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Ozempic, cette piqûre qui prend son envol pour changer la vie

Le médicament Ozempic, du groupe danois Novo Nordisk, a un tel succès que plusieurs de ses versions ne seront plus disponibles en Belgique dans les mois à venir. ©Filip Ysenbaert

Permettant de perdre du poids, Ozempic pourrait aussi être indiqué pour traiter des maladies cardiovasculaires, l'addiction à l’alcool ou la démence, par exemple. Mais cela ne fonctionne pas pour tout le monde.

Pendant sa grossesse, Hira Shah (24 ans) a pris 20 kilos. Après la naissance de sa fille, elle a essayé de maigrir en faisant de l’exercice de manière intensive et en suivant un régime. En vain. Après un an, le poids affiché sur la balance n’avait pas changé. Son médecin traitant lui a indiqué qu’elle souffrait d’un problème pancréatique, ce qui rendait la perte de poids difficile. Mais il lui a aussi proposé une solution: Ozempic.

Hira Shah.
Hira Shah. ©siska vandecasteele

Malgré sa peur des aiguilles et le coût de 100 euros par mois, Hira Shah s’est résolue à se faire des injections du médicament dans l’estomac toutes les semaines. Au bout de quelques jours, la jeune mère a vu son appétit et sa tendance au grignotage s’amenuiser. "Au bout de trois mois, j’avais perdu près de 10 kilos."

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Ce médicament efficace pour Hira Shah connait depuis un peu plus d’un an un succès phénoménal. Conçu pour les patients atteints de diabète de type 2, il s’est avéré en effet qu’il inhibait l’appétit en plus de réduire le taux de sucre dans le sang. Des célébrités comme Elon Musk et Kim Kardashian en ont vanté les résultats et la facilité. Ce qui a braqué encore un peu plus les projecteurs sur le fabricant de l’Ozempic, le groupe danois Novo Nordisk.

Aujourd’hui, l’entreprise pharmaceutique, dont le cours de l’action a grimpé en flèche, est en manque de stocks à l’échelle mondiale, au moins jusqu’au début de l’année 2024. Ainsi, plusieurs versions de l’Ozempic ne seront plus disponibles en Belgique dans les mois à venir, a-t-on appris cette semaine. 

Marché cible gigantesque  

Le marché cible potentiel est énorme. En Belgique, plus de la moitié des adultes et un nombre croissant de mineurs sont en surpoids, voire obèses. "Par nature, nous aimons tous manger des aliments riches en sucre et en graisse. Il n’est dès lors pas facile d’abandonner ces aliments malsains", explique Loes Neven, responsable de la nutrition à l’Institut flamand pour une vie saine. Loin de vouloir promouvoir le médicament en question, elle comprend que les gens y voient un moyen de résister aux nombreuses tentations.

16 milliards
de dollars
Novo Nordisk devrait voir ses ventes de médicaments anti-obésité grimper à 16 milliards de dollars d'ici à 2027.

Les médicaments de Novo Nordisk favorisant la perte de poids, comme Ozempic et Wegovy, sont largement prescrits.

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Aux États-Unis, plus de neuf millions d’ordonnances ont été rédigées au premier trimestre de 2022, selon Trilliant Health, un cabinet d’études de marché américain. C’est 300% de plus qu’au cours du premier trimestre de 2020. Selon l’agence de presse Reuters, Novo Nordisk, qui est aujourd’hui l’entreprise européenne la plus chère en bourse, a vendu pour 2,5 milliards de dollars de doses l’année dernière. Ce chiffre devrait atteindre 16 milliards de dollars d'ici à 2027.

Le groupe pharmaceutique américain Eli Lilly, dont le médicament contre l’obésité et le diabète Moujaro pourrait être autorisé cette année, se frotte déjà les mains en avançant que ce dernier entraînerait une perte de poids encore plus importante que les médicaments Ozempic et Wegovy. Les experts estiment que cela pourrait en faire le médicament le plus vendu au monde. Outre Novo Nordisk et Eli Lilly, d’autres entreprises tentent d’exploiter ce filon. Quelque 70 traitements candidats sont ainsi en cours de développement.

Changements de consommation

L’Ozempic et consorts vont-ils changer notre façon de manger et de consommer? Cette question taraude le secteur qui doit sa fortune à la difficulté de perdre du poids. WeightWatchers, qui en vit depuis soixante ans, a revu sa stratégie. L’entreprise américaine a racheté Sequence, une société de télémédecine qui permet à ses utilisateurs d’avoir accès à des seringues amaigrissantes. La jeune et populaire application de régime Noom a lancé un programme mensuel intégrant des médicaments.

L’inquiétude est de mise chez les industriels de l'agro-alimentaire.

Le marché des collations a longtemps fait fi des taxes sur les graisses et les sucres et de l’idéal de minceur. "Nous ne faisons que grignoter davantage", nous déclarait encore en mai dernier Dirk van De Put, le Belge à la tête du géant de la confiserie Mondelez.

Mais aujourd’hui, l’inquiétude est de mise. Lorsque John Furner, le CEO du géant américain des grands magasins Walmart, a fait remarquer que les adeptes de l’Ozempic et du Wegovy avaient un caddie un peu moins rempli, de nombreux investisseurs ont frémi à l’idée de voir les consommateurs prendre massivement des médicaments coupe-faim. Les actions des entreprises alimentaires Heineken, AB InBev, Lotus Bakeries, Lindt & Sprüngli et Nestlé ont piqué du nez après les déclarations de John Furner.

Contre les maladies cardiovasculaires  

Mais ces médicaments n’ont pas livré tous leurs secrets. Novo Nordisk cherche ainsi à déterminer les autres applications possibles des agonistes des récepteurs du GLP-1. C’est la nouvelle classe de médicaments à laquelle appartient l’Ozempic. Ils imitent l’hormone GLP-1, que nous produisons dans l’intestin grêle, ce qui entraîne la production d’insuline par le pancréas et ainsi équilibre le taux de sucre dans le sang et coupe l’appétit.

Mais d’autres effets bénéfiques sont étudiés. Il est possible que l’augmentation de la pression artérielle, l’apnée du sommeil et les douleurs articulaires, fréquentes chez les patients diabétiques et obèses, diminuent également chez ceux qui prennent le médicament. Les Danois ont annoncé l’été dernier que "leur" Wegovy réduisait de 20% le risque de maladies cardiovasculaires, sur la base de leur étude portant sur 17.600 patients dans 41 pays durant cinq ans.  

Il se pourrait donc que le semaglutide - l’agent actif dans Ozempic et Wegovy - soit également efficace chez les personnes souffrant d’insuffisance rénale.

Le professeur d’endocrinologie Roman Vangoitsenhoven (UZ Leuven) et d’autres experts notent qu’il n’est pas exceptionnel que les médicaments contre le diabète soient efficaces pour d’autres affections, ce qui permet alors de les prescrire à certaines personnes non diabétiques.

Il se pourrait donc que le semaglutide - l’agent actif dans Ozempic et Wegovy - soit également efficace chez les personnes souffrant d’insuffisance rénale. Novo Nordisk a annoncé cette semaine que les études sur ce sujet donnaient d’excellents premiers résultats. L’entreprise communiquera sur l’impact exact au cours du premier semestre 2024.

Une aide dans les premiers stades de l'Alzheimer  

Mais il est possible que les récepteurs du GLP-1, sur lesquels agissent des médicaments comme Ozempic, influencent encore de nombreuses autres fonctions. Ces récepteurs, qui sont un type de protéine, sont présents dans de nombreux endroits de notre corps - les intestins et le cerveau, mais aussi les vaisseaux sanguins cérébraux et le pancréas, le cœur et les muscles. Une fois qu’une molécule se lie à eux, ils ont le potentiel de déclencher toutes sortes de processus biologiques.

"Il semblerait qu’en améliorant le traitement du diabète, par exemple à l’aide d’un médicament GLP-1, on réduise également le risque de démence."

Sebastiaan Engelborghs
Chef du service de neurologie à l’UZ Brussel

Peut-être même celui de la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs étudient par exemple si le semaglutide sous forme de pilule peut aider les patients dans les premiers stades de la maladie. Ils étudient l’effet de la substance sur leur mémoire et leur fonctionnement quotidien. Plusieurs cliniques de notre pays participent également à l’étude, pour laquelle quelque 1.800 sujets sont suivis dans le monde entier.

Eli Lilly a déjà mené des recherches similaires avec d’autres médicaments GLP-1. En 2020, le géant pharmaceutique a constaté que les patients atteints de diabète de type 2 voyaient leurs facultés cognitives s’améliorer après un traitement de longue durée. "Comme il y a aussi des récepteurs GLP-1 dans le cerveau, un tel médicament agit également sur lui", explique Sebastiaan Engelborghs, spécialiste de la maladie d’Alzheimer et chef du service de neurologie à l’UZ Brussel.

Selon lui, nous savons depuis longtemps que les personnes atteintes de diabète présentent un risque accru de démence, y compris de maladie d’Alzheimer. "Il semblerait qu’en améliorant le traitement du diabète, par exemple à l’aide d’un médicament GLP-1, on réduise également le risque de démence."

Combattre l'addiction à l'alcool

Mais d’autres pistes, très différentes, s’ouvrent également devant nous. On cherche par exemple à savoir si les médicaments GLP-1 peuvent éliminer des addictions, notamment à l’alcool. Cela pourrait s’expliquer par le fait que le médicament agit sur le système de la dopamine dans notre cerveau, qui joue un rôle important dans l’expérience du bonheur et du plaisir.

Plusieurs utilisateurs de semaglutide ont déclaré qu’ils buvaient moins d’alcool. Si des études scientifiques venaient à le confirmer, cela pourrait conduire à "un moment Prozac dans la science de l’addiction", se réjouit un neuroscientifique dans la revue Science. À la fin des années 1980, le Prozac avait en effet révolutionné la lutte contre la dépression.

La plupart des études sur l’effet du semaglutide sur la perte de poids n’expliquent pas pourquoi 10 à 20% des personnes qui en prennent ne maigrissent au mieux que de 5%.

Effets indésirables

Mais tous les experts sont loin de partager cet enthousiasme, soulignant que les études sur les effets sur la dépendance n’ont encore été menées que sur des rongeurs. Science fait cependant état d’au moins neuf études en cours ou prévues visant à déterminer si le semaglutide peut réduire la consommation de cigarettes, d’alcool, d’opioïdes ou de cocaïne.

En attendant, certains utilisateurs de ces médicaments constatent que les injections leur causent beaucoup de souffrance ou ne fonctionnent guère.

Els Schepers.
Els Schepers. ©siska vandecasteele

Ainsi, Els Schepers (28 ans) a commencé à prendre l’Ozempic il y a plus d’un an, après avoir essayé presque tous les régimes en vain. Ses effets n’ont pas tardé à se faire sentir. "J’avais encore envie de grignoter, mais quand je le faisais, je vomissais immédiatement. Je me sentais déprimée. Au bout de six mois, j’avais perdu 10% de mon poids."

Son médecin lui a alors proposé d’augmenter la dose pour perdre davantage de kilos. Mais cela ne s’est pas passé comme prévu. "Dès que je prends plus de 0,25 mg de semaglutide, je me sens très mal. À la moindre chose que je mange, je dois prendre un seau pour aller aux toilettes." Els Schepers a recommencé avec la dose la plus faible, mais son poids ne diminue plus. "C’est extrêmement frustrant."

La plupart des études sur l’effet du semaglutide sur la perte de poids n’expliquent pas pourquoi 10 à 20% des personnes qui en prennent ne maigrissent au mieux que de 5%. Mais chez les personnes où le médicament agit, nombreuses sont celles aussi qui souffrent de nausées, diarrhée et vomissements, voire, dans certains cas exceptionnels, d’une inflammation grave du pancréas.

D’autres effets indésirables du semaglutide, comme une déshydratation rapide, des pensées suicidaires et des comportements autodestructeurs, ont été signalés dans le monde entier, ce qui a amené l’Agence européenne des médicaments à lancer une étude à ce sujet. Ses conclusions sont attendues en novembre.

Le médicament s'attaque aux symptômes et non aux causes

A-t-on parlé trop vite de "médicament miracle"? Plusieurs experts de la santé émettent des réserves. Car même si ses effets sont révolutionnaires, le médicament ne s’attaque pas aux causes, mais seulement aux symptômes.

"Il est probable que vous devrez continuer à prendre un tel médicament toute votre vie."

Chantal Mathieu
UZ Leuven

"Le message selon lequel on peut résoudre le problème de l’obésité avec une seringue m’inquiète très fort", fait valoir la professeure d’endocrinologie Chantal Mathieu (UZ Leuven). "Ce que l’on oublie souvent de dire, c’est que les participants à toutes ces études cliniques ont également reçu des conseils nutritionnels, afin de consommer suffisamment de protéines pour maintenir la masse musculaire, ainsi qu’un coaching intensif d’exercice physique."

Le battage médiatique risque de minimiser l’importance de ces changements de comportement essentiels. Chantal Mathieu note également que le nouveau médicament hormonal entraîne une perte musculaire, non seulement dans les jambes, mais aussi dans le cœur. "De plus, il est probable que vous devrez continuer à prendre un tel médicament toute votre vie."

Mais les effets à long terme sont encore mal connus, explique Kris Gillis, de l’association professionnelle flamande des diététiciens. "Ce ne serait pas la première fois qu’un médicament amaigrissant serait retiré du marché en raison d’effets indésirables (le rimonabant a disparu en 2008 à la suite d’une augmentation du nombre de suicides, NDLR)." Elle évoque également les pontages gastriques. "On les voyait également comme la solution miracle. Aujourd’hui, tout le monde se rend compte que c’est loin d’être idéal."

Un médicament coûteux

Dans notre pays, le semaglutide n’est remboursé que pour les patients atteints de diabète de type 2. Et cela pèse déjà très lourd sur le budget des médicaments (24,2 millions d’euros), qui s’élevait à quelque 6 milliards d’euros en 2021. Cela concernait à l’époque 28.230 patients. Ce chiffre n’inclut pas les personnes qui utilisent le produit pour perdre du poids. L’Inami ignore quelle est la taille de ce groupe. Il est probable qu’elle soit considérable, compte tenu de la rareté des produits et de la relative facilité avec laquelle on peut obtenir une ordonnance.

"C’est le médecin qui devrait justifier pour chaque individu la nécessité d’un traitement médicamenteux."

Caroline Braet
UGent

Pour les nouvelles indications comme l’obésité, aucun dossier de remboursement n’est en cours. Mais c’est sans doute une question de temps. "Nous devons d’abord choisir un groupe de niche, sinon on épuisera rapidement les caisses de l’État", remarque Roman Vangoitsenhoven.

"La question est de savoir si on n’enverrait pas ainsi le message suivant: ‘ne vous retenez plus, si votre poids dérape, le gouvernement interviendra’." La psychologue du développement Caroline Braet (UGent) préconise des règles différentes. "Dans le domaine de la chirurgie de l’obésité, nous constatons que les gens continuent à manger jusqu’à ce qu’ils atteignent un certain IMC afin de pouvoir bénéficier d’un remboursement." Elle est donc favorable à un parcours de remboursement personnalisé. "C’est le médecin qui devrait justifier pour chaque individu la nécessité d’un traitement médicamenteux."

Chantal Mathieu estime cette voie réaliste. "Nous connaissons de mieux en mieux les facteurs génétiques qui déterminent notre prédisposition à l’obésité, les variantes génétiques qui jouent un rôle. C’est déjà le cas dans la recherche, mais d'ici à quelques années, une simple prise de sang devrait permettre de savoir quel traitement convient le mieux pour chacun."

Le résumé
  • L'Ozempic connait depuis un peu plus d’un an un succès phénoménal. Conçu pour les patients atteints de diabète de type 2, il s’est avéré qu'en plus de réduire le taux de sucre dans le sang, ces injections inhibaient l’appétit.
  • Cependant, ce médicament est parfois trop vite prescrit pour faire maigrir, et cela ne fonctionne pas avec tous les patients.
  • Le médicament ne s’attaque pas aux causes, mais seulement aux symptômes. Et ses effets à long terme ne sont pas encore connus.
Ozempic en quelques mots

Ozempic est le nom des seringues que la société pharmaceutique danoise Novo Nordisk a lancées il y a cinq ans pour les personnes atteintes de diabète de type 2. Ce médicament permet non seulement d’équilibrer la glycémie, mais aussi de perdre du poids.

Cet effet secondaire a rendu le produit immensément populaire, entraînant des pénuries mondiales de semaglutide, l’ingrédient actif des injections. Ozempic est synonyme dans le monde entier de médicament diététique, même s’il n’est destiné qu’aux diabétiques.

Il appartient à une classe relativement nouvelle de médicaments qui imitent l’hormone GLP-1, produite par l’intestin grêle. Novo Nordisk a également d’autres produits qui entrent dans cette catégorie, comme les anciens Victoza et Saxenda pour les patients atteints de diabète et d’obésité. D’autres entreprises travaillent dans ce sens, comme le groupe américain Eli Lilly avec Trulicity et Mounjaro.

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