Scinder Google et Chrome serait-il suffisant pour relancer la concurrence?
Le ministère de la Justice américaine souhaiterait qu'un juge impose la scission de Google et Chrome. De quoi s'attaquer au monopole du groupe. Mais la mesure pourrait ne pas peut-être pas suffisante pour relancer la concurrence.
Google devra-t-il vraiment se passer de son incontournable navigateur Chrome? L'éventualité désormais souvent évoquée semble de moins en moins farfelue. Selon Bloomberg, le ministère américain de la Justice compte recommander la scission du groupe au juge fédéral qui planchera sur la question dans les prochains mois.
Les arguments soulevés ne sont pas neufs. Ils étaient d'ailleurs repris dans un document publié durant le mois d'octobre par le ministère. Devenu un géant incontournable, Google est considéré comme un acteur trop gros sur le marché des recherches en ligne. Ce statut nuit à la concurrence. Aujourd'hui, Google se charge effectivement de plus de 90 % des recherches internet.
Cette position de leader sur le marché des moteurs de recherche ne s'est toutefois pas créée seule. Chaque année, Google paie des milliards pour être installé par défaut dans les smartphones du monde entier. En 2022, le groupe a ainsi déboursé 22 milliards d'euros pour obtenir une place de choix dans les appareils d'Apple. En proposant de s'attaquer à Chrome, le ministère vise l'un des principaux outils amenant au moteur de recherche.
"Pour fonctionner efficacement, le système néolibéral ne peut pas tolérer les positions de monopole. Dès lors, ne pas se positionner sur ces questions serait envoyer un mauvais signal."
Frustration de l'utilisateur
Une telle décision aurait donc forcément un impact pour le grand public et sur ses habitudes de navigation. "Pour l'utilisateur, il peut y avoir une certaine frustration de voir des fonctionnalités bridées pour des raisons de concurrence. C'est, par exemple, le cas avec l'accès à Google Maps, devenu bien plus complexe", glisse Bruno Wattenbergh, ambassadeur en innovation chez le consultant EY.
"Mais d'un point de vue économique, une telle décision fait sens. Pour fonctionner efficacement, le système néolibéral ne peut pas tolérer les positions de monopole. Dès lors, ne pas se positionner sur ces questions serait envoyer un mauvais signal", explique le spécialiste.
Son avis est partagé par Axel Gautier, professeur à HEC Liège, que nous avions interrogé en octobre dernier au moment de la publication par le ministère de la Justice du document présentant les grandes lignes envisageables pour mieux encadrer Google. "Le régulateur doit sans doute être prêt à assumer une dégradation temporaire de l'offre aujourd'hui, mais qui permettrait de voir émerger de vraies alternatives demain. Il semble assez juste de penser que l'innovation et la qualité du service sont meilleures dans un marché où plusieurs entreprises s'affrontent", expliquait-il à l'époque.
"Comment garantir un traitement équitable de la part de Google envers Chrome et les autres concurrents, une fois l'éventuelle scission réalisée? Rien n'est certain."
Et après une scission?
Reste à savoir si une telle mesure serait vraiment efficace pour relancer la concurrence.
"On peut s'interroger sur ce qu'il se passera après une éventuelle scission. Comment garantir un traitement équitable de la part de Google envers Chrome et les autres concurrents une fois l'éventuelle scission réalisée? Rien n'est certain." La concurrence actuelle a par ailleurs le sérieux désavantage de démarrer de très loin. Bing, le deuxième plus gros acteur du marché des navigateurs, tourne aujourd'hui à 3% de parts de marché.
La décision du tribunal n'est pas attendue avant l'année prochaine. "Il est en tout cas certain qu'une scission aurait un impact négatif pour Google. Mais l'évaluer concrètement sur le plan financier est très compliqué", indique Bruno Wattenbergh. À l'heure actuelle, Chrome est en tout cas un incontournable dans la stratégie de la société. Actuellement, la très grande majorité de ses 307 milliards de dollars de revenus sont tirés de la publicité sur son moteur de recherche, et donc indirectement via Chrome. "Il est certain qu'en cas de démantèlement, Google devrait trouver des revenus ailleurs", nous expliquait en octobre dernier Axel Gautier.
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