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La RTBF et RTL se bagarrent autour de courses cyclistes

©BELGA

Fin 2023, RTL annonçait avoir acquis les droits de diffusion des courses cyclistes appelées les "Flandriennes". Estimant ne pas avoir pu remettre d'offre, la RTBF attaque RTL qui, de son côté, dénonce une "action opportuniste".

Estimant que les règles de saine concurrence avaient été violées, la RTBF s'est tournée vers la justice afin d'attaquer Infront Sports - société active dans la vente de droits de diffusion d'événements sportifs - et RTL Belgium. L'enjeu? Tenter de faire rouvrir le marché remporté par RTL pour la diffusion d'une dizaine de courses cyclistes organisées par Flanders Classics.

"Les droits ont été octroyés à RTL sans procédure de mise en concurrence et sans que la RTBF ne puisse remettre d'offre en temps utile."

Chloé Binet
Avocate de la RTBF
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À la fin du mois de décembre 2023, le groupe RTL annonçait en grandes pompes avoir acquis les droits de diffusion pour les saisons 2025 à 2028 d'une série de courses auparavant diffusées par la RTBF. Il est question d'une dizaine de courses parmi lesquelles des classiques comme le Tour des Flandres, Gand-Wevelgem, la Flèche brabançonne, le Tour de Suisse ou l'Amstel Gold Race, pour ne citer que celles-là. La RTBF, défendue par Pierre De Bandt, Chloé Binet et Tatiana Ghysels (De Bandt), estime ne pas avoir été en mesure de remettre une offre alors qu'elle était intéressée par la diffusion de ces courses.

"Les droits ont été octroyés à RTL sans procédure de mise en concurrence et sans que la RTBF ne puisse remettre d'offre en temps utile", a plaidé Chloé Binet, au nom de la RTBF. Pour cette dernière, en revendant les droits de diffusion à RTL, Infront Sport s'est rendue coupable d'abus de position dominante. Dans cette affaire, la RTBF demande à la juge des cessations de faire respecter les règles de concurrence et, de facto, de pousser Infront à lancer un nouveau marché. "Il est difficile de croire qu'Infront et RTL ignoraient ces règles de concurrence", a encore plaidé l'avocate de la chaîne publique.

"La RTBF se prend pour Merlin l'enchanteur et joue à l'apprenti sorcier pour dire qu'Infront aurait abusé de sa position dominante."

Quentin Declève
Avocat d'Infront Sports
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La RTBF estime qu'Infront et RTL ont passé un accord et négocié les droits de gré à gré selon un calendrier et les critères non connus de la RTBF. Dès qu'elle a su que la chaîne privée avait emporté les droits sur les courses cyclistes convoitées, la RTBF a remis une offre, mais rien n'y a fait. De même, une mise en demeure adressée au vendeur des droits et à RTL n'a rien changé à la situation, poussant la RTBF à se tourner vers le tribunal.

"La RTBF se prend pour Merlin l'enchanteur et joue à l'apprenti sorcier pour dire qu'Infront aurait abusé de sa position dominante", a entamé Quentin Declève (Stibbe), l'avocat d'Infront Sports aux côtés d'Elisabeth Gabizon. "Il n'y a pas eu de volonté d'Infront d'exclure la RTBF avec qui il y a eu des discussions", a plaidé l'avocat, avant de poursuivre. "La RTBF nous a dit qu'il ne fallait pas s'attendre à des droits plus élevés que pour la période 2021-2024. Ils ont voulu jouer au plus malin, ils ne doivent pas s'étonner que les droits aient été vendus à RTL."

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"Même sans ces dix courses, la RTBF a toujours une position dominante sur le marché."

Quentin Declève
Avocat d'Infront Sports

Pour Infront, s'il devait être question d'abus de position dominante, ce serait plutôt dans le chef de la RTBF. Pour étayer ses dires, l'avocat de la société qui a vendu les droits de diffusion à RTL a repris l'ensemble des 423 courses cyclistes toutes catégories confondues et listées par l'Union cycliste internationale (UCI). "Infront Sports ne détient les droits que sur 26 de ces courses, ce qui représente une part de marché de 6%", a expliqué Quentin Declève, avant de rappeler que sa cliente était libre de contracter avec qui elle l'entendait.

"La RTBF garde 44 courses cyclistes dans son portfolio contre une dizaine pour RTL", a-t-il encore plaidé, avant de préciser que le consommateur n'est pas lésé dans cette opération, sachant qu'il lui suffira de zapper pour voir les courses souhaitées qui sont diffusées en libre accès. "Même sans ces dix courses, la RTBF a toujours une position dominante sur le marché", a-t-il conclu.

"Pour une fois que RTL obtient les droits sur des courses, la RTBF attaque pour conserver son quasi-monopole."

Sacha Vanderveken
Avocate de RTL Belgium

"RTL trouve que cette action intentée par la RTBF est scandaleuse. La RTBF détient une position ultra-majoritaire dans le monde du sport et la chaîne bénéficie d'un financement public qui représente 75% de son budget annuel", a pour sa part plaidé Sacha Vanderveken, qui défend RTL aux côtés de Xavier Taton (Linklaters). "Pour une fois que RTL obtient les droits sur des courses, la RTBF attaque pour conserver son quasi-monopole."

On s'en doute, du côté de la chaîne privée, on ne partage pas la même lecture que du côté de la RTBF. "Il n'y a pas de principe disant qu'on doit procéder d'office à un appel d'offre. Nous n'avons pas la même lecture de la jurisprudence", a continué l'avocate de RTL Belgium qui estime que l'action de la RTBF ne vise qu'à maintenir son monopole sur la diffusion de courses cyclistes.

Comme l'avait fait l'avocat d'Infront Sports avant elle, l'avocate de RTL a expliqué que la règle était celle de la liberté de contracter avec l'entreprise de son choix. "Il s'agit d'une démarche opportuniste de la RTBF qui va s'en sortir sans ces courses", a conclu l'avocate de RTL Belgium.

Le résumé
  • En 2023, RTL annonçait avoir décroché les droits de diffusion d'une série de courses cyclistes considérées comme les "Flandriennes".
  • Estimant ne pas avoir eu l'occasion de remettre une offre pour ces courses, la RTBF a attaqué en justice RTL et la société de vente des droits.
  • Si pour la RTBF il y a abus de position dominante, RTL dénonce une démarche opportuniste dans le chef de la RTBF qui ne viserait qu'à sauvegarder son monopole.
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