’imputation de la QFIE française, le résultat est tout autre: la QFIE, qui s’élève à 15% du montant après retenue française (85 euros), est de 12,75 euros, et quand on impute ces 12,75 euros sur le précompte mobilier belge de 25,50 euros, l’impôt prélevé en Belgique tombe à 12,75 euros, ce qui permet d’obtenir un dividende net de 72,25 euros (15 euros payés à la France et 12,75 euros payés à la Belgique). Dans ce cas, l’impôt total est limité à 27,75%. Un taux qui est même inférieur à celui du précompte sur les dividendes d’actions belges (30%)…

Quand un contribuable belge ayant perçu des dividendes français réclame l’imputation de la QFIE, les receveurs des contributions refusent ou, au mieux, placent la demande en suspens, dans l’attente de la décision de la Cour de cassation.

La Cour de cassation a donc consacré cette méthode en 2017 et la cour d’appel d’Anvers vient de l’appliquer au fond de l’affaire qui lui était soumise. Entre-temps, la cour d’appel de Bruxelles avait, elle aussi, appliqué cette jurisprudence favorable au contribuable, dans un arrêt du 20 septembre 2018. Mais l’administration fiscale avait refusé d’acquiescer à cet arrêt et avait introduit un nouveau pourvoi en cassation. La plus haute juridiction devra donc à nouveau se prononcer dans ce dossier qui tient les investisseurs belges en haleine.

En attendant ce nouvel arrêt de cassation, le fisc gagne du temps. Quand un contribuable belge ayant perçu des dividendes français réclame l’imputation de la QFIE, les receveurs des contributions refusent ou, au mieux, placent la demande en suspens, dans l’attente de la décision de la Cour de cassation. Résultat: en pratique, le double précompte demeure et l’impôt total atteint encore 40,50%.

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L’arrêt de la cour d’appel d’Anvers donne toutefois du grain à moudre aux contribuables qui ont introduit des réclamations. "Cet arrêt est perçu comme une victoire par les contribuables", explique Me Grégory Homans, avocat associé au cabinet Dekeyser & Associés. "Ils sont nombreux à espérer que cela débloque leur situation. En effet, certains conseillers généraux avaient décidé de ne pas traiter les réclamations introduites dans le cadre de la QFIE tant que la cour d’appel d’Anvers ne se serait pas prononcée."

Reste à voir si le fisc ira à nouveau en cassation contre cet arrêt. "Si l’administration fiscale ne se pourvoit pas en cassation, il deviendra compliqué de légitimer l’attitude attentiste de certains conseillers généraux", analyse Me Homans.

Avec un arrêt de cassation et deux arrêts de cours d’appel favorables, les contribuables mènent face au fisc par trois à zéro.

La fiscalité belge, ce nid de litiges

Plusieurs dispositions fiscales belges ont donné lieu à des recours et procédures divers et variés ces dernières années. L’avantage fiscal des comptes d’épargne, qui porte atteinte à la libre prestation de services par des banques étrangères à destination des épargnants belges, a été tancé à deux reprises par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et plusieurs tribunaux belges ont déjà condamné l’État à ce sujet.

L’extension de la taxe boursière belge aux ordres de Bourse passés via des courtiers étrangers a fait l’objet d’un recours devant la Cour constitutionnelle, laquelle a envoyé une question préjudicielle à la CJUE.

Par ailleurs, la haute juridiction européenne s’est aussi prononcée à deux reprises contre la différence de traitement fiscal entre les immeubles détenus par des contribuables belges, selon que ces immeubles sont situés en Belgique ou à l’étranger (on a égard au revenu cadastral en Belgique et aux loyers réels à l’étranger).

Autre source de litige: le régime fiscal de faveur de l’épargne-pension a aussi donné lieu à une condamnation européenne car il entrave à la libre prestation de services. 


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