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Le cas Nadejdine: l'opposant russe face au couperet des apparatchiks

Boris Nadejdine s'exprimant devant des journalistes le 31 janvier, alors qu'il se rendait à la Commission électorale centrale pour soumettre des documents et des signatures à l'appui de sa candidature. ©REUTERS

La décision sur son éligibilité est attendue mercredi. Les files devant les bureaux de soutien à sa candidature auront été la dernière manifestation visible en Russie de l’hostilité à Vladimir Poutine.

Il est le dernier en Russie à tenir haut le flambeau de l’opposition à Vladimir Poutine, et il s’attend à voir la machine de l’État le lui souffler d’un jour à l’autre. Pour l’heure, Boris Nadejdine reste candidat à l’élection présidentielle russe qui se tiendra du 15 au 17 mars, avec cette caractéristique remarquable: il est le seul en lice à s’opposer ouvertement à la guerre contre l’Ukraine – l’opération militaire spéciale, selon l’euphémisme officiel qui a cours en Russie. L’équipée du 24 février 2022 aura été selon lui "une erreur fatale" de Vladimir Poutine. Lui président, la Russie ouvrirait immédiatement des négociations de paix avec Kiev, et un terme serait mis séance tenante à la mobilisation militaire.

Bien sûr, personne ne l’imagine président au terme d’une élection que Vladimir Poutine est assuré d’emporter. Mais l’engouement que Boris Nadejdine suscite a donné à voir ces dernières semaines de nouvelles images de dissidence russe: des files de partisans, venus accorder leur signature pour permettre sa candidature.

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"Pas un rival"

Son image de second couteau n’est certainement pas pour rien dans sa longévité comme opposant.

Ces queues de quelques dizaines à quelques centaines de personnes devant des bureaux de soutien à Nadejdine ont essaimé sur les réseaux sociaux, envoyées depuis toutes les grandes villes du pays, de Saint-Pétersbourg à Moscou, mais aussi depuis des provinces reculées comme la Iakoutie, en Sibérie, où l'on faisait la file dans la neige par moins 45°C pour lui apporter son soutien. Pour les Russes qui désapprouvent la politique de Vladimir Poutine, c’était une manière légale de manifester, alors que tout manifestant arborant un symbole anti-guerre est immédiatement arrêté.

Une dernière façon de manifester, grâce à un dernier opposant? La plupart des figures d'opposition sont soit en prison, soit en exil, quand elles ne sont pas mortes, à l'image de Boris Nemtsov, assassiné en 2015, et dont Nadejdine a longtemps été un compagnon de route.

À 60 ans, le candidat est un politicien professionnel, qui mène carrière depuis trente ans sans avoir jamais fait montre d’un grand charisme. Il a été député à la Douma de 1999 à 2003, puis mandataire local à Dolgoproudny, près de Moscou. Son image de second couteau n’est certainement pas pour rien dans sa longévité comme opposant dans un régime où le Kremlin élimine toute menace sérieuse. "Nous ne le considérons pas comme un rival, pas du tout", avait répondu fin janvier le porte-parole présidentiel Dmitry Peskov, à un journaliste qui lui demandait si Vladimir Poutine le considérait comme une menace politique.

"Signatures erronées"

Plutôt que d'appeler au boycott de l'élection présidentielle, de grandes figures de l'opposition, comme Alexei Navalny (en prison) ou Mikhail Khodorkovsky (en exil), défendent sa candidature – la dernière à remettre en cause les fondamentaux de l'ordre poutinien, après l'éviction d'Ekaterina Dountsova, écartée de la course par la commission électorale pour cause d'"erreurs" dans les documents officiels.

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Ce petit vent d’opposition sur la campagne présidentielle russe semble sur le point de faire long feu. Nadejdine a déposé les 105.000 signatures recueillies dans l'espoir d'avoir son nom sur les listes, mais un groupe de travail de la Commission électorale a remis lundi un avis défavorable sur la validation de sa candidature, épinglant des "erreurs" dans le dossier. Les scrutateurs auraient trouvé 15% de "signatures erronées", dont certaines appartenant prétendument à des morts. Le couperet de la Commission électorale tombera mercredi.

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