L'usine CBR d'Antoing mise en vente?
Le rachat du groupe italien ItalCementi par l’allemand HeidelbergCement nécessitera quelques ajustements. Annoncé fin juillet, le deal entre le cimentier allemand, maison mère de CBR, et son concurrent italien, qui doit donner naissance au leader mondial des agrégats de construction, pose en effet un problème de concurrence en Belgique.
Le cas n’a pas été notifié auprès de la Commission européenne, gardienne de la concurrence au sein du Marché unique. Il n’empêche: HeidelbergCement a visiblement décidé de prendre les devants pour s’éviter les foudres des autorités de la concurrence. En reprenant ItalCementi, le géant allemand s’arrogera en effet une position dominante sur le marché belge du ciment.
Le problème du ciment belge
L’intégration des actifs belges d’ItalCementi – l’usine CCB de Gaurain-Ramecroix, près de Tournai, trois carrières et dix centrales à béton – donnera à HeidelbergCement environ 25% du marché des granulats et du béton. Mais c’est surtout le marché cimentier qui pose problème.
Selon le magazine spécialisé "Global Cement", le nouvel ensemble détiendra pas moins de 73 % de la capacité cimentière du pays, le reste étant détenu par le nouveau conglomérat LafargeHolcim.
L’usine CCB de Gaurain-Ramecroix vient en effet ajouter une capacité de 2 millions de tonnes par an aux 2,5 millions de tonnes d’Antoing et de Lixhe (Visé), sur une capacité totale de 6,2 millions de tonnes en Belgique. Chez HeidelbergCement, on conteste ce chiffre, tout en reconnaissant que l’acquisition d’ItalCementi donnera au groupe allemand une position dominante puisqu’il devrait détenir 55 % du marché belge.
Le groupe basé à Heidelberg, au sud de Francfort, doit dès lors se débarrasser d’une partie de ses actifs cimentiers en Belgique. "Nous devons céder une activité cimentière, mais le dossier n’est pas finalisé. Notre volonté est de le clore le plus rapidement possible et de garder nos bons clients à long terme", confirme Daniel Gauthier, le numéro deux du groupe, en charge de la zone Europe Nord et Ouest, du bassin méditerranéen, de la Turquie et de l’Afrique.
Celui-ci n’en dira pas plus sur les scénarios étudiés, se contentant d’indiquer que "plusieurs offres" sont examinées. Mais les issues possibles ne sont pas légion.
"Nous devons céder une activité cimentière, mais le dossier n’est pas finalisé."
Trois scénarios
Les informations recueillies à plusieurs sources nous permettent de dégager trois scénarios possibles: la vente de l’usine CBR de Lixhe, qui emploie près de 200 travailleurs, la cession de l’usine CCB de Gaurain-Ramecroix, propriété du groupe ItalCementi, ou la vente des unités CBR d’Antoing et "Gand I".
La destinée de ces dernières paraît indissociable: l’usine d’Antoing, qui emploie 92 personnes, produit en effet le clinker, matière de base du ciment, qui est amené par bateau à Gand (56 travailleurs) où il est transformé en ciment blanc.
Inquiétude à Antoing
Chez CBR Antoing, l’inquiétude est palpable. Le personnel n’est pas dupe: le scénario d’une cession de leur usine et des installations de Gand, en aval, est, à première vue en tout cas, le plus plausible. Revendre l’usine de Lixhe, idéalement située aux portes des marchés allemand et néerlandais et qui est rentable, paraît impensable.
Une cession de CCB Tournai paraît tout aussi peu probable: la majorité de sa clientèle est française, un marché où le ciment se vend très bien, et l’usine tournaisienne est flanquée d’une carrière qui est des plus grandes d’Europe – elle couvre 100 hectares, pour une profondeur de 230 mètres.
Resterait donc l’unité CBR d’Antoing et, peut-être, l’usine de Gand, alimentée par Antoing. Dans l’usine picarde, l’annonce du départ, à la fin de l’année, d’André Jacquemart, directeur général d’HeidelbergCement Benelux, a du reste dopé les inquiétudes. Mais renseignement pris auprès de l’intéressé, il semble que cette démission n’ait aucun lien direct avec le contexte qui prévaut actuellement au sein de l’entreprise. Après vingt ans de carrière chez le cimentier, il a tout simplement choisi de réorienter sa vie professionnelle chez Carmeuse.
Des marques d’intérêt
Selon nos informations, les marques d’intérêt de la concurrence ne manquent pas. Les noms du cimentier français Vicat, du groupe irlandais CRH et du numéro un mondial, LafargeHolcim, sont cités. Pour quelles activités? A quel prix? Silence radio.
Du côté des syndicats, on attend de voir. "On sait qu’il y a environ 10 % des actifs à céder. Mais s’il y a une surproduction du côté du ciment, le secteur du béton est très déficitaire en Belgique. On pourrait donc envisager aussi la vente de centrales à béton", souligne Paul Delaive, secrétaire régional de la CSC Bâtiment et Industrie. Qui rappelle le précédent de la fusion entre le français Lafarge et le suisse Holcim. "Il y a eu beaucoup de supputations, qui finalement se sont avérées erronées."
Reste à savoir quand le groupe allemand fera son choix. "La décision ne devrait pas tomber avant le premier semestre 2016", assure Daniel Gauthier. Mais en interne, on affirme qu’une annonce devrait être faite vers la fin novembre. Le n°2 de HeidelbergCement se veut rassurant. "Il n’y a pas de problème sur le plan industriel. La Belgique occupe une position centrale en Europe, à côté de marchés importants: la France, l’Allemagne et les Pays-Bas. Nous avons reçu plusieurs offres et choisirons celle qui sera la plus favorable."
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