Le nucléaire a coûté cher à Electrabel en 2019
Après une année 2018 désastreuse, Electrabel a remonté la pente l'an dernier. Pourtant, le résultat d'exploitation reste négatif, la faute aux coûts faramineux des réacteurs. La révision des provisions nucléaires aura aussi fortement grevé les comptes.
Comme chaque année, Electrabel fait ses comptes. En 2019, la filiale belge du groupe énergétique français Engie a pu compter sur le versement de dividendes de la part de ses filiales étrangères pour compenser un résultat d'exploitation en demi-teinte, grevé principalement par les provisions nucléaires et la pauvre rentabilité des réacteurs. Au total, Electrabel affiche un bénéfice net de 766 millions d'euros, représentant un bond en avant par rapport à la catastrophique année 2018 et sa perte de 417 millions d'euros.
Mais certains éléments laissent sceptiques quant à la capacité de l'entreprise à confirmer ce retour à la normale. La crise du Covid-19 est passée par-là et, à l'image de son impact marqué sur les résultats trimestriels du groupe Engie, il ne fait aucun doute que l'année en cours sera plus difficile que la précédente.
Les provisions atomisent les comptes
Innocemment, le commun des mortels pourrait s'imaginer qu'exploiter des réacteurs nucléaires représenterait une manne financière pour son propriétaire. En effet, alors que le débat autour de la prolongation des centrales fait rage, l'argument positionnant ces unités de production en tant que vaches à lait de la branche belge du groupe Engie est souvent avancé par les détracteurs de l'atome.
Or, on ne pourrait être plus éloigné de la vérité. En 2019, malgré une bonne disponibilité du parc nucléaire (79%), ce pôle d'activité d'Electrabel s'est révélé peu rentable pour le groupe. Du point de vue du résultat d'exploitation d'abord, les coûts ont surpassé les revenus, si bien qu'Electrabel affiche une perte de 207 millions d'euros sur l'année écoulée. C'est mieux que 2018, où le résultat d'exploitation récurrent s'était effondré à -743 millions d'euros, mais cela s'aggrave encore si l'on observe le non-récurrent, témoignant d'une perte additionnelle de 2,1 milliard d'euros, correspondant au montant devant être provisionné par Electrabel afin de constituer ses provisions nucléaires.
Pour rappel, en décembre dernier, la Commission des provisions nucléaires avait décidé de réévaluer les coûts prévisionnels et de revoir à la baisse le taux d'actualisation des provisions nucléaires. Par conséquent, Electrabel avait été contraint de verser 2,1 milliards d'euros supplémentaires afin de couvrir financièrement la mise à l'arrêt et le démantèlement des centrales à l'occasion de la sortie du nucléaire prévue à 2025. A compter de décembre 2019, le montant total provisionné par l'opérateur des centrales de Doel et Tihange s'élevait à 13,133 milliards d'euros.
L'étranger à la rescousse
Mais le nucléaire n'est pas le seul pôle d'activité d'Electrabel. Et si l'entreprise, premier producteur vert du pays, met un point d'honneur à pousser le développement de capacités de production renouvelables, elle perd, d'un autre côté, quelques parts de marchés dans l'achat et la vente d'électricité (-2%) et de gaz (-4%). Côté services, le pôle qui sera le plus impacté par la crise du Covid-19, Engie est resté leader en 2019. Mais le point le plus saillant est tout autre, étranger même.
Electrabel détient en effet l'essentiel des participations dans plusieurs filiales internationales du groupe Engie et celles-ci ont joué un rôle déterminant dans les résultats de l'année passée. Ici, il est question de 8 milliards d'euros rapatriés sous forme de dividendes vers Electrabel. La raison principale évoquée concerne International Power, la fille britannique d'Electrabel, qui, en prévision du Brexit, et après avoir cédé une partie de ses activités, a transféré sa trésorerie vers la maison mère.
Au total, de ces 8 milliards rapatriés, il faut en retirer 5 (perte financière non-récurrente) à cause de la perte de valeur conséquente aux transferts de fonds depuis la filiale britannique. Il reste donc 3 milliards, qui auront permis à Electrabel d'absorber la mauvaise surprise des provisions nucléaires et de terminer l'année en positif.
Avenir incertain
Si l'on résume, les résultats 2019 d'Electrabel auront été marqués par deux exceptions et une préoccupante constante. La révision des provisions nucléaires, d'abord, et ses 2,1 milliards d'euros à décompter des résultats. Le sauvetage international ensuite et les 8 milliards de dividendes rapatriés permettant, cette fois, de contrebalancer le coup dur des provisions. Et la faible rentabilité du nucléaire enfin, et les questionnements soulevés alors que la Belgique prépare son avenir énergétique et que le mécanisme de soutien aux capacités de productions électriques (CRM) se fait attendre, de même que la décision sur la prolongation du nucléaire.
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