tribune

Le PS et la neutralité: l’abandon?

Il suffit de prêter attention aux dernières déclarations de Chahid sur le port du voile pour saisir que le logiciel du PS a considérablement été modifié ces dernières années sous l’impulsion de son aile communautariste et des coups de boutoir de son partenaire de la majorité, Ecolo.

Une bataille décisive autour de la neutralité se déroule, à Bruxelles, dans un climat de plus en plus confus et tendu.

Or, il existe deux façons de gagner une bataille quelle qu’elle soit, d’ailleurs. Celle qui nous vient, d’emblée, à l’esprit se conclut par une victoire de l’un des protagonistes du fait de sa capacité à faire valoir ses arguments. L’autre, un peu moins honorable, est une victoire par défaut, qui survient lorsque l’une des parties compromet ses chances de succès et décide de renoncer à se défendre en concédant la victoire.

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C’est cette dernière voie que suggère Ridouane Chahid, chef de groupe PS au Parlement bruxellois, à son parti, en réaction au jugement du tribunal de travail rendu dans un litige opposant la STIB à une femme voilée.

La semaine dernière sur le plateau de BX1 qui avait consacré un débat à la question avec les principaux partis à Bruxelles, Chahid admettait : « Je suis pour le voile ! » et préconisait que la STIB, premier employeur de la région, prenne comme exemple ACTIRIS, l'office de l'emploi bruxellois, lorsque l’organisme public renonçait à interjeter appel d’une décision du tribunal de travail rendue en 2015 qui l’opposait à trois femmes voilées pour discrimination.

N’y a-t-il plus personne dans la majorité actuelle pour défendre les bienfaits de la neutralité ?

Depuis lors, la STIB tout comme l’Agence Bruxelles-Propreté, sont sous pression pour changer leur règlement intérieur. Jusque -là, les deux organismes ont tenu bon. En 2018, leurs porte-parole reconnaissaient que :« Le cas d’une employée voilée ne s’est jamais présenté à nous». La porte-parole de la STIB expliquait  que la neutralité était collectivement bien admise au sein de l’entreprise reconnue, par ailleurs, pour son ouverture à la diversité : « Il n'y a d'ailleurs aucune revendication dans l'entreprise liée au port du voile ou même d'autres signes religieux que ce soit». Alors, qu’est-ce qui a changé depuis ces dernières années ? N’y a-t-il plus personne dans la majorité actuelle pour défendre les bienfaits de la neutralité ?

Le PS " coincé " entre son héritage et ses calculs électoralistes

Ces questions se posent avec acuité. Il suffit de prêter attention aux dernières déclarations de Chahid sur le sujet pour saisir que le logiciel du PS a considérablement été modifié ces dernières années sous l’impulsion de son aile communautariste, de plus en plus forte, sans oublier les coups de boutoir de son partenaire de la majorité, Ecolo, qui lui impose de lâcher du lest sur la neutralité.

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On se retrouve, alors, avec un PS déboussolé, « coincé » entre son héritage et « piégé » par ses calculs électoralistes et ses alliances.

On se retrouve, alors, avec un PS déboussolé, « coincé » entre son héritage et « piégé » par ses calculs électoralistes et ses alliances.

Entendre le représentant d’un parti progressiste comme le PS digne héritier de luttes considérables en faveur des droits des femmes, de la neutralité de l’Etat, de la diversité sexuelle, de l’émancipation des couches populaires et de la solidarité internationale, se déclarer ouvert au voile islamique, symbole politico-religieux du patriarcat musulman en dit long sur les mutations que connait cette formation.

Combien de fois faudra-t-il rappeler que le voile islamique véhicule un ordre social opposé à l’universalisme des Lumières et à l’égalité ? Combien de fois faudra-t-il rappeler notre devoir de solidarité à l’endroit des femmes iraniennes et afghane ? Combien de fois faudra-t-il rappeler que la présence d’une seule femme voilée exerce une pression sur toutes les autres qui ne sont pas voilées ?

Certes, il existe un PS plus enclin à défendre la neutralité mais il semble qu’un autre PS séduit par une organisation sociale à l’anglo-saxonne qui privilégie les communautés au détriment de l’émancipation de l’individu, exalte les particularismes religieux et ethniques au grand dam de l’intérêt général, est en train d’imprégner sa marque pour influencer le cours des choses.

Dans la Région de Bruxelles-Capitale, la normalisation du voile islamique dans l’administration publique de certaines communes va bon train.

L’enjeu de l’heure est d’en appeler de la dernière décision du tribunal de travail. Dans la majorité bruxelloise, il n’y a plus que Défi qui défend publiquement cette perspective. Le parti se retrouve de plus en plus isolé aussi bien dans la Région de Bruxelles-Capitale que dans la commune deSchaerbeek où Bernard Clerfayt (Défi) y est élu comme bourgmestre depuis 2001. La stratégie de la mise en échec de la neutralité ne vise pas seulement les organismes publics, elle cible également des communes. Et Schaerbeek en est une.

La neutralité à Schaerbeek: commune névralgique

Dans la Région de Bruxelles-Capitale, la normalisation du voile islamique dans l’administration publique de certaines communes va bon train comme nous avons pu le constater, encore une fois, le 22 mars dernier, lors de l’audition de notre Collectif à la Commission de Schaerbeek chargée d’examiner la révision du règlement de travail pour permettre le port des signes convictionnels aux employés, à l’initiative d’une proposition du PTB.

Ce parti qui s’appuie dans son énoncé sur la Convention d’Istanbul pour défendre le voile mène la charge contre la neutralité au nom de la diversité.

Cette commission qui se tient à huis clos (pourquoi ?) à Schaerbeek relève de la plus haute importance. Car c’est la commune où les travaux sont les plus aboutis sur la question.

Bernard Clerfayt sera amené à prendre des décisions qui pourraient avoir une incidence majeure sur les autres communes. D’autant plus que Schaerbeek n’est pas n’importe qu’elle commune. En effet, Mahinur Ozdemir s’y est fait élire comme conseillère communale sous la bannière du CDH, en 2006, puis comme députée au parlement bruxellois, en 2009, devenant ainsi, la première parlementaire voilée d'Europe.

Longtemps, elle a œuvré pour sa visibilisation prétendant du même souffle que son voile n’était qu’« anecdotique ». Est-ce un hasard du calendrier si Ozdemir devient ambassadrice de Turquie, en Algérie, en 2020 en plus de siéger au Conseil supérieur des femmes de l'Organisation de la coopération islamique, véritable lobby politico-religieux au service d’une lecture rigoriste de l’islam ? Bien sûr que non. 

Dans le modèle islamo-nationaliste que promeut Erdogan, la place des femmes reste ancrée dans la tradition, soumises à une lecture rigoriste de l’islam et invisibilisées derrière le voile.

Le politologue arabisant, Gilles Kepel, soutient que la Turquie d’Erdogan est la tête de pont de l’islam politique, le lieu d’où les Frères musulmans s’organisent pour la conquête de l’Europe.

Erdogan dont le message est relayé dans plusieurs grandes villes européennes y compris à Bruxelles a pris l’initiative de retirer son pays de la Convention d'Istanbul, instrument juridique pour lutter contre les violences faites aux femmes. Vous savez pourquoi ? Parce que la question des femmes est politique dans tout projet de société.

Dans le modèle islamo-nationaliste que promeut Erdogan, la place des femmes reste ancrée dans la tradition, soumises à une lecture rigoriste de l’islam et invisibilisées derrière le voile. Espérons que Schaerbeek, dirigée par le ministre- bourgmestre (empêché), Bernard Clerfayt s’en démarquera pour défendre une vision résolument démocratique de l’égalité !

Collectif Laïcité Yallah
Les signataires sont Malika Akhdim, militante féministe et laïque, Radouane El Baroudi, cameraman ; Djemila Benhabib, politologue et écrivaine ; Yeter Celili, militante féministe et laïque ; Bahar Kimyongur, activiste des droits humains ; Kaoukab Omani, éducatrice ; Abdel Serghini, réviseur d’entreprises ; Jamila Si M’Hammed, militante féministe et laïque ; Sam Touzani, artiste-citoyen. 

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