La troisième voie pour investir en immobilier
Le crowdlending, financement participatif, rencontre du succès auprès des investisseurs. Il constitue une troisième voie pour investir dans l’immobilier.
Pour investir dans l’immobilier, les particuliers disposent de plusieurs solutions. La première qui vient à l’esprit de monsieur et madame Tout-le-Monde est celle du financement d’une seconde voire troisième résidence en vue de percevoir un loyer mensuel. Toutefois, cette pratique populaire commence à inquiéter certaines banques et la Banque Nationale de Belgique. Celle-ci a demandé au secteur bancaire belge de relever les exigences de fonds propres et n’exclut pas de prendre des mesures supplémentaires pour freiner la croissance des prêts hypothécaires en Belgique, qui ont dépassé un total de 200 milliards d’euros, quatre fois plus qu’en 2000.
Du côté des banques, chez Belfius, les conditions d’octroi pour le "buy to let" (où les gens empruntent pour un bien immobilier qu’ils souhaitent mettre en location) ont été resserrées pour les clients qui disposent de moins de 37.500 euros d’épargne. La faiblesse des taux d’intérêt actuels favorise cette pratique.
La deuxième voie
Une deuxième voie pour investir dans l’immobilier est celle de la Bourse. Les Sociétés Immobilières Réglementées (SIR), comme Aedifica, Care Property, Xior, WDP et Cofinimmo par exemple, investissent dans des complexes immobiliers tels que des bureaux, des centres de logistique, des maisons de repos, des kots étudiants, etc. Elles proposent un dividende souvent généreux, soumis à un précompte mobilier qu’il est désormais possible de récupérer via sa déclaration d’impôts. Car le gouvernement permet l’exonération fiscale du précompte mobilier des dividendes en actions à hauteur d’un maximum de 640 euros.
L’investisseur est soumis aux aléas de la Bourse avec ces sociétés, mais des analystes soulignent qu’il ne prend pas beaucoup de risque avec celles-ci.
Le crowdlending
Une troisième voie s’ouvre aussi pour les investisseurs. Depuis quelques années déjà, les plateformes de financement participatif (crowdfunding) proposent de participer au financement de projets immobiliers.
Le changement de législation a permis de répondre aux besoins de l’immobilier.
Chez Look & Fin, en février, les investisseurs se sont rués sur la campagne de financement de ACASA Group. Ainsi, 526 particuliers ont permis au promoteur immobilier de collecter 1,5 million d’euros en seulement quatre minutes. Les fonds serviront à refinancer partiellement l’achat d’un site pour la construction de 220 logements à Vilvorde.
Chez Bolero Crowdfunding (la plateforme de financement participatif de KBC), en juin dernier, Groep Caenen Capital Fund, un fonds créé en 2014 par le courtier immobilier Caenen, a mis moins de 24 heures pour lever 1,5 million d’euros auprès de 284 investisseurs, dans le but de développer son portefeuille immobilier. "Pour le financement participatif d’une société, cela prend normalement 60 jours. Le dossier Group Caenen a donc été très rapide", constate Peter De Bruyne, Business Development Manager chez Bolero Crowdfunding.
Un placement à court terme
Les sociétés immobilières ou projets immobiliers financés par crowdlending ne sont pas obligées de fournir une note d’informations aux investisseurs.
Les investisseurs qui ont misé sur le financement participatif de projets immobiliers ne placent pas à long terme leur capital. Dans le cas de Groep Caenen, les fonds des investisseurs sont placés dans une obligation d’une durée de 60 mois avec un rendement de 5% brut. "La durée et le rendement varient en fonction du projet. On peut avoir des projets qui durent seulement douze mois, avec un remboursement mensuel, ou un credit bullet qui permet un rendement mensuel ou annuel. Le taux de rendement varie", explique Peter De Bruyn.
Chez Look & Fin, Frédéric Levy Morelle, CEO, souligne que les projets immobiliers à financer durent entre 24 et 36 mois: "Les crédits de type bullet sont assortis d’une telle durée. L’investisseur reçoit un paiement des intérêts par mois et est remboursé de son capital en une seule fois. Il existe aussi des crédits qui durent plus longtemps, pour une durée maximum de cinq ans. Dans ce cas, le projet génère déjà des revenus locatifs. Le capital investi est remboursé mensuellement."
Un rendement entre 6 et 9%
Frédéric Levy Morelle précise qu’en fonction des projets, le rendement peut varier entre 6 et 9% brut par an. Il explique que ce taux élevé est dû au promoteur immobilier: "Le crowdlending représente une nouvelle source de financement pour le promoteur immobilier. Les banques financent son projet à hauteur de 60 à 80%. Il doit amener le reste en fonds propres et en dette junior, financée par Look & Fin. Par rapport à un apport sur fonds propres, la dette junior représente un avantage. Car celle-ci peut entraîner un financement par les banques. Ce n’est donc pas très cher payé pour amener un financement bancaire", indique-t-il. Mais il ajoute que Look & Fin impose un taux élevé au promoteur immobilier.
Dans le cas du projet ACASA, les investisseurs vont percevoir un rendement mensuel d’un douzième de 8% brut pendant 36 mois. "S’il a misé 1.000 euros, il perçoit en retour un douzième de 8% par mois, pendant 3 ans. Il récupère au bout ses 1.000 euros, précise Frédéric Levy Morelle. Il s’agit d’un prêt. Cette opération ne confère aucun titre de propriété à l’investisseur." Chez Bolero Crowdfunding, en revanche, Peter De Bruyne indique que tout dépend de la nature du projet présenté aux investisseurs.
Risques
L’entrepreneur donne les informations à l’investisseur. C’est à l’investisseur d’évaluer les risques sur base de la brochure.
Le principal risque lié au financement participatif de projets immobiliers s’avère être le non-remboursement du capital et le non-paiement des intérêts, en d’autres termes la faillite de la société. Chez Bolero Crowdfunding, Peter De Bruyne souligne que "nous ne donnons aucun conseil sur notre plateforme. Nous exécutons seulement la transaction".
Mais il admet que sa société "sélectionne les projets". "Nous vérifions les informations fournies pour le projet, si celles-ci sont correctes et si elles ne manifestent pas une discontinuité. Nous regardons aussi si le projet proposé est faisable et pas irréaliste. Mais nous ne faisons pas de due diligence. L’entrepreneur donne les informations à l’investisseur. C’est à l’investisseur d’évaluer les risques sur base de la brochure", relève-t-il.
Chez Look & Fin, Frédéric Levy Morelle indique que sa plateforme "identifie les bons projets, qu’il sélectionne en fonction de leur spécificité et de leur structure, et assure le suivi les entreprises financées". "Quand ACASA emprunte 1,5 million d’euros, nous ne le laissons pas filer dans la nature. Nous assurons le suivi de la société pour s’assurer que son projet soit mené à bien", indique-t-il.
"Nous contactons bien sûr la société financée sur notre plateforme après sa levée de fonds, mais nous n’avons aucun contrôle sur le remboursement du capital que doit effectuer l’entrepreneur. Cela reste entre ses mains", souligne Peter De Bruyne.
De plus, les sociétés immobilières ou projets immobiliers financés par crowdlending ne sont pas obligées de fournir une note d’informations aux investisseurs. "Cela dépend du projet. Dans le cas où il n’y a pas de note d’informations, l’investisseur peut investir au maximum 5.000 euros, soit la limite légale. La plupart du temps, les investisseurs placent de 100 à 500 euros, explique Peter De Bruyne. Mais dans les cas où la société fournit une note d’informations, l’investisseur peut investir au maximum 25.000 euros. L’entrepreneur peut demander une coupure minimum de 500 euros."
La note d’informations s’avère être une version plus légère de prospectus, qui mentionne les risques liés au projet immobilier. "Elle indique aussi la durée du projet, la coupure minimum et maximum que l’investisseur peut placer au moment du lancement de la campagne", précise Peter De Bruyne.
Changement de législation
En outre, l’assouplissement de la loi Prospectus depuis juillet 2018 a favorisé la levée de capitaux pour des projets immobiliers de plus gros montants. Car désormais, les campagnes qui lèvent entre 500.000 et 5 millions d’euros ne doivent plus fournir un prospectus, mais une note d’informations, soit une version plus légère. Chez Bolero Crowdfunding, Peter De Bruyne souligne que le changement de législation a favorisé la levée de fonds de plus de 500.000 euros auprès des investisseurs particuliers. Le projet de crowdlending de Groep Caenen représente leur premier projet immobilier d’un montant supérieur à 500.000 euros pour Bolero Crowdfunding.
Chez Look & Fin, Frédéric Levy Morelle indique que ce changement de législation "représente une bouffée d’oxygène et a permis de répondre aux besoins de l’immobilier". Il cite le projet du Gesù, récemment financé sur sa plateforme. "Le projet a récolté 2 millions d’euros sur notre plateforme. L’argent va servir à la reconversion du site en face du Botanique en 20.000 à 25.000 m² de surface résidentielle, commerciale et de leasing, et permettre l’essor d’un nouveau quartier, explique-t-il. Nous n’aurions jamais pu financer ce projet à hauteur de 2 millions d’euros si la législation n’avait pas évolué."
Retard sur les pays voisins
L’évolution de la loi Prospectus va également permettre au marché belge du crowdlending en immobilier de se développer. Car la Belgique s’avère en retard par rapport aux pays voisins sur cette matière. "Le crowdlending en immobilier va gagner en popularité en Belgique. Aux Pays-Bas, on a atteint un volume d’un milliard d’euros levés par crowdlending le mois dernier. Chaque année, 300 millions d’euros de projets immobiliers sont financés et cela continue de progresser. En Italie, cette forme de financement de l’immobilier est aussi très populaire. La France et le Royaume-Uni connaissent aussi une belle croissance, avec un montant d’un milliard d’euros levé par crowdlending chaque année", constate Peter De Bruyne.
D’ailleurs, Bolero Crowdfunding dispose d’autres dossiers. Et Look & Fin également. "Récemment, nous avons examiné un nouveau projet immobilier qui va bientôt être proposé aux investisseurs", indique Frédéric Levy Morelle.
La troisième voie pour investir dans l’immobilier semble donc bien ouverte.
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