Skype, WhatsApp et autres bientôt réglementés comme tout opérateur télécom
Un mémo de la Commission européenne sur la révision de la régulation télécom laisse entendre que les services "over-the-top" comme Skype et WhatsApp seront désormais soumis à de nouvelles obligations.
Cette fois, ça y est: la Commission européenne semble avoir décidé de s’attaquer frontalement à la question des OTT, qui pourrit ses relations avec les opérateurs télécoms depuis de nombreuses années. Les OTT, ce sont les acteurs "Over-The-Top", soit les services de communications comme Skype, WhatsApp et autres, dont les services sont bâtis au-dessus des infrastructures télécom existantes. Un statut qui exaspère les opérateurs, qui les traitent volontiers de passagers clandestins, dans la mesure où ils ne participent aucunement aux investissements dans les infrastructures physiques et sont nettement moins régulés que les opérateurs classiques.
Un état de fait auquel l’exécutif européen aurait donc décidé de s’attaquer dans son prochain "paquet télécom", une refonte majeure du cadre légal du marché, attendue depuis plusieurs années. Selon des documents obtenus par le site spécialisé Euractiv, les groupes OTT devront respecter une série de régulations imposées aux opérateurs traditionnels dès l’entrée en vigueur du paquet télécom, qui devra encore passer par le Parlement européen.
Une réponse graduelle
Les OTT ne seront toutefois pas soumis à l’ensemble des règles dédiées aux acteurs télécoms, l’application sera graduelle. Les solutions des OTT seront réparties en trois catégories:
→les OTT "zéro", qui concurrencent directement les services télécom classiques,
→les OTT "un", qui proposent un service de substitution,
→les OTT "deux", qui ne concurrencent aucunement les opérateurs.
À titre d’exemple, les services classiques de Skype et WhatsApp sont de catégorie 1, en ce qu’ils proposent une alternative à la téléphonie et à l’envoi de SMS. Par contre, le service Skype Out, qui permet d’appeler des numéros de téléphone classiques depuis l’application entre, lui, dans la catégorie 0, puisqu’il concurrence directement la téléphonie classique.
On s’en souvient, le régulateur belge du secteur, l’IBPT, avait d’ailleurs infligé une amende à Skype le 15 juillet dernier pour cette raison. Le groupe, filiale de Microsoft, avait refusé de se notifier en tant qu’opérateur au sens du droit belge, alors que, de par l’existence du service Skype Out, il répond aux conditions.
Écoutes et appels d’urgence
Skype tente autant que possible d’échapper à ce statut, dans la mesure où il comporte une série d’obligations, telle que celle de conserver les métadonnées des communications de ses clients, ou d’organiser, sur requête de la Justice, des écoutes téléphoniques, voire, potentiellement, de fournir à ses utilisateurs la possibilité d’appeler gratuitement le numéro d’urgence 112.
Car c’est bien là le nœud de la question: les obligations inhérentes au statut d’opérateur télécom, les OTT n’en veulent pas. Par cette proposition graduelle, la Commission évite le clash frontal (et d’interminables poursuites), tout en assurant aux 28 régulateurs nationaux de nouveaux leviers d’action sur Skype et les autres.
Renforcer l’autorité des régulateurs nationaux
On pointera d’ailleurs le fait que le contenu de la proposition fuitée de la Commission reprend, presque point pour point, les conclusions et avis du Berec, la fédération européenne des régulateurs télécom.
Dès l’entrée en vigueur du texte, les prétentions des régulateurs nationaux face à des géants comme Facebook ou Microsoft pourront donc être revues nettement à la hausse sur certaines questions, là où ces grands groupes font pour l’instant tout leur possible pour que ces questions ne soient gérées qu’au niveau de leur QG pour les continentaux (typiquement en Irlande et aux Pays-Bas).
Les procédures visant Skype selon la même logique que celle de l’IBPT pourraient donc aussi se multiplier sur le territoire européen, d’autant que le groupe est virtuellement le seul à entrer partiellement dans la catégorie 0.
À noter que sur la question des appels d’urgence, le risque d’une controverse s’éloigne chaque jour un peu plus, dans la mesure où l’association européenne des services téléphoniques d’urgence affirme que les appels provenant de services OTT sont extrêmement rares et que cela restera le cas pour de nombreuses années encore.
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