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interview

Esmeralda de Belgique: "On m'a mise dans une cellule"

Esmeralda de Belgique ©Photo News

Ce jeudi, c’est une personnalité de haut rang qui s’est fait arrêter par la police londonienne. La princesse Esmeralda de Belgique participait au mouvement de Extinction Rébellion quand la police a débarqué et l’a arrêtée.

Comment s’est passée votre arrestation?
C’était sur Trafalgar Square, que les manifestants avaient bloqué depuis lundi, non seulement la partie pédestre mais aussi les rues avoisinantes. Les policiers ont décidé de faire évacuer le site, en tout cas en ce qui concerne la voie publique. Ils sont venus parler aux manifestants, nous étions assis, en disant: "Vous obstruez l’espace public, vous êtes donc en infraction." Ils nous ont donnés 30 secondes pour bouger. J’ai décidé de rester, comme la plupart. Ils ont procédé à énormément d’arrestations. On était certainement une centaine. Au total, sur la semaine, les chiffres parlent de 1.200 personnes.

"Les policiers nous disaient qu’ils comprenaient parfaitement les revendications des manifestants, qu’eux aussi avaient des enfants, mais qu’ils avaient reçu des ordres et étaient obligés de nous arrêter."

Que vous ont-ils fait ensuite?
J’ai été encadrée par deux officiers de police. J’ai dû attendre longtemps dans la rue: il y avait tellement de personnes arrêtées qu’il n’y avait pas assez de véhicules pour les emmener. On a attendu une heure et demie, heureusement qu’il ne pleuvait pas. Je dois dire que ça se passait plutôt bien: les policiers nous disaient qu’ils comprenaient parfaitement les revendications des manifestants, qu’eux aussi avaient des enfants, mais qu’ils avaient reçu des ordres et étaient obligés de nous arrêter. D’autre part, Extinction Rebellion était très bien organisé: les organisateurs venaient nous voir pour nous demander si on était bien traités, s’il fallait contacter quelqu’un. Après cela, j’ai été emmenée dans un fourgon avec deux autres manifestants, on est arrivés à un bureau de police. Il y a un interrogatoire, on vous prend les empreintes digitales, une photo, votre ADN. On précise que tout cela sera détruit si vous ne faites pas l’objet de poursuite. Puis, on m’a mise dans une cellule. Le tout a duré cinq heures.

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C’était la première fois que vous y participiez?
J’étais déjà dans leur manifestation en avril. Et j’étais là aussi au début de cette semaine.

Quel était votre ressenti? Étiez-vous préparée à cette arrestation?
Franchement, j’étais préparée parce que c’est quelque chose qui me tient vraiment à cœur, parce que je suis persuadée que seul ce genre de mouvement, pacifique je dis bien, de désobéissance civile peut avoir un impact. Plus on aura de gens de toutes les couches de la population et de tous les âges, plus il y aura un impact. Oui, j’étais préparée. L’urgence de la question climatique, l’urgence de celle de la biodiversité le justifient totalement.

Ceci étant dit, quand on se retrouve dans le fourgon et au bureau de police, on a un petit pincement au cœur. Même si je savais très bien que je ne risquais pas grand-chose et que j’allais certainement être relâchée.

Vous êtes prête à recommencer?
Oui, certainement. Je pense que ça en vaut la peine.

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"Extinction Rebellion rassemble des gens de toutes les couches sociales."

Les combats de groupes comme Greenpeace ne suffisent plus?
Je collabore très souvent avec Greenpeace. Ils font un travail formidable, ils font à la fois du lobbying et des actions d’éclat. Ceci est différent. D’abord par le fait qu’Extinction Rebellion est dans tellement de pays, et qu’ils coordonnent tout cela parfaitement. En plus, je l’ai dit, ils rassemblent des gens de toutes les couches sociales. Hier, il y avait une femme qui était en pleur parce qu’elle avait très peur d’être arrêtée, mais malgré tout, elle a résisté. Ce sont des gens qui croient ce pour quoi ils manifestent.

Certains dénoncent cette atmosphère de "fin du monde". Ne croyez-vous pas qu’elle finira par être contre-productive?
Je ne suis pas d’accord. C’est vrai que ces mouvements créent beaucoup de perturbations, mais ce n’est rien par rapport à ce que le changement climatique nous apportera. On peut supporter un peu de problèmes de circulation ou de dérèglements dans les villes. Ceci dit, il ne faut pas désespérer les gens. C’est pourquoi le mouvement d’Extinction Rebellion donne aussi de l’espoir. Ils parlent d’assemblées de citoyens qui ont plus leur mot à dire, de mesures précises aussi parce qu’on peut éviter la catastrophe.

On a aussi eu les énormes manifestations de jeunes étudiants dans le monde. On a plutôt l’impression que, malgré cela, rien ne bouge. Ne croyez-vous pas que ces mouvements sont inutiles?
C’est extrêmement lent. Et on n’a pas beaucoup de temps. Il faut que ça se multiplie, que le mouvement ne se fatigue pas, et qu’on arrive finalement à pousser les gouvernements à prendre des actions concrètes. Et les entreprises aussi. Il faut des actions beaucoup plus radicales.

"Le motto de ce mouvement, c’est d’être non-violent. Gandhi l’avait bien compris: on peut soulever des montagnes avec la désobéissance civile pacifique."

Radicales? Vous ne craignez pas que les manifestants ne soient finalement tentés par la violence?
Je ne pense pas. Le motto de ce mouvement, c’est d’être non-violent. Gandhi l’avait bien compris: on peut soulever des montagnes avec la désobéissance civile pacifique. Je suis d’ailleurs très admirative qu’il n’y a eu aucune infiltration dans ce mouvement, contrairement aux gilets jaunes ou à d’autres mouvements.

Et vous, par votre position, avez-vous l’oreille de gens haut placés que vous pourriez bousculer?
C’est ce que j’essaie de faire, chaque fois que je peux en parler, que ce soit dans les milieux politiques, les milieux d’affaires, mais aussi auprès des jeunes. On a tous quelque chose à donner.

Et concrètement?..
Ma fondation, qui porte le nom de mon père, le Fonds Léopold III, a sponsorisé un de ces jeunes qui sont partis en voilier à la conférence sur le climat. J’essaie de participer à des conférences, d’appuyer des ONG, etc.

Vous serez là ce samedi à Bruxelles?
Non, je serai à Londres.

Comment voyez-vous cette initiative de bloquer le Palais royal?
J’ai l’impression qu’ils sont bien organisés. Il faut rappeler que le mouvement belge des jeunes pour le climat est très mobilisé.

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