La contradiction des contrats d'AstraZeneca
Le contrat passé entre la Commission européenne et AstraZeneca n'est pas compatible avec celui que l'entreprise a passé avec le Royaume-Uni tel que le présente son CEO.
La question aura secoué l’Europe toute la semaine: AstraZeneca pouvait-il invoquer un problème de production sur son site de production à Seneffe pour justifier des coupes claires dans ses livraisons de vaccins à l’Union européenne? Non, dit la Commission européenne, oui dit l’entreprise suédo-britannique. La publication partielle, vendredi, du contrat de précommande qu'elles ont passé en août apporte un éclairage nouveau.
"Dans l'accord européen, il est indiqué que les sites de fabrication au Royaume-Uni sont une option pour l'Europe, mais seulement plus tard."
Subtilité des priorités
Le patron Pascal Soriot avait affirmé dans une interview que les livraisons prévues dans le contrat passé avec l’Union européenne n’étaient pas un engagement contractuel, mais un engagement pour l’entreprise à faire "les meilleurs efforts" pour y parvenir. Or trois mois avant de signer avec la Commission, il avait pris la commande de Londres, 100 millions de doses, dans un contrat qui donne la priorité aux Anglais pour les vaccins produits sur leur sol. "Le gouvernement britannique a dit que l'approvisionnement sortant de la chaîne d'approvisionnement britannique irait au Royaume-Uni d'abord. Fondamentalement, c'est ainsi. Dans l'accord européen, il est indiqué que les sites de fabrication au Royaume-Uni sont une option pour l'Europe, mais seulement plus tard", indiquait-il mardi à La Repubblica.
"La logique du premier arrivé, premier servi est inacceptable, contraire à l'esprit comme à la lettre du contrat."
Cette version ulcère les responsables européens – la logique du premier arrivé, premier servi est inacceptable, contraire à l'esprit comme à la lettre du contrat, tonne la Commission. Considérant que par ses déclarations, Pascal Soriot avait rendu publics des éléments d’un contrat secret, la Commission obtient donc la publication partielle du document.
Bon droit
D'abord, AstraZeneca doit effectivement déployer ses "meilleurs efforts raisonnables" pour fabriquer les doses demandées dans les temps: ce n’est pas une notion subjective, mais un concept légal objectif, indique-t-on à la Commission. Ensuite, le contrat stipule que les efforts en question doivent être faits sur les sites de production situés dans l’Union européenne "en incluant le Royaume-Uni". Le contrat ne précisant pas de hiérarchie entre les sites, la Commission l’interprète comme un réseau de vases communicants: si la production fait défaut sur un site, tout doit être mis en œuvre pour que les autres – y compris ceux d’Oxford et Staffordshire – puissent compenser.
Enfin, le contrat précise qu'AstraZeneca "n'est soumis à aucune obligation, contractuelle ou autre, envers une personne ou une partie tierce (...) qui empêcherait l'exécution complète de ses obligations en vertu du présent accord".
Des experts comme le président de la Law Society britannique, David Greene, estiment comme la Commission que tout accord séparé qu’AstraZeneca a pu avoir avec Londres est non pertinent pour lire ce contrat. En d'autres termes, AstraZeneca se serait placé dans une position délicate où respecter le contrat passé avec l’Union européenne reviendrait à briser celui passé avec le Royaume-Uni, et vice-versa.
«Aller en justice ne vous apporte pas nécessairement les doses, ce qui est évidemment la priorité absolue.»
Convaincue d'être dans son bon droit, la Commission n'est pas beaucoup plus avancée. "Aller en justice ne vous apporte pas nécessairement les doses, ce qui est évidemment la priorité absolue", souligne une source européenne. On mise donc sur le dialogue et la négociation en quête d'une solution acceptable pour tous.
En attendant, l'exécutif a annoncé la mise en place d'un mécanisme de contrôle des exportations des vaccins produits sur le territoire de l'Union: les producteurs devront lui notifier les exportations qu'ils prévoient, et les États membres pourraient les bloquer. Et dans une lettre à quatre chefs de gouvernements, le président du Conseil européen, Charles Michel, estimait jeudi qu'en l'absence de solution négociée, pourrait recourir l’article 122 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne pour envisager des options plus radicales.
La Commission a investi 336 millions d’euros pour aider AstraZeneca à développer les capacités de production, et son contrat de précommande prévoit la livraison de 400 millions de doses cette année, dont le premier quart doit être livré au premier trimestre.
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