À Charleroi, le futur District Cleantech se donne 10 ans pour créer 1.000 emplois
Les responsables du District Cleantech se donnent dix ans pour attirer 100 entreprises sur l'ancien site industriel de Carsid à Charleroi, aujourd'hui à l'abandon.
Souillé par un siècle d'exploitation industrielle, le site du sidérurgiste Carsid situé dans la zone ouest de Charleroi plonge le visiteur dans une autre époque. D'un bâtiment à l'autre, le temps s'est arrêté avec celui de l'âge d'or de la sidérurgie carolo. Les vieux moteurs ne vrombissent plus. La nature tente de reprendre ses droits sur l'emprise de l'homme.
Les 108 hectares attendent un nouveau destin...
Les vestiges d'une autre époque
Laissé à l'abandon depuis près de 20 ans, le site a conservé les traces du passé. Aux abords des allées qui sillonnent les bâtiments, le visiteur piétine des scories, témoignages du passage de la sidérurgie et de ce passé où le cœur industriel de Charleroi battait.
"On a tout nettoyé hier, mais des visiteurs sont encore passés cette nuit. À l'intérieur, faites attention, il y a des néons brisés au sol."
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, l'acier coulait à flot pour la reconstruction de la Belgique. Les industriels qui ont mis les pieds ici s'appelaient les Forges de la providence, Hainaut Sambre, Cockerill. La mise à l'arrêt technique, en 2008, de la cokerie du dernier locataire des lieux, Carsid, sonna le clap de fin.
Entre les herbes folles et les ferrailles, l'ancienne cokerie est vouée à la démolition. Deux autres bâtiments - les vestiaires des ouvriers et la centrale électrique - vont par contre faire l'objet d'une rénovation en profondeur.
"À Gosselies, tout était parti d'un champ dans les années 1990 et aujourd'hui, c'est un vrai succès. Eh bien, on veut réaliser la même chose dans la cleantech. Mais pas en 30 ans, en 10 ans."
À l'intérieur, c'est tout un passé qui resurgit, comme l'ancien poste de commande de la centrale. Bien qu'interdit, car les lieux demeurent dangereux, l'urbex est fréquent ici. "On a tout nettoyé hier mais des visiteurs sont encore passés cette nuit. À l'intérieur, faites attention, il y a des néons brisés au sol", avertit le propriétaire des lieux Olivier Waleffe, administrateur-délégué de Duferco Wallonie.
1.000 emplois dans 10 ans
Pollués par des décennies d'exploitation, les lieux veulent aujourd'hui prendre leur revanche sur le passé. L'ambition est d'attirer une centaine d'entreprises et créer plus de 1.000 emplois à travers l'implantation d'un District Cleantech sur 40 hectares.
"Pour attirer les industries, nous devons donc créer un écosystème similaire, comme l'a fait Anvers, en misant sur une filière environnementale."
"On veut faire ici la même chose qu'au Biopark. À Gosselies, tout était parti d'un champ dans les années 1990 et aujourd'hui, c'est un vrai succès. Eh bien, on veut réaliser la même chose dans la cleantech. Mais pas en 30 ans, en 10 ans! Il faut aller vite. On va faire revivre cette zone et lui rendre son passé industriel", explique Margaux Monforti, responsable opérationnelle de l'écosystème District Cleantech.
Pour Marc Van den Neste, CEO du District Cleantech et ancien industriel chez Cockerill Sambre et AGC, cette réindustrialisation du site est rendue possible par la localisation du site. "On a tout ce qu'il faut pour attirer les entreprises. Il y a le canal, la Sambre, une puissance électrique, et le site est partiellement Seveso. On peut ramener de vraies industries. D'autant que le futur réseau hydrogène de Fluxys arrivera jusqu'ici. On pourrait se demander pourquoi les entreprises vont à Anvers, alors que les terrains y sont plus chers. C'est parce qu'il y a un écosystème industriel à Anvers. Pour attirer les industries, nous devons donc créer un écosystème similaire, comme l'a fait Anvers, en misant sur une filière environnementale. C'est tout cela qu'on va réaliser ici!"
Le District Cleantech n'entend pas occuper l'ensemble du site. Il se limitera à 40 hectares et cohabitera avec un parc urbain identifiable par la conservation de l'ancien haut fourneau. L'armée occupera également les lieux en implantant sa caserne du futur sur 30 hectares.
25.000 m² de bâtiments à rénover
Sur papier, le chantier de réhabilitation est titanesque. Il faut d'abord dépolluer. Il y a aussi 25.000 m² d'anciens bâtiments industriels à rénover. "Ce sont des reconversions qui prennent du temps, avertit Olivier Waleffe. Le budget pour dépolluer les sols est d'environ 50 millions à notre charge. Une fois assainis, les terrains seront revendus."
Le cœur du futur écosystème battra dans l'ancienne centrale dès 2029. Axé autour de la circularité, de la transition énergétique et de la rénovation/construction, le hub économique veut avant tout jouer un rôle d'accélérateur pour les entreprises.
"Nous mettrons en place, notamment dans l'ancienne Centrale, quatre upscaling labs. Réparties sur les différents niveaux, ces infrastructures subsidiées vont permettre aux industries et aux PME de tester leurs projets à un moment crucial de leur évolution. En clair, ce qu'on veut, c'est leur éviter cette fameuse vallée de la mort", explique Margaux Monforti.
Cathédrale industrielle
Au sous-sol, malgré l'obscurité des lieux, on devine des gravats. Il n'y a pas âme qui vive. "On y installera le Renolab avec une plate-forme de production de préfabriqué pour la rénovation, afin d'accélérer et massifier la rénovation énergétique".
Au GreenHouse Lab, c'est l'agriculture urbaine qui sera testée. "Nous allons installer plus de 2.000 m² de serre sur les toits des deux bâtiments. Et au DepolluLab, c'est un centre de compétences en dépollution des sols et des eaux qui verra le jour", s'enthousiasme Margaux Monforti. Il est vrai que la Wallonie ne manque pas de friches à assainir!
À l'étage de la Centrale, entre les tuyauteries et le toit qui donnent aux lieux un aspect de cathédrale industrielle, un incubateur verra le jour. "Ce sera un hall industriel pour accueillir les start-ups."
D'ici là, dès 2027, les promoteurs du projet s'attèleront encore à rénover les anciens vestiaires pour ouvrir une première zone d'accueil du District Cleantech.
Une trentaine de projets identifiés
Pour bâtir leur business plan, les responsables se sont inspirés du pentagramme enseigné par le MIT REAP. L'architecture de l'écosystème et les quatre upscaling labs reposent ainsi autour de 5 piliers: les entrepreneurs, le capital à risque, les universités, les pouvoirs publics et les entreprises. Une trentaine de projets ont ainsi été identifiés derrière lesquels on retrouve des acteurs comme Materia Nova, Sirris, le CRM, Reno+, AGC, Carmeuse, Wanty, Roosens bétons, Besix, Eiffage, Comet, IBA, Riva, Aperam, Duferco, mais aussi des acteurs publics comme Sambrinvest, Igretec, Wallonie Entreprendre, le Forem...
"Depuis 10 ans, il y a une prise de conscience entre entrepreneurs et autres acteurs, de l'importance de se parler et d'être accompagnés. Avant, il y avait cette vieille habitude de développer ses projets dans son coin", reconnaît Olivier Waleffe.
L'écosystème s'appuiera sur un budget de 100 millions en provenance du plan de relance pour financer les rénovations. Les promoteurs ont également mis en place un système de membership auprès des 80 membres déjà inscrits à cet écosystème, dont 65 sont des acteurs privés et la moitié des start-ups.
Du côté des fonds d'investissement, on trouvera Wallonie Entreprendre, Capricorn, Sambrinvest ou Industrya. "De nombreuses entreprises vont être intéressées par ce réseau et des fonds seront également intéressés à trouver des projets à financer", assure Marc Degaute, membre du comité de direction de Wallonie Entreprendre. Grégoire Dupuis, son homologue chez Sambrinvest, y voit également "une opportunité à travers ces outils pour réorienter nos 350 entreprises en portefeuille vers des solutions ESG."
Connecté aux autres pôles cleantechs de Wallonie, dans la région de Mons et de Tournai, le District a également signé des accords avec le Cambridge Cleantech ou le Boston Cleantech ecosystem. "Avec Boston, cela nous a permis d'ouvrir des discussions avec une start-up américaine spécialisée dans le recyclage des batteries. Elle pourrait installer son hub européen chez nous", explique Marc Van den Neste.
Von Karman et peut-être IBA
De retour à l'extérieur, là où s'ouvre l'espace vers l'horizon de Charleroi, on évoque l'arrivée d'IBA avec un démonstrateur industriel qui permettrait à l'entreprise d'appliquer ses technologies dans le domaine de la stérilisation, du traitement de CO2, des microplastiques ou des Pfas. "Rien n'est encore fait. Mais c'est effectivement une possibilité qui est à l'étude", précise l'entreprise.
Un peu plus loin, le terrain vague va accueillir le célèbre Institut von Karman, une référence mondiale dans la recherche autour de la dynamique des fluides. À travers ce quatrième upscaling lab VKHyLab, l'institut pilotera un centre national de recherche dans l'hydrogène. Cette usine pilote qui sortira de terre en 2027 représente un investissement de près de 15 millions.
"Nous sommes un outil défensif, car nos installations doivent éviter que des industries partent tester leurs outils ailleurs dans le monde, avec le risque qu'elles ne reviennent plus en Belgique."
Financées par le plan de relance européen, les infrastructures de von Karman pourraient même doubler avec l'arrivée d'un four de l'ULB. "Nous serons dans une phase d'expérimentation avec l'hydrogène. Les installations sont destinées aux industriels. Il manque aujourd'hui en Europe des infrastructures leur permettant de tester leurs technologies. Notre rôle sera de gérer ce site tant au niveau de la sécurité que du débit d'hydrogène, afin de permettre aux industriels et aux académiques de réaliser ces tests", explique Roland Leners, chargé du développement du projet du VKHyLab.
Alimenté en hydrogène par camions en attendant son acheminement via le backbone de Fluxys, le site de von Karman se définit comme un outil à part entière dans la stratégie de réindustrialisation. "Oui, nous sommes un outil défensif, car nos installations doivent éviter que des industries partent tester leurs outils ailleurs dans le monde, avec le risque qu'elles ne reviennent plus en Belgique", assure encore Roland Leners.
Un électrolyseur destiné à produire de l'hydrogène
Le pôle hydrogène pourrait aussi accueillir un électrolyseur destiné à produire de l'hydrogène et propriété de Ceneo, un holding public communal de la province du Hainaut dédié aux infrastructures énergétiques. "Tout cela doit permettre aux industriels de se préparer à l'arrivée du backbone de Fluxys. Le sidérurgiste Industeel, installé pas très loin, s'est déjà montré intéressé", assure Renaud Moens, le directeur d'Igretec, l'intercommunale de développement économique de Charleroi chargée de réhabiliter le site.
"Vous le voyez, du travail, il y en a! Aujourd'hui, les zones prioritaires sont les bâtiments de la centrale et des vestiaires. On doit ensuite assainir le site qui accueillera l'institut von Karman et les 30 hectares qui accueilleront le quartier de la défense. Cet espace doit être livré pour 2027. Il restera enfin une zone pour l'accueil de PME."
- À l'abandon depuis bientôt 20 ans, le site de Carsid à Charleroi va être complètement assaini et rénové pour accueillir un District Cleantech.
- Les responsables du projet ambitionnent d'attirer 100 entreprises et de créer 1.000 emplois d'ici à 10 ans.
- L'écosystème dédié à l'environnement accueillera des upscaling labs dans l'ancienne centrale électrique. Pas moins de 25.000 m² de bâtiments seront rénovés.
- L'institut von Karman construira une unité de test autour de l'hydrogène. Les installations seront mises à destination des industries.
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