Élections en Russie: Poutine est reparti pour 6 ans, "en pire"
Le président russe Vladimir Poutine a aisément remporté l'élection. Il s'apprête à diriger son pays jusqu'en 2030, en confortant son hostilité vis-à-vis de l'Otan, de l'Union européenne et des États-Unis.
Vladimir Poutine, 71 ans, s'est assuré d'un nouveau mandat de six ans, jusqu'en 2030, à la tête de la Russie. C'était attendu, tout comme son score quasi stalinien: 87,28% des suffrages (sans les votes de l'étranger), bien au-delà de ses résultats précédents qui écrasaient pourtant déjà la concurrence.
"Le piège poutinien réussit, il y a une peur dans la population", explique la russologue Anne Godart, coordonnatrice du département de langue russe à l'université de Mons. "Bien sûr, Poutine a son électorat. Environ la moitié de son score lui revient sans doute sans stratagème. Mais la population russe est en bonne partie dépolitisée. On dit aux gens: 'Vous, ne vous occupez pas de politique, ça, c'est pour nous!'. Et ces gens se disent qu'ils vivent mieux qu'avant, alors pourquoi créer des problèmes?"
Une opposition réelle
Si le score-fleuve et le discours arrogant du président russe relèvent de l'attendu, le point à surveiller résidait dans l'attitude de l'opposition. Après l'appui clair à la candidature pour la présidentielle, finalement rejetée, de l'opposant Boris Nadejdine et après l'émotion de foule lors de l'enterrement d'Alexeï Navalny, la mobilisation allait-elle suivre pour appuyer l'appel de l'épouse du démocrate mort de façon mystérieuse en prison?
"Pour la troisième fois, on a vu exister cette opposition à Poutine, qui voudrait qu'elle n'existe pas."
Ioulia Navalnaïa avait demandé à ses partisans d'aller voter en masse dimanche à midi. L'opération a eu son succès. Davantage à l'étranger qu'en Russie où la peur de la répression régnait. "Mais pour la troisième fois, on a vu cette opposition à Poutine, qui voudrait qu'elle n'existe pas", commente Anne Godart. Celle-ci illustre: "J'ai reçu des photos des files dans un bureau de Saint-Pétersbourg à 10h et à midi: la différence d'affluence était flagrante."
Discours plein d'ivresse
Quand sa victoire a été rendue publique, le président qui orchestre la destinée de son pays depuis un quart de siècle déjà a pris la parole. Pour remercier ses électeurs, mais aussi pour asseoir son pouvoir. "Peu importe qui veut nous intimider ou à quel point, peu importe qui veut nous écraser ou à quel point, notre volonté ou notre conscience. Personne n'a jamais réussi à faire quelque chose de semblable dans l'histoire. Cela n'a pas fonctionné aujourd'hui et ne fonctionnera pas à l'avenir", a-t-il grondé.
"Il est clair pour tout le monde qu'un (conflit entre la Russie et l'Otan) marquerait l'ultime étape avant une Troisième Guerre mondiale."
Anne Godart se penche sur la dialectique de celui qui vient d'être réélu face à trois candidats inconsistants. "C'est un caméléon, il s'adapte toujours en recourant au mensonge, au but premier qu'il s'est fixé: rester au pouvoir. L'objectif principal de ces élections, c'était d'assurer le maintien de son équipe et de ses intérêts."
Le président a poursuivi en mode martial: "Il est clair pour tout le monde qu'un (conflit entre la Russie et l'Otan) marquerait l'ultime étape avant une Troisième Guerre mondiale. Je pense que pratiquement personne ne veut de cela."
Pour la professeure de l'UMons, le maître du Kremlin "a l'art d'utiliser des petites phrases qui font peur. Il a aussi parlé de l'arsenal nucléaire, pour ensuite glisser que "dans ce monde incertain, on ne sait pas..."
Le président a aussi, lors de son discours, fait allusion à Alexeï Navalny. Nommément, alors qu'il ne le citait jusqu'ici pas. Il a considéré le décès de son opposant en prison comme un "événement triste". Il a affirmé qu'il envisageait de l'échanger avec les Occidentaux. "Il n'y avait qu'une condition: que nous l'échangions pour qu'il ne revienne pas."
"C'est très cynique", constate Anne Godart. "Poutine était dans l'ivresse, totalement désinhibé. Il se lâche, sentant que plus rien ne peut lui arriver."
"Il faut attendre la même chose, en pire."
Tendances pour les six prochaines années
Cette victoire écrasante et le discours de Poutine indiquent clairement les tendances de son prochain mandat, qui prendra cours en mai. "Il faut attendre la même chose, en pire", résume Anne Godart.
"Il va ancrer le renforcement d'une économie de guerre, continuer en Ukraine avec les mêmes objectifs. Et même s'il fait à un moment semblant de proposer la paix, ce sera pour mieux préparer la prochaine attaque. Il va continuer à renforcer l'idéologie, avec un programme de réécriture de l'Histoire. Il va consolider l'appareil d'État..."
S'il cherche avant tout à conforter son pouvoir, Vladimir Poutine "a aussi comme objectif d'écraser les États-Unis. Il veut que ceux-ci reculent partout, mais n'y réussit pas vraiment. Le retour de Trump à la Maison-Blanche, avec un repli de la présence américaine dans l'Otan, arrangerait ses plans. Il rêve aussi que l'Union européenne se désolidarise. Mais pour le moment, l'Otan se renforce. Poutine montre ses gros bras, mais on sent quand même qu'il a peur..."', pointe Anne Godart.
- Vladimir Poutine a recueilli plus de 87% des voix lors de l'élection présidentielle russe.
- Il obtient un nouveau mandat de 6 ans.
- Il a à nouveau menacé d'une Troisième Guerre mondiale et de l'arme nucléaire.
- Il apparaît plus déterminé que jamais à casser l'opposition et isoler la Russie de l'Occident.
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