"Google, Facebook et consorts sont des "frenemies" pour les agences de publicité"
Le métier de publicitaire a changé. Sous la pression du digital, les agences doivent revoir leurs méthodes. Démonstration avec JWT, une agence dont les revenus ont doublé, principalement grâce au digital.
Selon Space, première agence médias du pays, le marché publicitaire belge a connu en 2017 un électrocardiogramme plat, sauvé par le digital. Car dans les médias traditionnels (presse, TV…) ce n’est pas la folle ambiance.
Ce constat, on le fait aussi dans les agences de publicité. Notamment chez JWT. Filiale belge de ce réseau appartenant au n°1 mondial de la publicité, le holding WPP, cette agence de taille moyenne, qui emploie une quarantaine de personnes, a connu une envolée spectaculaire depuis l’arrivée d’un nouveau management à sa tête en 2015, au point de doubler son chiffre d’affaires l’année suivante. Un résultat qu’elle doit à la croissance du digital qui représente désormais près de la moitié de ses revenus. Son CEO David Grunewald est donc bien placé pour évoquer les nouveaux défis du métier.
Marketing de contenu
"Notre métier a toujours été d’influencer un prospect ou un client, explique-t-il. La manière la plus efficace c’était un message emballé créativement afin d’attirer l’attention des gens, les amuser et ainsi augmenter la notoriété de la marque. Cette pratique est toujours de mise mais il y a aujourd’hui d’autres moyens, beaucoup plus efficaces que l’on appelle le contenu et notamment le contenu digital, que le consommateur soit ou non à la recherche d’informations, qu’il soit ou non prêt à acheter."
Tout le défi, selon David Grunewald, est d’apporter une valeur ajoutée que n’a pas le spot de 30 secondes ou le panneau de 20 m² que le chaland a tendance à vite oublier. "Naguère axée sur l’art du spectacle, l’industrie publicitaire se transforme et doit intégrer d’autres métiers, détaille David Grunewald. La créativité reste au cœur de notre activité, mais elle ne s’exprime plus seulement dans un espace médias acheté par l’annonceur, mais dans ses différentes prises de parole, que ce soit sur les canaux digitaux, des applications, les réseaux sociaux, voire même l’intelligence artificielle."
"Les GAFA sont à la fois nos partenaires et nos concurrents"
Dans ce but, JWT a ouvert un département, The Hive, dédié à la stratégie de contenu, au développement de vidéos qui permettent de vulgariser une thématique et de mieux faire passer un message à travers réseaux sociaux, sites et applications. Pour citer l’exemple de clients de JWT, Beobank publie ainsi des vidéos d’experts en placement ou des témoignages de clients qui ont placé leur argent dans des produits d’investissement, tandis que Skoda a implanté en concession le robot Pepper, doté d’une intelligence artificielle pour interagir avec les clients et prospects et capter des informations de base à leur sujet, etc. David Grunewald cite aussi le fournisseur d’énergie EON (qui n’est pas client chez JWT) qui a mis au point des outils en ligne (app, site…) permettant de faire des économies d’énergie en comparant sa consommation avec celle de ses voisins. "Le marketing de contenu est donc surtout efficace dans des secteurs comme les services, les voyages, la santé ou l’énergie", résume David Grunewald.
Tout ceci passe bien évidemment par la maîtrise des données clients, les fameuses datas, devenues le graal pour les publicitaires. "Quand on veut gagner un budget, on réunit désormais à côté du créatif et du stratège un responsable des datas. Il y a 10, ans ce dernier n’aurait pas été dans la salle. Aujourd’hui c’est lui qui reçoit le plus de questions, observe le CEO de JWT Belgique, car les datas permettent de mesurer l’impact d’une action, la conversion en terme de vente, de comprendre le comportement du consommateur." Et de pointer la télévision digitale: "Elle permet de diffuser des spots contextualisés et personnalisés, cela va considérablement augmenter l’efficacité de notre métier".
Amis-ennemis
Ce qui permettra, tant que faire se peut, de faire face aux géants du digital comme Facebook, Google ou Snapchat, devenus des "frenemies", selon David Grunewald: "Les Gafa sont à la fois nos partenaires et nos concurrents. On en a besoin pour aider nos clients mais ils se muent de plus en plus en conseiller en com: Google rencontre les annonceurs en direct, met des outils à leur disposition, organise pour eux des séminaires sur l’activation digitale, etc." Aujourd’hui, même des géants de la consultance broutent dans le pré des agences de pub. Accenture figure ainsi dans le top 5 des agences digitales dans le monde et a même racheté l’an dernier une agence de pub, Kunstmaan. "Ils se focalisent sur la recherche, le conseil, les datas et rajoutent une couche créative, c’est un peu l’inverse de ce que font les agences de pub traditionnelles", relève David Grunewald.
Pour (tenter de) les contrer, JWT a mis au point ce qu’il appelle la règle des "90-10": "90% du budget marketing des clients doit être dédié à des choses efficaces et prouvées et 10% du budget sur des innovations, de nouveaux supports, de nouvelles techniques. Les clients aiment cette philosophie car ce n’est pas conflictuel, mais cadré et structuré."
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