Les fortunes belges se réfugient en Suisse
C'est bien connu: il ne fait pas bon être riche quand l'État cherche de l'argent. Les fortunes belges ont compris le message cinq sur cinq. Dans une enquête menée par L'Echo en Suisse, il apparaît qu'ils sont de plus en plus à chercher à se délocaliser sur les bords du Lac Léman. Depuis 2011, le nombre de clients belges auprès des conseillers de grosses fortunes étrangères y a doublé, voire triplé.
Pour la première fois, en décembre dernier, le nom d'un Belge est apparu dans le classement des 300 plus riches de Suisse établi par le magazine Bilan. Guy Ullens de Schooten, homme d'affaires et actionnaire principal de WeightWatchers, est devenu la face visible de l'iceberg. Sous la ligne de flottaison, les noms de Belges circulent, comme un banc de poissons attirés par l'appât fiscal de la Suisse.
En 2011, le nombre de clients belges intéressés a explosé. Impossible d'obtenir des chiffres précis. Mais la tendance s'affiche clairement auprès des acteurs concernés. "Toutes nationalités confondues, je délocalise entre 20 et 30 personnes par an. Le nombre de Belges a quasiment doublé l'année passée", nous dit Philippe Kenel, avocat fiscaliste suisse et président de la Chambre suisse du Commerce pour la Belgique et le Luxembourg.
Ils fuient la Belgique pour les bords du Lac Léman. Ces derniers mois, les experts que nous avons contactés sont formels: de plus en plus de fortunes belges se délocalisent en Suisse. L'attrait fiscal bien sûr. Mais surtout la crainte, en Belgique, de subir les velléités du gouvernement Di Rupo. L'Echo a traqué ces "exilés fiscaux" belges qui ont trouvé un ciel plus clément en Suisse. Une traque difficile, tant ils veillent à garder leur intimité. Sous couvert d'anonymat, l'un d'eux a accepté de parler. Son témoignage est criant. La Belgique fait peur.
L'idée d'un impôt sur la fortune émise en juillet par les négociateurs a fait crisser les dents. La mesure n'est pas passée, mais la nouvelle charge, cette semaine, par le président faisant fonction du PS, Thierry Giet montre que l'étau se resserre: les millionnaires n'ont qu'à bien se tenir... ou émigrer.
Les Entrepreneurs aussi
L'autre aspect de notre enquête n'est pas moins inquiétant. Elle montre l'état d'esprit des entrepreneurs. Nombre d'entre eux se délocalisent en Suisse pour y trouver un ciel plus clément. La bureaucratie, la fiscalité abusive, la difficulté d'avoir un bon interlocuteur, autant de frustrations que certains entrepreneurs éprouvent en Belgique. Et le "ressenti" ne fait qu'empirer, selon l'un de ces entrepreneurs belges "exilés" qui a bien voulu se confier sous le couvert de l'anonymat. Résultats: là aussi, ils sont de plus en plus nombreux à chercher un meilleur climat pour mener leurs affaires.
Le pays de Calvin a toujours attiré les grosses fortunes et les entreprises. Il semble maintenant que c'est la Belgique qui les y pousse de plus en plus.
Le fameux "forfait fiscal"
En cours depuis les années 1920, le forfait fiscal est un impôt sur la dépense. Il est octroyé aux grosses fortunes étrangères résidentes en Suisse sous certaines conditions: pas d'activités professionnelles en Suisse, y résider au minimum 183 jours par an, avoir un revenu annuel supérieur à 50.000 francs suisses... Son calcul ne prend pas en compte les revenus ou la fortune réelle du contribuable.
Mais, "quand j'ai commencé, il y a 12 ans, je faisais des forfaits à partir de 150.000 francs suisses par an, explique François Micheloud, conseiller fiscal basé à Lausanne. Maintenant, en dessous de 400.000, il vaut mieux passer par le rôle ordinaire."
Le rôle ordinaire, c'est le résident normal. Il paie son impôt cantonal, sa taxe communale, l'impôt sur la fortune, les droits de succession. Tout est laissé au soin du calcul. Car le diable peut se cacher dans les détails. L'exercice d'imposition est alors l'apanage des cantons, qui profitent de la concurrence pour attirer les résidents.
Retrouvez l'intégralité du reportage "La Suisse et ses réfugiés fiscaux" ainsi que le "Vade Mecum de l'exilé fiscal"en page 30 de L'Echo du week-end.
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