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Engie ne commandera pas de combustible nucléaire tant qu'il n'y a pas d'accord avec l'État belge

Les négociations autour du plafonnement du coût des déchets nucléaires à charge d'Engie sont toujours en cours. ©EPA-EFE

Engie ne compte pas commander le combustible nécessaire au redémarrage de Doel 4 et Tihange 3 avant qu'un accord final soit trouvé avec l'État belge. "Cela devient urgent", dit l'énergéticien.

La pression continue de monter dans les négociations pour la prolongation du nucléaire belge. Le 15 mars dernier, l'opérateur des centrales, Engie, a adressé un courrier à la ministre de l'Énergie, Tinne Van der Straeten (Groen). L'objet: lui faire savoir qu'il compte attendre d'être certain de la prolongation pour 10 ans des réacteurs nucléaires Doel 4 et Tihange 3 avant de commander le combustible nécessaire à leur fonctionnement après 2025.

"Notre message est qu'il est urgent de trouver un accord."

Engie Belgique

Pour rappel, l'accord intermédiaire trouvé en janvier prévoit qu'Engie vise un redémarrage des unités dès novembre 2026, mais sans obligation de résultat avant novembre 2027. Pour y parvenir, la commande de combustible dans les plus brefs délais est l'une des tâches les plus urgentes à effectuer afin de s'assurer d'en disposer à temps.

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Cet échange intervient alors que les négociations sur la facture définitive des déchets nucléaires sont en cours et il n'est pas impossible qu'Engie use de cet argument pour faire monter la température d'un cran. "Notre message est qu'il est urgent de trouver un accord", signale ici l'énergéticien. Une nouvelle ligne communicationnelle alors que les négociateurs du gouvernement, le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) et la ministre de l'Énergie espèrent aboutir dans les "prochains jours".

Le jeu des négociations

De son côté, le cabinet Van der Straeten ne confirme ni n'infirme la réception de la lettre en question et cherche à éviter tout commentaire risquant de parasiter les discussions. "Il y a eu plusieurs échanges de courriers. Cela fait partie des négociations, cela veut dire qu'on discute intensément", expose Stéphanie Maquoi, porte-parole.

"Il y a eu plusieurs échanges de courriers. Cela fait partie des négociations, cela veut dire qu'on discute intensément"

Stéphanie Maquoi
Porte-parole de la ministre de l'Énergie

Marchant sur des œufs, le cabinet tente toutefois de rassurer et laisse entendre que le nœud des discussions ne concerne pas la sécurité d'approvisionnement, et donc la date de commande de combustible. D'un œil extérieur, on devine que le risque de ne pas en disposer à temps brandi par Engie est plutôt interprété sous le prisme du jeu des négociations où chaque partie place ses pions, que comme une réelle menace.

Deux ans et demi

Le gouvernement semble rassurant et Engie se dit pressé. Mais tous savent que commander du carburant nucléaire est un processus compliqué. Selon Robert Leclère, l'ancien CEO de Synatom, filiale en charge de cette responsabilité pour Electrabel, le timing devient serré. "Dans le cas de réacteurs comme Doel 4 et Tihange 3 il faut typiquement compter environ deux ans et demi pour avoir du combustible prêt à être utilisé. Cela comprend les négociations, l'enrichissement de l'uranium et la réalisation des assemblages", explique-t-il.

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"Dans le cas de réacteurs comme Doel 4 et Tihange 3 il faut typiquement compter environ deux ans et demi pour avoir du combustible prêt à être utilisé"

Robert Leclère
Ancien CEO de Synatom

Pour lui, "cela devient juste", d'autant plus que "le marché de l'uranium a nettement augmenté depuis que le monde n'en achète plus à la Russie". De plus, "vu la taille réduite du contrat (limité à du combustible pour deux réacteurs, NDLR), les conditions de négociation risquent d'être moins intéressantes", ajoute-t-il. Il faut aussi comprendre qu'en cas d'une commande à honorer en urgence, le prix à payer serait sans doute conséquent.

Fin accélérée ?

Attendre la version définitive de l'accord - prévue initialement pour le mois de juin prochain - pour commander de l'uranium parait risqué, d'autant plus dans un dossier caractérisé par sa difficulté, la taille des enjeux et... les retards.

Peut-être cette donnée et le sentiment d'urgence donné par Engie pousseront-ils les négociateurs à aboutir plus vite? Dans l'intervalle, la facture définitive du passif nucléaire, annoncée pour le 15 mars, se fait attendre.

Le résumé
  • Engie a informé la ministre de l'Énergie par courrier qu'il n'avait pas encore commandé le combustible nécessaire à la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 à partir de 2026.
  • Pour le faire, l'énergéticien dit vouloir être certain de l'aboutissement des négociations. Or, un accord sur la facture des déchets nucléaires est attendu depuis le 15 mars.
  • "Cela devient urgent", dit Engie, alors que le cabinet Van der Straeten se veut rassurant.
  • La commande de combustible est un processus complexe qui dure typiquement "environ deux ans et demi", nous dit l'ancien CEO de Synatom, Robert Leclère.
Dossier | Prolongation du nucléaire en Belgique

L'accord entre Engie et le gouvernement fédéral sur la prolongation de deux réacteurs nucléaires est le point d'orgue de près de trois ans de batailles au sein du gouvernement.

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