Facebook et Instagram payants: pourquoi Meta y réfléchit
Poussé dans le dos par une réglementation européenne de plus en plus stricte en matière de respect de la vie privée, le géant US propose de lancer des formules payantes vierges de toute publicité.
Jusqu’à 19 euros par mois pour consulter Facebook et Instagram sur smartphone? C’est ce que pourraient bien devoir payer les utilisateurs européens de ces deux réseaux sociaux si la proposition de Meta devait voir le jour, rapporte le Wall Street Journal.
Alors que Mark Zuckerberg, le fondateur de Meta, jurait ses grands dieux que ses services resteraient gratuits, le géant tech US planche en effet sur une offre payante pour ses deux réseaux vedettes aux côtés de la version gratuite. En contrepartie, aucune nouvelle fonctionnalité mais des services vierges de toute publicité. Un peu comme ce que fait Spotify dans le streaming musical. Concrètement, un compte Facebook ou Instagram coûterait 10 euros par mois sur un PC, et 13 sur smartphone – en raison de la dîme prélevée par les app stores d’Apple et Google. Une utilisation combinée des deux coûterait 6 euros supplémentaires.
Motifs juridiques et commerciaux
Pourquoi Meta lance-t-il ces pistes présentées récemment aux autorités irlandaises chargées de la protection de la vie privée (le siège européen de Meta étant en Irlande) ainsi qu’aux services européens de la concurrence? Pour deux raisons. Juridiques d’abord. La Commission européenne a en effet renforcé les règles en matière de respect de la vie privée des utilisateurs et de libre concurrence, soit dans le jargon des eurocrates le DSA (Digital Services Act) entré en vigueur en 2022 et le DMA (Digital Markets Act) qui sera d’application en mars 2024.
Le premier interdit déjà la récolte de données sur les réseaux à des fins de publicité ciblée à destination des mineurs ainsi que sur base des opinons politiques, religieuses et des orientations sexuelles. Le second exigera des géants du Net de demander une autorisation expresse de l'utilisateur lorsqu'ils souhaitent traquer son activité en dehors de leur propre plateforme.
Rappelons que le RGPD (règlement général pour la protection des données, NDLR), plus ancien, ne permettait déjà pas le ciblage des utilisateurs. Mais le non-respect de ses dispositions a valu à Meta des amendes historiques, comme en janvier (390 millions) et en mai (1,2 milliard) derniers, l'Europe considérant qu'il n'y avait "pas de consentement éclairé et spécifique".
En proposant du contenu vierge de toute communication commerciale, Meta propose donc une forme de compromis, espérant amadouer les autorités européennes et rentrer ainsi dans les clous de leurs exigences. Reste à voir si cette stratégie sera payante. Il se pourrait par exemple que Meta doive revoir ses ambitions tarifaires à la baisse.
Expériences peu concluantes
Au-delà de ces obligations réglementaires, la deuxième raison, qui découle aussi de la première, est d’ordre commercial : "Visiblement Meta veut aussi faire évoluer son modèle économique, décrypte le consultant et formateur spécialisé en réseaux sociaux Xavier Degraux. Celui-ci repose à 98% sur la publicité. Mais ces dernières années, avec les différentes crises, les annonceurs ont plutôt tendance à mettre le frein à main dans leurs dépenses publicitaires. Meta cherche donc d’autres sources de revenus." D’autant, comme le note l’expert, qu’un utilisateur européen rapporte trois fois moins qu’un Américain. Il y a donc des sous à aller chercher sur le Vieux Continent.
"Visiblement Meta veut faire évoluer son modèle économique."
Outre Meta, cette tendance à la diversification s’est encore vérifiée après les révélations du Wall Street Journal, puisque d’après différents sites spécialisés le chinois TikTok réfléchit lui aussi à un abonnement payant sans publicité à moins de 5 dollars par mois. "La tendance est générale, observe encore Xavier Degraux ; la plupart des réseaux sociaux ont lancé ce genre d’offre, que ce soit YouTube avec son service Premium, X (ex-Twitter) ou encore Snapchat, mais on ne peut pas dire que le succès soit au rendez-vous, car dans l’ensemble ces services payants ne séduisent que quelques pourcents des utilisateurs."
- Meta planche à son tour sur un accès payant à ses réseaux Instagram et Facebook aux côtés de l'accès gratuit.
- En cause: le durcissement de la réglementation de la Commission européenne en matière de respect de la vie privée des utilisateurs.
- Les motifs sont aussi d'ordre commercial : Meta chercherait à diversifier ses sources de revenus.
- D'autres réseaux sociaux proposent un service payant, sans grand succès à ce stade.
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