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"Tchernobyl, Fukushima, ce qui s'est passé deux fois peut se reproduire"

Fukushima, le 27 novembre 2014 ©REUTERS

La principale leçon tirée de Tchernobyl et Fukushima par Tetsuji Imanaka, chercheur en génie nucléaire à l’université de Kyoto? Il faut abandonner le nucléaire.

En japonais, le proverbe est un peu moins affirmatif que notre "jamais deux sans trois". Mais le sens est le même. "Le proverbe japonais dit: si cela s’est passé deux fois, cela peut se reproduire", explique le professeur Tetsuji Imanaka, qui a été jusqu’en 2016 chercheur à l’institut des sciences nucléaires et des radiations de l’université de Kyoto. Il a consacré sa carrière aux risques du nucléaire, et a notamment travaillé sur les accidents de Three Mile Island et de Tchernobyl. Et il était, mardi, l’invité des Verts au Parlement européen. "Nous avons eu Tchernobyl, nous avons eu Fukushima, est-ce qu’il faut vraiment continuer à produire de l’électricité en utilisant une technologie qui en cas de problème, oblige à évacuer la population sur 30 kilomètres au moins?"

Très peu d’informations

En 2011, le Japonais pensait prendre sa retraite. Mais la catastrophe de Fukushima, survenue le 11 mars, va en décider autrement. "Très vite, j’ai décidé, avec une équipe, d’aller faire des recherches sur le terrain, parce que j’étais convaincu que la situation était très grave, mais qu’il y avait très peu d’informations qui filtraient."

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Le 28 mars, il se rend dans la commune d’Itate, à une quarantaine de kilomètres de la centrale, et découvre des doses de radiations qui dépassent les 20 microsieverts par heure. "Dans un réacteur nucléaire, normalement, à ce niveau, on lance une alerte, affirme Tetsuji Imanaka. Au point le plus élevé, nous avons même mesuré 30 microsieverts par heure. Les gens se sentaient vraiment abandonnés. En fait, la radioactivité venait du sol, qui avait été contaminé durant la nuit du 15 mars par la pluie et la neige, après l’explosion du bâtiment du réacteur 4. Nous avons fait des prélèvements et nous avons pu estimer que les doses de radioactivité étaient de 152 microsieverts par heure au moment de la contamination. À ce niveau, les spécialistes s’enfuient!" Itate, qui compte 6.200 habitants, ne sera évacué que le 22 avril, plus d’un mois plus tard.

Quels effets cela a-t-il eu sur la santé de la population? "C’est trop tôt pour le dire, répond Tetsuji Imanaka. On a recensé près de 200 cancers de la thyroïde chez des enfants dans la préfecture de Fukushima. Mais un certain nombre de scientifiques disent que c’est l’effet du dépistage. C’est un débat qui a eu lieu également il y a 30 ans à Tchernobyl, puis finalement, il a bien fallu admettre qu’il y avait aussi les effets de l’accident nucléaire."

Ce qui frappe le plus dans le récit du scientifique japonais qui a consacré sa carrière à démontrer que les centrales nucléaires n’étaient pas absolument sûres, contrairement à ce que le gouvernement et l’industrie avaient l’habitude d’affirmer, c’est l’impact que Tchernobyl comme Fukushima ont eu sur la vie des habitants déplacés. "En Ukraine comme au Japon, ils répètent que leur vie a été coupée en deux: il y a l’avant et l’après accident. Leur maison, leurs moyens de subsistance leur ont été enlevés."

Le 31 mars 2017, le gouvernement japonais a autorisé les habitants d’Itate à rentrer chez eux, après avoir décontaminé la zone. "Mais 10% seulement des résidents, principalement des personnes âgées, sont rentrés, indique Tetsuji Imanaka. Le niveau de radiation a fortement baissé: dans les maisons décontaminées, il est de 0,2 à 0,8 microsieverts par heure. Mais il faudra attendre 50 à 100 ans pour que le césium 137 revienne à des faibles doses, qui resteront encore deux fois plus élevées que la radiation naturelle. De plus, Itate est un village en zone montagneuse, avec des forêts où les niveaux de radioactivité sont nettement plus élevés. Et le paysage est complètement transformé, avec 2,3 millions de sacs Flecon, remplis de sol contaminés, entassés dans les champs, et qui ne devraient rejoindre un site de stockage temporaire que dans cinq ans", témoigne le chercheur japonais.

Euratom | Une participation du Parlement

La Commission européenne a annoncé mardi, dans son 4e rapport sur l’état de l’union de l’énergie, qu’elle comptait "renforcer la participation du Parlement européen et des parlements nationaux dans l’élaboration des politiques qui découlent du traité Euratom""Ce traité est une relique du passé, estime Michèle Rivasi, députée européenne Europe Écologie. Il a été signé en 1957 par six pays, à l’époque tous pro nucléaires, pour ‘élever le niveau de vie’ dans les États membres, et ne donne aucun droit de regard au Parlement sur la manière dont l’argent est dépensé ou la sécurité nucléaire assurée." L’annonce de la Commission européenne ne devrait toutefois pas être suivie de changements rapides: le nouveau cadre institutionnel est annoncé pour 2025.

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