L'audience explose, la pub s'écrase: le paradoxe des médias
Alors que l'audience des médias explose, les annonceurs mettent le frein à main sur les investissements publicitaires. Un paradoxe qui n'est pas une première.
En cas de crise (terrorisme, catastrophe, crash financier…) le citoyen se rue sur les médias pour en savoir plus. C’est d’autant plus vrai avec la crise du coronavirus qu'elle touche chacun dans sa vie quotidienne. Et face aux fake news véhiculées par les réseaux sociaux, les "marques médias" restent des valeurs refuges pour décrypter et analyser les événements. De fait, leurs audiences explosent. Selon le CIM, le nombre de pages vues des sites apps des médias belges a grimpé de près de 50% entre la mi-février la mi-mars.
Depuis le début de la crise du coronavirus, l'audience du site web de l'Echo a crû de 140%.
L’Echo n’est pas en reste : depuis le début de la crise le nombre de visiteurs du site web a grimpé de plus de 140%, soit près de 196.000 visiteurs uniques et plus de 600.000 pages vues par jour. Le rythme de recrutement de nouveaux abonnés payants – toutes formules confondues - a quant à lui été multiplié par deux.
On observe aussi de fortes hausses en télévision. Lundi, le JT de RTL-TVI captait plus de 968.000 téléspectateurs et mardi, celui de la RTBF a dépassé le cap du million. C’est environ le double de leur audience moyenne. Cette soif d’info se reflète sur la consommation télévisée totale dopée par le confinement. Depuis le 12 mars, les deux grandes chaînes (RTL-TVI et la Une) représentent plus de 52% du temps passé à regarder la télévision entre 17H et 23H, contre 39% en moyenne en 2019. "Tout ceci montre à nouveau la force que représente la télévision comme vecteur de lien social" se félicite Philipe Delusinne, CEO de RTL Belgium.
Panique dans la pub
Hélas, ces beaux chiffres ne se reflètent pas dans les recettes publicitaires. Bien au contraire. Alors que l'audience est là, captive, on assiste en réalité à une véritable chute avec des annulations et des reports de campagnes. De 25% RTL. Idem chez RMB, régie de la RTBF, comme on peut le lire dans le magazine Media Marketing.
"On ne retient pas les leçons du passé".
La presse écrite aussi boit la tasse publicitaire et certains éditeurs comme Rossel (Le Soir…) et Mediafin (L’Echo) ont déjà pris des mesures d’économie. "Le marché publicitaire est en recul de 25 à 50%, voire de 75% pour certains acteurs", estime le consultant en marketing et médias Bruno Liesse. Dans Media Marketing, le CEO Belux de l’afficheur JCDecaux estime, lui, qu’au-delà de Pâques, son business baissera de 75%.
Ces coupes sombres semblent irrationnelles. "On ne retient pas les leçons du passé, estime Philippe Delusinne. Lors de précédentes crises, des études ont montré que les annonceurs qui continuent à investir étaient ceux dont le business était le premier à redémarrer une fois la crise passée." "Ce comportement est inapproprié et, d’une certaine façon, irresponsable, assène Bruno Liesse. Il est dicté par des considérations financières court-termistes, alors qu’on sait bien que l’année est perdue sur le plan des résultats. "Pour lui les excuses avancées – la fermeture des points de vente – ne tient pas la route."
"Le comportement des annonceurs est inapproprié et, d’une certaine façon, irresponsable"
D’abord toutes les grandes surfaces sont ouvertes, ensuite c’est oublier que l’économie a changé, elle est devenue digitale: 90% des produits et services sont accessibles via l‘e-commerce. Les marques devraient plutôt adapter leur com’." Karim Debbah, directeur de clientèle au sein de l’agence médias Mediacom ne dit pas autre chose. "Les annonceurs réagissent sous le coup de la panique, or il est fondamental d’entretenir sa notoriété pour rester dans la mémoire des consommateurs lorsque les affaires reprendront. C’est maintenant qu’il faut préparer l’après-crise.
Chris Van Roey, CEO de l’Union belge des Annonceurs, ne nie pas que ces coupes sont dictées par une forme de panique, mais il estime que dans certains cas elles peuvent se comprendre : "S’il n’y a personne en rue on ne va pas investir en affichage et une marque de voiture ne va pas faire de la pub si les concessions sont fermées", dit-il tout en tentant de ne pas dramatiser. "Si on observe ce qui se passe dans d’autres pays très touchés par le coronavirus, comme la Chine et l’Italie, on remarque que les annonceurs réinvestissent dans des médias locaux et digitaux et moins sur les plateformes internationales."
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