La guerre plombe la production d'engrais
La Biélorussie et la Russie comptent parmi les principaux producteurs de potasse, ingrédients de base des principaux engrais.
Sur les quelque 90 millions de tonnes de potasse extraites chaque année des sols de la planète, le Canada se taille la plus grande part. Mais juste derrière, on trouve la Bielorussie et la Russie, qui ensemble représentent plus de 37 % de la production mondiale (pour 32% au Canada). La guerre menée par ces deux pays contre l'Ukraine risque donc de porter un coup très dur au commerce international de cette denrée de base pour l'un des principaux engrais utilisés dans l'agriculture.
L'impact risque donc d'être marquant pour le monde agricole. "D'autant que l'augmentation des prix de l'énergie et du gaz en particulier a déjà quadruplé le prix de l'azote l'an dernier", analyse José Renard, secrétaire général de la Fédération wallonne de l'agriculture. "Rien que pour les engrais azotés, on parle d'une augmentation de 300 euros à l'hectare." D'autant plus que "la Chine ou la Russie, qui comptent parmi les principaux utilisateurs d'engrais azotés, limitent leurs exportations pour garantir cette ressource à leurs propres cultures", note Belfertil, l'association professionnelle des producteurs d'engrais.
Les sanctions européennes qui frappent la Biélorussie depuis un an interdisent déjà les importations de potassium de ce pays. Le durcissement des mesures à l'égard de la Russie pourrait étendre cette interdiction à ce pays. Et, de ce fait, réduire de 40% la production mondiale de potasse disponible sur les marchés occidentaux. "Et qui dit réduction de l'offre, dit augmentation des prix forcément", poursuit Renard.
Rentabilité vs rendement
Pour la campagne qui s'annonce, "le choix devra se poser aux agriculteurs: le rendement ou la rentabilité", fait remarquer le secrétaire général de la FWA. En d'autres termes, réduire leurs marges déjà tendues du fait de l'augmentation des coûts de l'énergie et des engrais, ou accepter une baisse des rendements à cause d'un engraissement plus léger des sols.
"Une diminution de 15 à 20% de la quantité d'engrais épandus devrait entrainer une baisse du rendement de 8 à 10 millions de tonnes dans le monde. Soit plus de 1%. Cela va à l'encontre de l'augmentation de la demande estimée à 80 millions de tonnes d'ici à 2030", avertit Renard.
Et le monde agricole, qui consomme près de 95% de la production mondiale de potasse, ne dispose pas de véritables alternatives. "À court terme, le marché est déjà tendu. À plus long terme, il est possible de réduire l'épandage grâce à des techniques de distribution plus précises ou de recourir à d'autres types d'engrais, comme les fumiers de ferme. Mais cela implique de rétablir l'équilibre entre l'élevage et la culture pour assurer une production plus grande d'engrais naturels. Mais l'évolution de l'agriculture ne va pas vraiment dans ce sens."