Rapport cinglant sur le manque de concurrence dans le secteur bancaire

L'Autorité belge de la concurrence (ABC) a analysé en profondeur le secteur bancaire. Son avis est implacable: les banques belges se livrent une concurrence beaucoup trop timide. Pour y remédier, l'institution met sur la table une série de propositions, notamment la suppression des primes de fidélité pour les comptes d'épargne.

Le rapport de 80 pages publié par l'ABC répond à une demande émise en juin dernier par le ministre de l'Économie Pierre-Yves Dermagne (PS). Alors que le débat sur la rémunération de l'épargne faisait rage, le ministre avait sollicité l'avis de l'institution sur l'état de la concurrence entre banques.

Dans son avis, l'ABC remarque que le secteur bancaire belge est "très concentré" et qu'il "présente les caractéristiques d'un oligopole dominé par quatre grands acteurs : BNP Paribas Fortis, KBC, Belfius et ING".

Intérêts partagés

Conséquence de cet oligopole : les grandes banques ne se concurrencent que très mollement. "Le marché de la banque de détail présente certaines caractéristiques qui facilitent la coordination entre les principaux acteurs et tendent à réduire la concurrence. (...) Les banques sont susceptibles d'observer facilement le comportement de leurs concurrents et d'adopter une ligne de conduite similaire reflétant leurs intérêts partagés", poursuit l'Autorité de la concurrence.

"Le rapport de l'ABC me conforte dans l'idée que nos grandes banques belges roulent en peloton, pour reprendre une métaphore cycliste. Le problème de concurrence est réel, mais des pistes de solutions existent", commente le ministre de l'Économie Pierre-Yves Dermagne.

"Pierre-Yves Dermagne et moi-même examinerons les recommandations de l'ABC et nous les mettrons en œuvre là où c'est nécessaire et possible. Les épargnants méritent des taux d'intérêt corrects et plus de respect", réagit le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V).

La proximité des grandes banques et le manque de concurrence ne sont pas une fatalité, assure l'ABC. La haute autorité affirme que les banques belges présentent "une forte solvabilité leur permettant d'absorber les chocs financiers et de supporter le cas échéant un degré plus élevé de concurrence sans compromettre leur stabilité".

Six mesures concrètes

L'ABC propose au gouvernement d'adopter une série de mesures visant à renforcer la concurrence sur le marché bancaire belge: supprimer la prime de fidélité pour les comptes d'épargne, instituer la mobilité des comptes bancaires, introduire la neutralité fiscale des produits d'épargne et de placement, améliorer l'information du consommateur, créer un instrument de type livret A et contraindre les banques à scinder toutes leurs offres de produits.

Febelfin nuance

Interrogée, la fédération financière indique avoir pris connaissance du rapport. "Il ressort de ce rapport qu'aucun accord ou autre pratique limitative de la concurrence entre banques n'ont été constatés, mais qu'il serait plutôt question de marché concentré, comme dans le reste de l'Europe", indique-t-on chez Febelfin.

La fédération ajoute que de nombreuses propositions de l'ABC requerront des adaptations législatives et devront donc faire l'objet d'un examen approfondi.

"Par ailleurs, il sera important de tenir compte dans ce cadre de la spécificité du secteur bancaire belge et du marché belge en général."

Test Achats souligne que les points avancés par l'ABC sont autant de mesures défendues par l'association de défense des consommateurs.

"Nous sommes extrêmement satifsaits de voir que l’Autorité de la concurrence préconise un système de taux unique pour les comptes d’épargne. Nous disons depuis longtemps que la prime de fidélité est un système complexe, qui ne permet pas aux épargnants de comparer correctement les taux applicables aux différents comptes d’épargne et qui permet aux banques d’afficher injustement un taux plus favorable que celui que toucheront réellement les épargnant.e.s", réagit Julie Frère, porte-parole.

L'association martèle aussi le besoin de transparence tarifaire et de revoir le système régime fiscal avantageux dont bénéficient les comptes d’épargne réglementé au détriment d’autres placements et produits d’épargne.