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analyse

La RTBF menace-t-elle la survie de la presse quotidienne?

Le site Reyers de la RTBF à Bruxelles. ©BELGA

Selon une étude de trois universitaires, l’offre de contenus écrits en ligne de la RTBF menace la survie de la presse écrite.

C’est de bonne guerre. Alors que les «stakeholders» de la RTBF se succèdent au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles lors d’auditions préalables au renouvellement de son contrat de gestion, les éditeurs de presse mettent un coup de pression sur le politique.

Ceci au travers d’une étude universitaire, dénuée de données chiffrées, mais solidement argumentée. Commanditée par l'association des éditeurs, La Presse.be, elle a été réalisée par les professeurs d’économie Paul Belleflamme (UCLouvain), Axel Gautier (ULiège) et Xavier Wauthy (Saint-Louis). Rappelant leur indépendance scientifique, leur verdict est imparable: l’offre gratuite d'infos écrites sur le site internet du service audiovisuel public représente une concurrence déloyale, et donc une menace pour la survie des éditeurs francophones.

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L’écrit ne fait, en effet, pas partie stricto sensu des missions de la RTBF. Certes à l’heure de la convergence des médias, entraînée par la révolution numérique, la RTBF peut proposer du contenu écrit en ligne, mais celui-ci doit être en support de son offre audiovisuelle, comme le prévoit son actuel contrat de gestion. Rien de plus. Or, notent les auteurs, "le site web de la RTBF et son app font plutôt penser à un média de presse écrite qu’à un portail d’un opérateur audiovisuel public vu que la catégorisation est faite par thématique plutôt que par émission."

Une offre non viable

Les auteurs rappellent aussi le contexte concurrentiel dans lequel se bat la presse. Selon Deloitte, elle a perdu en dix ans 25 à 50% de ses recettes pub, partis chez Google et Facebook, tandis que la fréquentation de ses sites a doublé entre 2015 et 2020.

Les éditeurs n’ont donc d’autre choix que de monétiser leurs contenus propres (autres que des dépêches). "Nous devrions avoir ensemble 400.000 abonnés payants d’ici 4 ans, nous n’en sommes encore qu’à 100.000, car c'est difficile de monétiser ce qui disponible gratuitement ailleurs", observe François le Hodey patron d’IPM (La Libre, la DH, L’Avenir).

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"Le site web de la RTBF et son app font plutôt penser à un média de presse écrite qu’à un portail d’un opérateur audiovisuel public."

Les auteurs de l'étude

Dans son contrat de gestion en cours, des limites ont été imposées à la RTBF en la matière. En vain. Le CSA s’en est ému fin 2021 pointant "des difficultés d’interprétation à la RTBF des conditions fixées par le contrat de gestion pour le déploiement de son offre rédactionnelle en ligne". "Mais, ni les administrateurs de la RTBF ni les commissaires du gouvernement ne s’en sont inquiétés", déplore Bernard Marchant, CEO de Rossel (Le Soir, Sudinfo, 50% de L’Echo).

Pour les trois académiques, l’offre de la RTBF n’est économiquement pas viable, puisqu’elle est gratuite. Financée en partie par les subsides, elle n’est donc pas compatible avec une concurrence sur base des mérites. Il y a un risque d’éviction de l’offre privée qui pourrait être dommageable tant pour la qualité que pour la diversité de l’information.

De deux choses l’une, concluent-ils: soit le futur contrat de gestion inclut l’offre écrite en ligne dans les missions de service public. Dans ce cas, tous les opérateurs doivent bénéficier des subsides pour autant que cela soit compatible avec le droit européen. Soit le contrat de gestion ne le prévoit pas. Dans ce cas, la RTBF doit adopter une «démarche de marché». Autrement dit, rendre son site en partie payant.

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