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analyse

France: Élisabeth Borne quitte Matignon à reculons, Gabriel Attal pressenti

En attendant l’annonce de son successeur, la Première ministre démissionnaire Élisabeth Borne assure les affaires courantes. ©EPA-EFE

Après le fiasco politique de la loi immigration, le président Emmanuel Macron souhaite entrer dans une nouvelle phase de son second mandat en changeant de Premier ministre.

Les médias français commentaient un possible remaniement depuis le début de l’année et c’est finalement lundi, à 18h03, que la nouvelle est tombée: Élisabeth Borne a présenté sa démission au président. Dans sa lettre, la Première ministre affirme s’être "attelée à faire adopter, dans des conditions inédites au Parlement [une référence à l’absence de majorité absolue du camp présidentiel], les textes financiers, dont la réforme des retraites, la loi relative à l’immigration et plus de cinquante lois qui répondent aux défis" de la France et "aux préoccupations des Français".

Plusieurs médias ont noté l’emploi de quelques formules laissant entendre qu’elle est forcée à partir, dont la suivante: "Alors qu’il me faut présenter la démission de mon gouvernement, je voulais vous dire combien j’ai été passionnée par cette mission […]". L’ancien Premier ministre Michel Rocard, contraint de prendre la porte par François Mitterrand, en 1991, avait écrit des mots similaires.

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Après vingt mois à Matignon et vingt-trois recours à l’article 49.3 (qui permet d’adopter une loi sans le Parlement), la Première ministre était politiquement usée.

Un nouveau souffle

L’annulation du Conseil des ministres du 3 janvier ne laissait plus beaucoup de doutes sur l’imminence du remaniement. La désignation d’un nouveau gouvernement est logique, après une première partie de quinquennat éreintante marquée par la réforme des retraites et la loi immigration.

Après vingt mois à Matignon et vingt-trois recours à l’article 49.3 (qui permet d’adopter une loi sans le parlement), la Première ministre était politiquement usée. Toujours prête à exécuter les ordres du chef de l’État et après avoir survécu politiquement à deux menaces de changement de l’exécutif (après les législatives ratées, en juillet 2022, puis après la réforme des retraites au printemps 2023), elle est cette fois remerciée pour de bon par l’Élysée.

Comme le président, plusieurs ministres ont salué le travail de cette technicienne reconnue, ainsi que son "courage".

Le plus étonnant n’est donc pas tant l’annonce que le moyen choisi pour la faire, puisque c’est sur le réseau social X qu’Emmanuel Macron l’a rendue publique. "Madame la première ministre, chère Élisabeth Borne, votre travail au service de notre Nation a été chaque jour exemplaire. Vous avez mis en œuvre notre projet avec le courage, l’engagement et la détermination des femmes d’État. De tout cœur, merci", a écrit le chef de l’État.

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Une femme de courage

Comme le président, plusieurs ministres ont salué le travail de cette technicienne reconnue, ainsi que son "courage". Du courage, Élisabeth Borne n’en a effectivement pas manqué, donnant même parfois le sentiment de défendre par sens du devoir des textes auxquels elle ne croyait pas, comme la récente loi immigration.

Aurélien Rousseau, son ancien directeur de cabinet et ministre de la Santé démissionnaire après l’adoption de cette même loi, a indiqué "l’honneur" qu’il a eu à travailler aux côtés d’une femme ayant "l’État chevillé au corps". La présidente du groupe écologiste à l'Assemblée nationale, Cyrielle Chatelain, a été moins élogieuse sur France Info en évoquant "quelqu'un qui a tout donné pour servir l'État et qui finalement s'est retrouvée à servir un homme".

"Seule question qui vaille: y aura-t-il un discours de politique générale du ou de la future Premier ministre, avec un vote de confiance?"

Jérôme Guedj
Député socialiste

Qui pour Matignon?

En attendant l’annonce de son successeur, Élisabeth Borne assure les affaires courantes. Parmi les noms qui circulent: celui du jeune ministre de l’Éducation Gabriel Attal est celui qui revenait le plus dernièrement. L’ambitieux trentenaire accompagne le président depuis le début de sa carrière politique et bénéficie d’une forte popularité. Concurrent possible à ce proche du président, le ministre des Armées Sébastien Lecornu est politiquement son contraire. Issu de LR et se revendiquant de droite, ancien militant passé par tous les mandats, il symbolise ces pratiques politiciennes avec lesquelles, en 2017, le président français prétendait rompre.

Interrogés sur le départ de la Première ministre, la plupart des membres de l’opposition soulignaient qu’un changement de personne ne signifierait pas un changement de politique, avec un Parlement méprisé par un exécutif sous le contrôle direct de l’Élysée. "Seule question qui vaille: y aura-t-il un discours de politique générale du ou de la future Premier ministre, avec un vote de confiance?", résume le député socialiste Jérôme Guedj sur X. Élisabeth Borne avait refusé de le faire, ce qui augurait des relations très tendues qu’elle eut par la suite avec l’Assemblée nationale.

Les discussions sur le mercato devraient se poursuivre encore un peu, Emmanuel Macron pouvant en théorie prendre tout son temps pour nommer son nouveau Premier ministre. Selon l'AFP, la nomination du nouveau Premier ministre a été retardée de lundi soir à mardi matin, alimentant les spéculations sur de possibles résistances internes - notamment des ministres Gérald Darmanin et Bruno Le Maire, démenties par les intéressés.

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