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Le football belge vaut-il encore 500 millions à la télé?

Le FC Bruges (en bleu et noir) et Anderlecht (ici lors du "topper" dimancher dernier) sont les deux clubs qui ont engrangé le plus de droits télévisés lors de la dernière saison. ©Photo News

Ce jeudi, les candidats à l’obtention des droits médias du championnat de Belgique de football doivent remettre leur offre pour les cinq prochaines saisons. Il n'est pas du tout certain que la Pro league battra le record du contrat en cours.

Après un report de 15 jours, c’est ce jeudi 31 octobre que les prétendants à l’obtention de tout ou partie des droits médias du championnat de Belgique de football doivent remettre leur offre pour les cinq prochaines saisons, soit entre juillet 2025 et juin 2030. L'enjeu est capital pour les clubs: ces droits représentent environ un quart de leurs revenus.

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L'enjeu est capital pour les clubs: les droits médias représentent environ un quart de leurs revenus.

Le conseil d’administration de la Pro League, qui regroupe les clubs professionnels belges, se réunira le 6 novembre prochain pour trancher. Pour autant que les offres qui lui parviennent avant ce jeudi le satisfassent, ce qui est a priori peu probable. Le dossier pourrait même s'enliser et pousser des grands clubs à menacer de vendre leurs droits individuellement, comme certains l'avaient fait il y a 5 ans.

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Le contrat actuel, qui s’achève à l’issue de la saison en cours, est valorisé plus de 100 millions d’euros par an pendant cinq ans. Un montant record, supérieur de 24% au précédent contrat. C’est le groupe Eleven Sports – devenu Eleven DAZN depuis son rachat par ce dernier il y a deux ans – qui avait acheté la totalité des lots en 2020, revendant ceux-ci aux différentes parties – les opérateurs télécoms (Proximus, Telenet, Voo, Orange) pour les matchs en direct, la RTBF pour les résumés et le magazines, etc. – tout en gardant seulement l’offre de streaming (sur internet sans décodeur).

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"En Europe, le rapport de force a changé car il y a moins de concurrence entre les diffuseurs, plus personne ne croit à l’arrivée des streamers dans le foot européen."

Pierre Maes
Consultant en droits sportifs

Plus de 500 millions? Une gageure

La Pro League peut-elle espérer plus que ces 500 millions? À voir. Certes, elle met en en avant diverses études montrant l’intérêt des Belges pour le foot, la présence de plus de 3 millions de spectateurs dans les stades la saison dernière, voire des audiences en hausse cette saison, entend-on. Celles-ci jouent un peu au yoyo. Elles sont passées 671.000 téléspectateurs par journée côté francophone (ayant regardé un match au moins une seconde) lors de la saison 2020-21 à 768.000 spectateurs en 2021-22 (pendant le covid lorsque les matchs se jouaient à huis clos) avant de baisser en 2022-23 (718.000 spectateurs), puis de rebondir en cours de saison dernière.

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Cependant, le marché a évolué et il semble que l’on soit arrivé à un pic dans les droits télévisés. Pour le Belge Pierre Maes, consultant réputé en droits sportifs, il n’est pas du tout certain que la Pro League fera mieux. "En Europe, le rapport de force a changé car il y a moins de concurrence entre les diffuseurs" explique-t-il. "Plus personne ne croit à l’arrivée des streamers dans le foot européen, Amazon est ainsi sorti des championnats français et anglais pour se concentrer sur la Champions League et les opérateurs télécoms ne considèrent plus que le foot est un produit différenciant pour capter de nouveaux abonnés pour leurs services. Il ne reste plus que ce que j'appelle des 'aventuriers', comme DAZN, BeIN ou naguère MPSilva."

Selon lui, on pourrait cependant imaginer que le 4e opérateur, le roumain Digi, qui se fait toujours attendre, acquière les droits exclusifs de la JPL pour marquer son empreinte sur le territoire belge, comme l’avait fait Proximus en 2005 lors de son lancement de son offre télé. "Je doute cependant qu’ils en aient les moyens, et puis c’est un pari très risqué", dit-il. Pour les droits en clair (résumés, magazines), RTL Belgium, qui a lancé une offensive sur le sport il y a deux ans, pourrait, de son côté, avoir son mot à dire.

"La Pro League risque d’être déçue en ouvrant les enveloppes, estime de son côté un observateur averti; le précédent appel d’offres avait été taillé sur mesure pour Eleven/DAZN, ce qui qui avait découragé les telcos, je ne suis pas certain qu’ils voudront surenchérir."

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"La Pro League peut se raccrocher à l’exemple de nos voisins Néerlandais qui verront leurs droits domestiques passer de 100 à 150 millions d’euros à partir de la saison 2025-26"

Pierre Maes
Consultant en droits sportifs

Un marché en recul

Le marché est donc plutôt à la baisse: "Il y a une tendance lourde que, en toute modestie, j'avais annoncé dans mon bouquin sorti en 2019 sur le business des droits TV du foot, à savoir que les droits ont tendance au mieux à se stabiliser, voire à diminuer un peu partout", relève encore Pierre Maes.

La France est un cas emblématique. Attribués cet été, les droits télévisés 2024-25 ont baissé de 20% par rapport au précédent contrat, lui-même déjà en retrait, soit 500 millions d’euros (hors ventes à l’étranger), loin des 800 millions attendus par les dirigeants du foot français qui avaient même un moment espéré atteindre la barre symbolique du milliard.

Outre la France, d’autres marchés sont aussi en recul par rapport à il y a cinq ans (voir l’infographie): c’est le cas de grands championnats comme la Bundesliga allemande (-13%) et la Serie A italienne (-14%). Même la surpuissante Premier League anglaise ne connaît plus les croissances folles d’antan. Renouvelé fin 2023, le nouveau contrat pour les droits domestiques (hors ventes sur les marchés étrangers) n’a progressé "que" de 4% à 1,950 milliards d’euros.

La Pro League, qui a connu une jolie croissance de ses droits depuis une vingtaine d’années, ne doit donc pas se faire trop d’illusions, "mais elle peut se raccrocher à l’exemple de nos voisins néerlandais qui verront leurs droits domestiques passer de 100 à 150 millions d’euros à partir de la saison 2025-26 ", observe Pierre Maes.

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milliards $
Cet été, le trio Amazon, ESPN, NBCUniversal a mis 76 milliards de dollars sur la table pour acquérir les droits de la NBA (le championnat de basket américain), soit près de trois fois plus que pour le précédent contrat.

Les Gafam aux abonnés absents

Reste à voir pourquoi les Gafam, pourtant annoncés comme les nouveaux moguls des droits sportifs, ne s’intéressent pas davantage aux marchés européens. Il y a notamment l’accumulation des compétitions qui rendent le ballon rond moins attractif, il n’y a donc plus ce phénomène de rareté (relative) qui faisait monter les enchères.

"Il y a aussi le piratage qui ne cesse de s’amplifier", ajoute Pierre Maes. "On peut comparer cela à la crise de la musique enregistrée au début des années 2000. En 2018, le groupe qatari BeIN, qui avait investi des milliards dans les droits télé du foot en Europe, a fortement réduit la voilure car ce qu’il croyait être des droits exclusifs ne l'étaient pas en raison du piratage."

Les grandes plateformes US semblent plutôt vouloir se concentrer sur leur marché domestique et sont prêtes à y investir des sommes toujours plus folles. Cet été, le trio Amazon, ESPN, NBCUniversal a ainsi mis 76 milliards de dollars sur la table pour acquérir les droits de la NBA (le championnat de basket américain), soit près de trois fois plus que pour le précédent contrat. Trois ans plus tôt, la NFL (ligue de football américain) avait signé un accord à 110 milliards de dollars sur onze ans pour ses droits de diffusion avec un consortium de sept opérateurs dont Amazon, deux fois plus que lors du précédent contrat. Quant à Apple, il a acquis en juin 2023 pour 2,5 milliards de dollars sur dix ans les droits sur la modeste MLS (Major League Soccer), le championnat américain de football où jouent plusieurs stars en fin de carrière comme Lionel Messi.

Il y a quelques jours, le quotidien Les Echos notait que la concurrence est plus vive aux États-Unis qu'en Europe car les rivalités entre grands réseaux de télévision, qui s'accrochent au sport pour survivre, et les acteurs du streaming font grimper les enchères. Et de citer le consultant Alessandro Oehy, dans sa newsletter spécialisée sur l'économie du sport: "Le principal facteur limitant qui a causé les tourments des droits domestiques du football européen est le manque de diffuseurs viables capables d'enchérir de manière réaliste pour ces droits, dans un environnement où leur valeur a explosé au cours des années 2010."

682 matchs par saison

Le nouvel appel d’offres pour les droits médias du football belge a été préparé par la Pro League avec l’aide du groupe américain IMG, un des pionniers du marketing sportif. Il se veut agnostique en termes de plateformes (linéaire, digital...).

Il comprend huit lots pour la diffusion en direct de  682 matches par saison. D’abord, un lot non exclusif qui couvre l'ensemble de la Jupiler Pro League (D1). Ensuite, deux lots exclusifs où les détenteurs de droits sont les seuls à pouvoir diffuser certains matches. On ne sait cependant pas comment se répartissent ces deux lots: soit les plus gros matchs, soit les autres, ou alors deux lots mixant affiches et matchs secondaires. À voir.

Un lot est dédié à la Challenger Pro League (D2), un à la Croky Cup (Coupe de Belgique), un à la Super coupe (opposant le vainqueur du championnat à celui de la coupe), un pour la Lotto Super League (le championnat féminin) et un pour les droits radio qui, jusqu’ici, étaient gratuits. Disparaissent, les résumés du vendredi et du samedi soir.

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En revanche, plusieurs nouveautés apparaissent: un nouveau magazine du dimanche soir proposant des résumés des trois compétitions (D1, D2, championnat féminin), afin de mettre ces deux derniers davantage en valeur, un multilive le vendredi soir pour la D2, un magazine sur les coulisses du foot (reportages, archives, etc.), et la diffusion gratuite d’un match de foot féminin par mois.

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