La gestion du temps, un des facteurs-clés d'une conciliation sociale
Les actions dans les supermarchés Delhaize en sont à leur cinquième semaine, mais la première réunion avec le conciliateur social n’est prévue que le 18 avril. Tentative d’explications.
"C’est invraisemblable que la première réunion de conciliation ne soit prévue que le 18 avril. Plus le conflit dure, plus la conciliation va devenir difficile", s'inquiète un ancien conciliateur social. Il craint aussi que si le blocage se prolonge, davantage de personnes vont perdre leur emploi, parce que des indépendants hésiteront à reprendre des magasins qui auront été fermés durant de longues semaines, et dont les clients seront partis ailleurs.
"C'est invraisemblable que la première réunion de conciliation ne soit prévue que le 18 avril. Plus le conflit dure, plus la conciliation va devenir difficile."
Un premier tour de chauffe
Un point de vue que ne partage pas entièrement Jean-François Macours, conciliateur social que L’Echo a interrogé sur son métier. "Dans les gros conflits, notre rôle est plutôt celui d’un démineur. Un premier tour de chauffe est alors généralement nécessaire, parce qu’il est compliqué d’amener les deux parties à se mettre immédiatement à table."
Carrefour, Brink’s, AB InBev, ArcelorMittal, Caterpillar, Delhaize déjà, NLMK Clabecq, Proximus ou Brussels Airlines, et on en passe, sont quelques-uns des dossiers emblématiques de ces dernières années où un conciliateur a été appelé à la rescousse.
La gestion du temps est alors un des facteurs-clés de la conciliation. "Même la fixation de la date de la première réunion peut tourner à la guerre des nerfs", poursuit Jean-François Macours. "Temporiser est une des stratégies, qui peut aider à faire retomber la pression. Mais c’est une arme à double tranchant: cela peut aussi envenimer davantage la situation", explique encore notre conciliateur.
Dans le conflit actuel chez Delhaize, c’est le ministre de l’Emploi Pierre-Yves Dermagne qui a décidé de nommer un conciliateur, après une demande publique de la direction. Et il se peut tout simplement que le conciliateur social désigné le 28 mars - qui n’est autre que Matthias Jacxsens, le président de la commission paritaire de la grande distribution - mette à profit le délai dont il dispose pour rencontrer les parties séparément et préparer le terrain. "C’est en tout cas ce que j’aurais fait, d’autant que c’est l’avenir de tout le secteur du commerce qui va se jouer ici", réagit Jean-Marie Fafchamps, conciliateur social à la retraite.
"Temporiser peut aider à faire retomber la pression. Mais c'est une arme à double tranchant: cela peut aussi envenimer davantage la situation."
17 fonctionnaires aux profils variés
Ils sont aujourd’hui dix-sept, fonctionnaires au SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, à assurer cette fonction, avec des profils assez variés. "Cette mise à disposition par l’État de conciliateurs sociaux 'gratuits' est une particularité belge, observe Jean-Charles Parizel, conseiller au centre de compétences Emploi et Sécurité sociale de la FEB. Leur plus-value? Avoir une approche objective et neutre, pour identifier les fenêtres qui permettront de renouer le dialogue, sans avoir pour vocation de donner raison à l’un ou l’autre."
Au quotidien, ces conciliateurs président les 160 commissions paritaires que compte notre pays. Quand le dialogue coince, les parties font appel au bureau de conciliation du secteur, qui est en principe composé du président de la commission paritaire ainsi que des représentants des bancs patronaux et syndicaux. Ce bureau va alors formuler une proposition de conciliation, qui sera acceptée par les parties, ou qui conduira à un procès-verbal de carence.
"Dans les conciliations ad hoc, comme le dossier Delhaize, le conciliateur social peut exercer sa mission de manière assez souple, mais il ne peut jamais rien imposer: la participation active des parties est nécessaire, et fait partie du processus", observe Jean-Charles Parizel, qui affirme que dans tous les conflits, on finit généralement par trouver un terrain d’entente. "Il y a toujours un moment où il faut dénouer le nœud."
"Même si ça commence généralement par un dialogue de sourds, en étant patients, en ayant une grande capacité d’écoute et en étant créatifs, nous parvenons généralement à renouer les fils du dialogue et à fixer un cadre aux discussions, confirme Jean-François Macours. Les parties retournent alors dans leur entreprise, et des solutions interviennent, souvent sans nous." Un processus qui peut prendre des semaines.
Il n’est pas du tout sûr, dans le dossier Delhaize, que l’entreprise va revenir sur sa décision de faire passer l’ensemble de ses magasins en franchise. "Dans ce cas, les syndicats vont être obligés de négocier des primes de départ pour ceux qui veulent, et d'essayer d’allonger la période durant laquelle les franchisés s'engagent à garder le personnel transféré", estime Jean-Pierre Pfafchamps. Une négociation dont le résultat est d’autant plus important qu’elle pourrait faire jurisprudence dans le secteur.
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