Publicité

Pourquoi le "Budget base zéro" en Wallonie n’a pas atteint ses objectifs

C'est sous l'impulsion de Jean-Luc Crucke, alors ministre wallon du Budget sous bannière MR, que le concept de "Budget base zéro" a été lancé. ©Valentin Bianchi / Hans Lucas

La méthode "Budget base zéro" aura permis à la Région wallonne d’économiser 200 millions d’euros, loin du 1,5 milliard escompté. En cause, un trop fort accent mis sur les économies à réaliser au détriment de l’optimalisation des dépenses.

Alors que l’évolution de la dette wallonne a pris ces dernières années des proportions inquiétantes, la méthode "Budget base zéro" est largement passée à côté de son objectif, à savoir rationaliser les dépenses de la Région wallonne.

Cette technique de gestion budgétaire, à laquelle le Crisp (Centre de recherche et d’information socio-politiques) vient de consacrer une étude, a été introduite en 2020 par le ministre du Budget de l’époque Jean-Luc Crucke (MR à l'époque, passé chez Les Engagés), et ce pour une durée de deux ans.

Publicité

Le concept "Budget base zéro" (BBZ) a été développé aux États-Unis dans les années soixante avec des fortunes diverses. Le principe consiste à confectionner le budget en partant littéralement de zéro, plutôt qu’en prenant pour base le budget de l’année en cours.

Pour ce faire, la méthode questionne l’ensemble des dépenses à l’aune de leur efficience et de leur efficacité. Il s’agit donc d’arrêter de financer des politiques par habitude, sans justification.

Mis en œuvre avec le concours de plusieurs cabinets de consultance (Deloitte et Roland Berger), le BBZ wallon n’a pas réellement répondu aux attentes.

Publicité

"La logique inhérente au travail des consultants était avant tout la recherche d’objectifs chiffrés, quitte à diminuer le service rendu."

Des consultants peu appréciés

L’idée de départ était de réaliser des économies de 10% à 15% sur les dépenses de fonctionnement et de 7% à 10% sur les dépenses d’intervention (qui concernent directement les politiques mises en œuvre). À terme, l’exercice devait permettre de dégager 1,5 milliard d’euros. Au final, les économies réalisées n’ont pas dépassé 200 millions d’euros.

En cause, "une série de difficultés et de résistances rencontrées durant la phase de mise en œuvre", note le Crisp. Il y a d’abord eu la difficulté d’implémenter une méthode commune à des organismes publics wallons parfois très différents.

Mais il y a surtout eu un malentendu sur l’utilisation du terme "budget base zéro". Bon nombre de fonctionnaires wallons ont eu l’impression que les consultants ne cherchaient qu’à sabrer dans les dépenses, au détriment de la vérification de l’efficacité des dépenses.

Le Crisp confirme pour sa part que "la logique inhérente au travail des consultants était avant tout la recherche d’objectifs chiffrés, quitte à diminuer le service rendu", alors que l’un des objectifs annoncés du BBZ wallon était de réinvestir les ressources dégagées.

"Concrétiser l’ambition initiale impliquait de prendre des décisions fortes, et donc politiquement délicates".

Le Crisp

Des résultats décevants

Les résultats finaux du BBZ peuvent, à de nombreux égards, être considérés comme décevants au regard des ambitions initiales. Le ministre Adrien Dolimont (MR), qui a succédé à Jean-Luc Crucke, a lui-même indiqué en commission du Parlement wallon que le BBZ avait été "mal compris", ce qui amenait donc le résultat du BBZ à "de facto ne pas être bon".

En matière de dépenses de fonctionnement, 111 millions d’euros ont été réorientés par l’administration, 50 millions sont en cours de développement et 100 millions n’ont pas fait l’objet d’un accord politique.

En matière de dépenses d’intervention, seuls 40 millions d’euros ont été dégagés sur une marge de manœuvre estimée à un milliard d’euros. Le résultat net, ce sont donc 200 millions d’euros péniblement dégagés alors qu’on espérait 1,5 milliard.

Le Crisp attribue ce décalage à "un travail de terrain conduit trop rapidement, qui a mené à l’identification de leviers et de plans d’action approximatifs". Il note également que "concrétiser l’ambition initiale impliquait de prendre des décisions fortes, et donc politiquement délicates".

Enfin, le départ du gouvernement, le 10 janvier 2022, de Jean-Luc Crucke a quelque peu coupé les ailes du processus.

La "revue de dépenses wallonnes" a pour ambition de développer une culture de l’évaluation permanente, afin de pouvoir constamment analyser les politiques publiques.

Développer une culture de l'évaluation

S’il fallait quand-même tirer un enseignement positif de cet exercice, c’est qu’il a servi de base à l’élaboration en 2024 des "revues de dépenses wallonnes". L’institutionnalisation d’un instrument de revue de dépenses était une condition sine qua non pour l’obtention des fonds européens prévus dans le cadre du Plan de relance. À la différence du BBZ, qui se voulait à usage unique, la "revue de dépenses" (spending review) se veut récurrente.

Mise en œuvre avec l’assistance technique de la Commission européenne et de l’OCDE, la "revue de dépenses wallonnes" a pour ambition de développer une culture de l’évaluation permanente, afin de pouvoir constamment analyser les politiques publiques et décider s’il est opportun de les poursuivre ou si les ressources doivent être réorientées à d’autres fins.

L’avenir dira si cette méthode donnera davantage de résultats que le "Budget base zéro", alors que les finances publiques se profilent déjà comme un enjeu majeur de la prochaine législature wallonne 2024-2029.

Le résumé
  • Quel est l'impact de la mise en œuvre d'un "Budget base zéro" en Wallonie?
  • Le Crisp livre une étude sur cette méthode de gestion des finances publiques consistant à confectionner le budget en partant littéralement de zéro, afin d'optimaliser les dépenses.
  • Jusqu'ici, 200 millions d'euros ont été épargnés, contre 1,5 milliard espéré.
  • Cet exercice a par contre servi de base à l’élaboration en 2024 des "revues de dépenses wallonnes".
Publicité
Le cessez-le-feu dans la bande de Gaza est entré en vigueur
Avec quelques heures de retard, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé l'entrée en vigueur du cessez-le-feu avec le Hamas à Gaza.
Messages sponsorisés