Génocide au Rwanda : "Ils ont fusillé mon père, ma mère et ma petite sœur"
Trente ans après, le Rwanda commémore le génocide des Tutsis. La Belgique est représentée par les ministres Lahbib et Dedonder, venues à Kigali à la tête d'une délégation. Parmi eux, Célyne Bucyana raconte le calvaire de sa famille.
"Les premiers jours, j'avais la haine. C'était difficile d'imaginer que dans mon quartier, les Français avaient évacué leurs ressortissants, alors que personne n'est venu pour aider ma famille". Céline Bucyana, une Belgo-Rwandaise, se souvient du génocide qui a frappé les Tutsis au Rwanda, durant une centaine de jours, d'avril à juillet 1994. Elle avait une vingtaine d'années, et, par chance, elle faisait ses études d'ingénieure à Louvain-la-Neuve. Le 8 avril 1994, au deuxième jour du génocide, des Hutus sont entrés dans la maison de ses parents, Claire Beckers, une Belge, et Isaïe Bucyana, un Tutsi, dans le quartier de Nayamirambo à Kigali. "Ils ont commencé par tout voler. Puis, ma petite sœur Katia a été violée devant maman. Ils font toujours comme ça", dit-elle. Horrifiée.
"Ils ont mis ma famille en rang, derrière la maison, et ils les ont fusillés."
"Après leur départ, ma mère a appelé au secours les Casques bleus de la Minuar. Ils ont répondu qu'ils ne pouvaient pas quitter la base, qu'ils devaient y venir par eux-mêmes pour se réfugier, et qu'ils ne pouvaient être que neuf personnes".
Le lendemain, le 9 avril, au matin, ses parents ont voulu quitter la maison avec d'autres membres de la famille. Mais un voisin, un Hutu, les a repérés. "Il les a dénoncés. La milice est venue. Ils ont aligné les membres de ma famille, derrière la maison, puis ils ont tiré. Ils ont fusillé mon père, ma mère et ma petite sœur. Et, avec eux, des cousins et des cousines", dit-elle.
"Ils ont laissé vivre une grand-mère, en lui disant qu'elle ne valait pas le prix de la balle pour la tuer. Une petite cousine, protégée par les corps tombés sur elle, a été emmenée à l'hôpital, où elle a été assassinée quelques jours plus tard". Des scènes semblables se reproduiront durant trois mois, sans que la communauté internationale intervienne pour y mettre un terme.
Commémoration
Nous sommes à Kigali, trente ans après le génocide au cours duquel entre 800.000 et 1,1 million de personnes, en majorité des Tutsis, mais aussi des Hutus modérés, ont été massacrés à coup de machette, de gourdin, fusillés ou brûlés vifs.
Les ministres des Affaires étrangères, Hadja Lahbib (MR), et de la Défense, Ludivine Dedonder (PS), sont arrivées ce samedi pour assister aux cérémonies qui se tiendront dans la capitale rwandaise, les 7 et 8 avril.
Vingt-deux Belges avaient été tués lors des massacres, dont douze civils et dix Casques bleus belges. Les ministres belges prévoient une visite au camp Kigali, où les para-commandos belges ont été massacrés le 7 avril 1994.
Reconstruction
"Aujourd'hui, je me suis reconstruite. Je vis en paix, et j'essaye de vivre au jour le jour."
Parmi la délégation belge se trouvent des membres des familles des para-commandos et des civils belges assassinés lors du génocide. Céline Bucyana en fait partie. Pour elle, la commémoration est un moment très important qui permet de se rappeler et de faire le deuil.
"Aujourd'hui, je me suis reconstruite. Je vis en paix, et j'essaye de vivre au jour le jour", résume-t-elle. Un regret, celui de n'avoir reçu aucune aide psychologique ou financière de la part de l'État belge. "Charles Michel nous avait promis, il y a cinq ans, que nous aurions le statut de victime. Mais cela n'a pas été concrétisé", dit-elle.
Le génocide des Tutsis, perpétré par le gouvernement génocidaire dirigé par des Hutus, avait éclaté au lendemain de l'attentat meurtrier contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana et de son homologue burundais Cyprien Ntaryamira, le 6 avril 1994. Le Front patriotique rwandais (FPR), dirigé par Paul Kagame, mit un terme au massacre en prenant le pouvoir en juillet 1994. Depuis lors, Paul Kagame est l'homme fort du pays. Il devrait être réélu lors de la présidentielle en juillet prochain.
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