Twitter ne doit pas révéler l'identité de ses utilisateurs
Harcelée en ligne, la journaliste de la RTBF Johanne Montay, soutenue par son employeur, attaquait Twitter pour obtenir les identités des harceleurs.
Après avoir été harcelée et menacée de mort sur Twitter en janvier 2022, la journaliste de la RTBF Johanne Montay, soutenue par son employeur, avait intenté une action en justice contre le réseau social (en Irlande et aux États-Unis) afin de le forcer à dévoiler les données relatives aux auteurs des tweets litigieux. Dans une ordonnance rendue récemment, le tribunal de première instance dit la demande à l'égard de Twitter Irlande recevable, mais non fondée et se déclare sans compétence internationale vis-à-vis de Twitter aux États-Unis. Au passage, la juge a rappelé que Twitter n'était pas obligé de divulguer des données personnelles de ses utilisateurs à des tiers qui en feraient la demande.
On l'a dit, la demande adressée par la journaliste et la RTBF visait à obtenir des données personnelles des auteurs des tweets injurieux et menaçants afin de pouvoir mener une action en réparation contre les auteurs en question. Après une première demande, Twitter USA, défendu dans cette affaire par Olivier Vanhulst et Julien Hislaire (White & Case) avait fait savoir que de telles informations ne seraient communiquées qu'au terme d'une procédure légale valable, telle qu'une injonction du tribunal. C'est pour cette raison que la journaliste et la RTBF avaient intenté une action en référé devant le tribunal de première instance.
Pas de manquement
À l'appui de leur demande, la journaliste et son employeur évoquaient une violation du Code de droit économique qui, dans certains cas, prévoit que des acteurs comme Twitter ont l'obligation d'informer les autorités judiciaires lorsque des utilisateurs se rendraient coupables d'activités illicites. Même si Twitter ne conteste pas ne pas avoir prévenu les autorités judiciaires, la juge a estimé que le réseau social ne violait pas le Code de droit économique. Tout comme elle a estimé que Twitter Irlande n'avait pas manqué à son obligation de prudence et de diligence en décidant de ne pas identifier les auteurs des tweets litigieux.
"Aucune disposition du Code de droit économique n'impose à ces prestataires de divulguer des données personnelles de leurs utilisateurs à des tiers qui le leur demanderaient."
Le fait que les conditions d'utilisation de Twitter lui permettent, dans certains cas, de divulguer des données à caractère personnel ne suffit pas de démontrer "que son refus de communiquer ces données aux parties demanderesses serait, dans les circonstances de la cause, fautif", peut-on lire dans l'ordonnance rendue le 4 juillet.
Au passage, le tribunal a rappelé qu'il ne lui appartenait pas de s'opposer à un choix politique. En la matière, le législateur exonère les prestataires de services d'une obligation générale de surveillance en leur imposant, en contrepartie, de collaborer avec les autorités judiciaires dans le cadre de la recherche et de la poursuite des infractions. "Aucune disposition du Code de droit économique n'impose à ces prestataires de divulguer des données personnelles de leurs utilisateurs à des tiers qui le leur demanderaient", lit-on encore dans l'ordonnance.
Ce régime, poursuit la juge, est le résultat de la balance entre différents intérêts tels que le droit à la protection privée et des données personnelles, le droit à la liberté d'expression, le droit à la vie et à la protection de l'intégrité physique ou le droit à un procès équitable. Et, ajoute la magistrate, rien n'empêche la journaliste et la RTBF de se tourner vers la justice pénale pour tenter d'obtenir la divulgation des données personnelles des auteurs des tweets litigieux qui, rappelons-le, avançaient courageusement masqués sous un pseudonyme.
Le résumé
- Injuriée et menacée de mort sur Twitter, la journaliste Johanne Montay, soutenue par la RTBF, avait attaqué le réseau social en justice.
- L'idée était d'obtenir les données personnelles des auteurs des tweets litigieux qui se cachaient derrière des pseudonymes.
- La justice a estimé que Twitter n'avait pas à divulguer de telles données personnelles à des tiers.
- Aujourd'hui, il reste la voie pénale.
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