La sécheresse frappe la Wallonie. Quelles conséquences?
Il fait chaud, il fait sec. La forêt wallonne risque-t-elle de flamber? Pourrions-nous manquer d'eau? Les agriculteurs sont les premières victimes de la sécheresse.
La sécheresse que l'on connaît en ce moment va visiblement se poursuivre plusieurs jours. Elle affecte déjà la vie quotidienne dans certaines communes, où les habitants sont priés de restreindre leur consommation d'eau. Les agriculteurs s'inquiètent aussi. Tour d'horizon des conséquences.
Moins de pommes de terre
Tous ceux qui ont un coin vert chez eux le voient: l'herbe ne pousse pas. Conséquence? Le bétail manque d'herbe et les éleveurs doivent le nourrir en attaquant les stocks prévus pour l'hiver.
Une culture souffre particulièrement de conditions météorologiques actuelles: celle de la pomme de terre. "Elle aime les températures qui ne sont pas trop élevées, 20-22 degrés, et les précipitations régulières et légères", détaille Yannick Crunel, maître de recherche au CRA-W, le Centre wallon de recherches agronomiques. Tout le contraire de ce qu'on connaît actuellement.
"L'horloge biologique de la culture avance de plus en plus."
"L'horloge biologique de la culture avance de plus en plus. On remarque que la pomme de terre transpire plus et il y a le phénomène de sénescence: la feuille jaunit, ce qui diminue la capacité de photosynthétisation. On s'attend donc à une production plus faible", avance Yannick Crunel.
La qualité des pommes de terre pourrait aussi souffrir de la sécheresse: les buttes se craquellent, ce qui risque d'exposer directement les tubercules au soleil, qui manqueront alors d'humidité. Or, l'arrosage des pommes de terre n'est guère pratiqué en Wallonie, parce que peu rentable.
Pour le maïs, la récolte ne s'annonce pas non plus sous les meilleurs auspices. "Les feuilles pourraient commencer à s'enrouler, ce qui cause aussi des problèmes de photosynthèse", réagit notre expert.
Les orages annoncés pour ce vendredi ne seront probablement que d'un maigre secours. "Ils seront localisés et ensuite, on annonce à nouveau du temps sec et ensoleillé: l'eau va donc vite s'évaporer."
"La sécheresse pourrait causer pas mal de pertes de rendement", conclut Yannick Crunel. Par contre, cette météo permet d'éviter les maladies liées aux champignons. Ainsi, le mildiou ne sévit pas cette année.
Peu de cultures traditionnelles wallonnes se réjouissent de cette météo. Par contre, nos vignes annoncent une bonne récolte...
En manque d'eau?
Plusieurs communes ont déjà pris des mesures de modération de la consommation d'eau. Le stade suivant serait une coupure. Mais selon Benoît Moulin, le porte-parole de la Société wallonne des eaux (SDWE), on n'y est pas.
Le problème actuel ne porte pas sur le niveau des nappes phréatiques. "On part de très haut, on a connu le meilleur niveau de recharge hivernale de ces cinq dernières années."
"Si l'on considère le barrage de la Gileppe et celui d'Eupen, on a 50 millions de m3 d'eau. Il faudrait qu'il ne pleuve pas une seule goutte pendant six mois pour connaître des problèmes..."
Mais dans certaines régions, là où le sol n'est pas poreux grâce au calcaire, mais est fait de schiste et de grès, il n'y a pas de grandes accumulations d'eaux souterraines. Cela est compensé par des réserves d'eau en surface, les barrages. "Si l'on considère le barrage de la Gileppe et celui d'Eupen, on a 50 millions de m3 d'eau. Il faudrait qu'il ne pleuve pas une seule goutte pendant six mois pour connaître des problèmes..."
Mais toute une région en Ardenne est moins bien servie, et connaît une hausse de la consommation d'eau l'été, due au tourisme. Seul le barrage de Nisramont propose de gros volumes. Pour le reste, l’alimentation se fait à partir de petits captages locaux, sensibles aux fortes températures et à la sécheresse. C'est là que des communes demandent des limitations de consommation.
"Pour l'instant, on évalue chaque semaine les perspectives à sept jours. Notre attention se porte sur le barrage de Nisramont, dont on ne peut puiser les quantités qu'on veut parce qu'il a besoin de garder un certain niveau pour réguler le cours de l'Ourthe", explique le porte-parole de la SDWE qui ne se montre pas inquiet. "Même en 2018, la pire année en termes de sécheresse, on n'a pas connu de coupures d'eau."
La sensibilité des Hautes-Fagnes
Nos forêts risquent-elles de brûler? La végétation et la configuration des forêts wallonnes s'opposent plutôt à l'extension massive d'éventuels feux, ce qui permet de vite maîtriser d'éventuels débuts d'incendie.
La végétation et la configuration des forêts wallonnes s'opposent plutôt à l'extension massive d'éventuels feux.
Au niveau du Département de la nature et des forêts (DNF), tous les agents de terrain restent attentifs et placardent des avertissements."Les milieux ouverts avec de hautes herbes et des tourbières comme les Hautes-Fagnes sont plus propices aux incendies. Mais on ne prend pas de décision de fermeture générale, certains coins sont bien gorgés d'eau", explique Michel Baillij, le directeur des ressources forestières au SPW Agriculture, Ressources naturelles et Environnement.
Les agents peuvent fermer une forêt en urgence ou dresser le drapeau rouge dans les Hautes-Fagnes. "Pour le moment, on n'a enregistré que deux ou trois feux sur de petites surfaces", rassure Michel Baillij.
Les kayaks à l'arrêt
Les débits des cours d'eau wallons sont anormalement faibles pour cette période de l'année. La plupart des tronçons sont donc fermés aux kayaks, un seul reste accessible, sur une partie de l’Amblève. La pêche est déjà limitée à certains endroits.
En ce qui concerne les bateaux, une mesure de regroupement aux écluses a été prise sur tout le réseau wallon, sauf sur l’Escaut et les canaux du Hainaut. Mais la Cellule sécheresse se réunit ce jeudi. Elle a déjà signalé que d’autres mesures étaient envisagées.
Le résumé
- La sécheresse risque encore de sévir pendant plusieurs jours.
- Les agriculteurs tremblent pour leurs pâturages, les récoltes de pommes de terre et de maïs.
- La prudence s'impose pour éviter les incendies en forêt et dans les Fagnes.
- Plusieurs communes du sud de la Wallonie limitent déjà l'utilisation d'eau potable.