Frances Haugen, la porte-voix du silence de Facebook
L'ancienne ingénieure Frances Haugen a porté, documents à l'appui, les manquements de Facebook dans la lutte contre le complotisme.
Frances Haugen, une ancienne ingénieure, a fait fuiter des documents qui montrent, selon elle, que la firme aux quelques 3,5 milliards d'utilisateurs mensuels choisit "le profit plutôt que la sûreté" de ses usagers. Elle devrait appeler mardi les élus américains à réguler Facebook, lors d'une audition au Sénat.
Son nom aurait pu rester dans l'ombre comme cela avait été le cas jusqu'ici. Mais face à l'ampleur de l'affaire, elle a finalement décidé de sortir à visage découvert dans le célèbre magazine d'information américain "60 Minutes" de la chaîne CBS, diffusé dimanche soir.
C'est donc la data scientist Frances Haugen (37 ans) qui est à l'origine de la charge d'une ampleur rare - documents à l'appui - lancée le mois dernier contre Facebook dans le Wall Street Journal.
Grâce à des dizaines de milliers de documents emportés lors de son départ en mai dernier, cette diplômée d'Harvard (MBA) et ex-chef de produit de la firme californienne a permis au quotidien financier d'établir que, malgré une prise de conscience des maux que provoque sa plateforme (multiplication du discours haineux, polarisation du débat politique, conséquences sur la santé mentale des adolescents notamment...), Facebook n'a, d'une part, rien fait de significatif pour les soigner et, d'autre part, a sciemment menti sur la question à ses utilisateurs, aux investisseurs et aux législateurs.
"Facebook a choisi le profit."
À la place? Le groupe "a choisi le profit", affirme celle qui sera auditionnée ce mardi par la commission au Commerce du Sénat américain, après avoir déjà porté huit plaintes auprès des autorités fédérales. Ainsi, avant le scrutin présidentiel américain de novembre 2020 par exemple, Facebook a certes modifié ses algorithmes pour réduire la diffusion de fausses informations, mais "dès que l'élection a été terminée" le groupe les a reconfigurés comme avant "pour donner la priorité à la croissance plutôt qu'à la sûreté", évoque celle qui a rejoint le réseau social en 2019 avant d'être assignée, à sa demande, au département "intégrité civique" s'intéressant aux risques posés par certains utilisateurs ou contenus pour le bon déroulement d'élections.
Dénoncer, "au péril de sa vie"
De cette période, elle a retenu "des conflits d'intérêts entre ce qui était bon pour le public et ce qui était bon pour Facebook". Une situation "sensiblement pire que ce tout ce que j'avais pu voir auparavant", affirme l'ingénieure passée par le site de rencontres Hinge, mais aussi Google, la plateforme d'évaluation de restaurants Yelp ou encore le réseau social Pinterest. C'est pourquoi, "en dernier recours et au péril de sa vie", selon ses propres mots, elle a "pris la courageuse décision de dénoncer".
En ce sens, l'intéressée dit sur son site internet avoir appris très tôt l'importance de la démocratie et de la participation citoyenne. De même qu'avoir souvent dû se rendre aux réunions des partis politiques, elle qui est fille de deux professeurs de l'Iowa.
Les changements algorithmiques opérés sur la plateforme en 2018 ont transformé la manière dont les contenus sont proposés.
C'est en cela qu'elle a commencé à collecter des preuves déjà de son temps chez Facebook, destinées à démontrer notamment que les changements algorithmiques opérés sur la plateforme en 2018 ont transformé la manière dont les contenus sont proposés. Depuis lors, c’est en effet l’engagement des utilisateurs qui fait foi; or pour créer de l'engagement, il faut jouer sur les émotions des utilisateurs. Parmi lesquelles la colère, du fait qu'elle est la plus facile à susciter.
- 2011: Diplômée d'Harvard
- 2011-2018: Travaille pour Google, Yelp ou encore Pinterest.
- 2019: Rejoint Facebook où elle se concentre sur la lutte contre le complotisme.
- Mai 2021: Quitte le réseau social, emportant avec elle des milliers de documents à l'origine d'une vaste charge du Wall Street Journal.
- Octobre 2021: Auditionnée ce mardi par la commission au Commerce du Sénat américain.
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