La déflagration FTX touche des crypto-investisseurs belges
Plusieurs avocats spécialisés ont été contactés par des investisseurs belges dont les comptes sur FTX ont été bloqués. Certains ont perdu plusieurs centaines de milliers d'euros. Des actions collectives sont évoquées.
La faillite de FTX touche aussi la Belgique. Des crypto-investisseurs se sont vus refuser l'accès à leur compte suite à la suspension des retraits par la plateforme, qui s'avère incapable de rembourser ses clients, faute de liquidités suffisantes. Certains investisseurs ont contacté des avocats spécialisés pour évaluer leurs chances de récupérer tout ou partie de l'argent placé sur FTX.
Depuis le déclenchement de l'affaire FTX, l'avocat Thierry Lauwers a été sollicité par une dizaine de clients. "C'est la panique totale, indique l'avocat. Certains clients ont utilisé une partie de leur épargne pour investir sur FTX. On parle de très gros montants, parfois de plusieurs centaines de milliers d'euros. Un de mes clients a placé 500.000 euros sur FTX."
Le Rallye Boursier commence officiellement le 21 novembre pour se terminer dix semaines plus tard, le 27 janvier 2023. Les participants peuvent investir 50.000 euros fictifs dans plus de 400 actions et fonds et tenter de gagner 10.000 euros bien réels sous forme d'un compte-titres.
Thierry Lauwers tente de coaliser les victimes en vue d'une action collective (class action). Sans succès jusqu'à présent. "Les clients sont encore sous le choc de ce qui vient de leur arriver. Ils sont un peu désillusionnés", observe l'avocat. Les crypto-investisseurs ont cru aux promesses d'argent facile et ont parfois pris certains risques. Mais ils ont aussi fait confiance à une plateforme qui avait pignon sur rue.
La société FTX est aujourd'hui sous la protection du chapter 11, une procédure américaine qui se rapproche plus de notre PRJ (procédure de réorganisation judiciaire) que de notre système de faillite. "Pour l'instant, il n'y a pas grand-chose à faire. On est dans une phase de 'damage control' qui se focalise sur la société et ses dirigeants. Les investisseurs seront contactés dans un deuxième temps", indique Thierry Lauwers. L'avocat pourra alors introduire des actions individuelles ou collectives. Mais il prévient: leurs chances d'aboutir restent hypothétiques. "Les actions pour tenter de récupérer une partie des montants vont prendre du temps et le résultat est loin d'être garanti", souligne l'avocat.
"Je n'exclus pas l'introduction d'une class action si l'enjeu financier le justifie."
David Szafran, avocat chez CEW & Partners, a également été sollicité par une série de clients (un peu moins de dix) touchés par la faillite de FTX. Ces clients ont subi des pertes, mais elles restent limitées au regard de leurs différents investissements en crypto. "Je n'ai pas identifié de client qui ait subi une perte majeure au point de mettre en péril sa santé financière", évoque David Szafran. L'affaire ne datant que de quelques jours, l'avocat n'écarte cependant pas la possibilité que d'autres cas viennent grossir les rangs des investisseurs lésés. "Je n'exclus pas l'introduction d'une class action si l'enjeu financier le justifie", avance David Szafran, qui a l'habitude de travailler avec des avocats new-yorkais sur les dossiers transatlantiques. Vu le coût d'une telle procédure, il faut effectivement que le jeu en vaille la chandelle.
L'avocat a également dans sa clientèle des acteurs institutionnels, notamment des fonds d'investissement en crypto basés au Luxembourg. "Certains fonds sont exposés à FTX à hauteur de quelques pour cent de leur portefeuille. Cela ne met pas en péril la continuité de l'entreprise, mais vu les montants en jeu, il pourrait y avoir un intérêt à introduire une action en justice pour tenter de récupérer les fonds."
"Nous avons sorti à temps la grande majorité des fonds que nous avions sur FTX. Nous gérons nos risques de façon très conservatrice. Ça paye."
En Belgique, la société Keyrock, dont l'activité est d'assurer la liquidité du marché crypto, est elle aussi passée entre les gouttes. Keyrock travaille avec toutes les grandes plateformes d'échange de cryptomonnaies et était donc exposée à FTX. "Nous avons sorti à temps la grande majorité des fonds que nous avions sur FTX. Nous n'avons aucune exposition à Alameda ou Genesis. Nous gérons nos risques de façon très conservatrice. Ça paye", se réjouit Kevin De Patoul, CEO de Keyrock.
L'avocat Thibault Verbiest (cabinet Metalaw) a lui aussi été approché par des clients - quatre jusqu'à présent - dont les avoirs ont été bloqués sur la plateforme FTX. "Ce sont des clients qui ont des positions sur différentes plateformes, ils n'avaient pas tout sur FTX. Cela leur a permis de limiter leurs pertes. Ils ne sont pas heureux, mais ils ne sont pas non plus sur la paille", explique Thibault Verbiest. Certains de ses clients ont malgré tout perdu plusieurs dizaines de milliers d'euros.
"Il est possible de porter plainte en Belgique pour escroquerie. Mais je doute que la justice belge aboutisse à quelque chose. L'autre solution est de porter plainte aux États-Unis. Mais ça risque de coûter très cher."
L'avocat est assez pessimiste sur les chances de réussite d'une action en justice. Vu les montants en jeu, il ne conseille pas une action collective aux clients qui sont venus le voir. "Il est toujours possible de porter plainte en Belgique pour escroquerie. S'il y a suffisamment de clients lésés qui se constituent partie civile, un dossier sera ouvert. Mais je doute que la justice belge aboutisse à quelque chose. L'autre solution est de porter plainte aux États-Unis. Mais ça risque de coûter très cher en frais de procédure."
"Ce qui m'a surpris, c'est la rapidité avec laquelle la plateforme a été clôturée. En 24 heures, tout a été bloqué. J'avais fait des demandes de retrait, mais c'était déjà trop tard."
C'est à la même conclusion qu'est arrivé Monsieur-TK Mining, Youtubeur belge spécialisé dans les cryptos. Il a perdu plusieurs milliers d'euros dans la débâcle de FTX. "C'est l'argent que j'utilisais pour trader. Ça ne me fait pas plaisir, mais c'est de l'argent que j'étais prêt à perdre. Ce qui m'a surpris, c'est la rapidité avec laquelle la plateforme a été clôturée. En 24 heures, tout a été bloqué. J'avais fait des demandes de retrait, mais c'était déjà trop tard", pointe TK Mining. Il ne compte pas se lancer dans une procédure en justice. Depuis l'annonce de la faillite, il n'a reçu aucune nouvelle de la part de FTX. Craignant un piratage de la plateforme, il n'a plus essayé de s'y reconnecter. "Je ne me fais aucune illusion: cet argent est perdu."
- Plusieurs avocats spécialisés ont été contactés par des investisseurs belges dont les comptes sur FTX ont été bloqués.
- Certains crypto-investisseurs ont perdu plusieurs centaines de milliers d'euros.
- Des actions collectives sont évoquées.
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