Faute de trouver les 200 millions de livres supplémentaires aux 900 millions proposés pour son sauvetage, Thomas Cook a fait ce lundi matin aveu de faillite. C’est la fin d’une histoire vieille de 175 ans pour le voyagiste britannique, dont la débâcle contraint les autorités britanniques à lancer un rapatriement sans précédent de quelque 600.000 vacanciers dans le monde, tandis que le sort des plus de 20.000 employés restait incertain. Si beaucoup des 9.000 employés en Grande-Bretagne risquent de se retrouver au chômage, les cabinets d’audit chargés de la liquidation, KPMG et AlixPartners, pourraient tenter de revendre certaines activités, ce qui préserverait une partie des postes. À l’étranger, l’avenir des employés du voyagiste est encore plus flou, car les législations locales sur les dépôts de bilan diffèrent.
Côté touristes, l’opération de rapatriement de civils la plus massive de l’histoire a démarré. L’autorité britannique de l’aviation civile (CAA) orchestrait dès ce lundi le retour de 150.000 ressortissants de la Couronne, deux fois plus que lors de la faillite de la compagnie aérienne Monarch il y a deux ans.
1. Quelles sont les raisons de cette faillite?
Thomas Cook a souffert de la lourde vague de chaleur qui a sévi en Europe en 2018. À cela s’ajoutent la concurrence des sites internet de voyage à bas prix et la frilosité de touristes inquiets du Brexit. Le voyagiste britannique a ainsi annoncé une perte abyssale d’1,5 milliard de livres pour le premier semestre, pour un chiffre d’affaires de quelque 10 milliards. Ses efforts pour remplir les caisses en vendant les opérations aériennes n’ont pas abouti.
L’annonce au printemps d’une prise de contrôle de l’activité de tour-opérateur par le chinois Fosun, déjà propriétaire de Club Med, avait redonné un peu d’espoir. Les créanciers devaient, dans le cadre de cet accord, reprendre la compagnie aérienne pour près d’un milliard de livres. Mais cela n’a pas suffi aux yeux de certains bailleurs de fonds, en particulier les banques RBS et Lloyds, qui ont exigé en fin de semaine dernière que le groupe trouve 200 millions de livres de plus pour assurer sa survie jusqu’à novembre 2020.
2. La chute de Thomas Cook UK a-t-elle des répercussions sur l’activité en Belgique?
Comme Thomas Cook Belgique poursuit ses activités, toute annulation d'un voyage se fera dans les conditions normales avec des frais à la clé.
Thomas Cook Belgique (et son enseigne Neckermann) est une entité séparée des activités du Royaume-Uni. Avec les filiales néerlandaise et allemande, l’enseigne forme l’activité "Europe continentale". À ce titre, ils sont indépendants au niveau de la plateforme informatique et des brochures.
La faillite de la maison mère n’a pour l’heure pas de conséquences directes sur l’activité en Europe continentale. Mais pour combien de temps? En Allemagne, la compagnie aérienne du groupe, Condor, a demandé à Berlin un prêt relais.
3. Thomas Cook Belgique est-il en difficultés?
"La situation n’est pas rose, mais ce n’est pas de la même ampleur qu’au Royaume-Uni", entend-on de sources syndicales. On dit Thomas Cook Belgique rentable. Cependant, les syndicats ne sont pas aveugles. "Dans un groupe international, tout est imbriqué. Nous savons qu’il y a des liens avec Thomas Cook Grande-Bretagne."
La direction belge indique étudier toutes les pistes. En l’état, Thomas Cook Belgique ne peut pas continuer. Reste à voir si une fois les liens coupés avec le Royaume-Uni, le voyagiste peut poursuivre seul ou avec les activités allemandes et néerlandaises, ou s’il faut absolument trouver un repreneur.
4. Combien de clients belges sont concernés?
Thomas Cook Belgique chiffre à 10.000, sur les quelque 140.000 clients de l’entité "Europe continentale" actuellement à l’étranger, le nombre de Belges concernés. Une majorité de ces clients sont situés dans les pays du pourtour méditerranéen, principales destinations offertes par le voyagiste.
L’enseigne belge ne donne pas de chiffres sur le nombre de réservations en cours.
5. Je suis client belge, que faire?
Chez Thomas Cook Belgique, on affirme que c’est business quasi "as usual" tant sous la marque Thomas Cook que sous la marque Neckermann. Mais le centre de contact est assailli d’appels…
- Les clients en vacances ont été avertis de la situation et peuvent poursuivre leur voyage normalement.
- Les clients qui ont une réservation partiront, sauf évolution de la situation, en vacances comme prévu.
- Les personnes qui souhaitent faire une réservation devront y renoncer. "Par mesure de prudence et en attendant plus de clarté, nous n’effectuons plus aucune réservation", explique la porte-parole Leen Segers.
Notons toutefois que, comme Thomas Cook Belgique poursuit ses activités, toute annulation d’un voyage se fera dans les conditions normales, avec des frais à la clé.
Test Achats a mis en place un numéro spécial: 02/542.33.33.
6. Le fonds de garantie va-t-il intervenir?
Pour ses voyages organisés – pas s’il réserve en individuel – , le Belge est parmi les voyageurs les mieux protégés du monde. Le Fonds de garantie des voyages (GFG) auquel doivent souscrire tour-opérateurs et agences de voyages garantit, en cas de défaut de payement, le remboursement des acomptes versés si un voyage n’a pas commencé et un rapatriement si le voyageur est déjà parti.
Test Achats confirme que le client de Thomas Cook n’a aucune inquiétude à se faire en cas de faillite de l’entité belge.
- S’il est en vacances, le fonds indemnisera les fournisseurs (hôteliers, compagnies aériennes...) permettant au client de poursuivre son séjour. Dans le cas contraire, le fonds organisera le rapatriement.
- Si le voyageur a une réservation, il pourrait partir en vacances à certaines conditions. Tous les frais de son voyage seront payés par le fonds. S’il préfère annuler son voyage, il sera intégralement remboursé.
Ce fonds ne peut pour l’instant pas être sollicité, tant que Thomas Cook travaille.
7. Le fonds de garantie a-t-il les moyens d’intervenir?
Organisateurs de voyages, détaillants ou agences versent chaque année un pourcentage de leur chiffre d’affaires au Fonds de garantie voyages (GFG). Pour le client, ce fonds ne coûte rien.
Il règne ici une atmosphère étrange. Il y a de l'inquiétude, de la consternation, mais aussi de l'espoir.
Chaque année, le fonds assure environ 2,2 milliards d’euros de frais de voyages prépayés. Mark De Vriendt, directeur général, affirme que le fonds dispose des moyens suffisants pour intervenir si Thomas Cook Belgique ne savait plus exercer ses activités.
8. Que faire pour obtenir l’intervention du fonds?
- Si le vacancier est à l’étranger et s’il rencontre des difficultés sur place, il peut contacter le Fonds via le site www.gfg.be. Certains hôteliers pourraient réclamer aux clients d’intervenir. "C’est totalement illégal de la part de l’hôtelier. Les clients ne sont dès lors pas dans l’obligation de payer."
- Si le client dispose d’une réservation, il devra aussi contacter le fonds et introduire un dossier pour lancer une procédure de remboursement. Ce dossier doit être introduit dans les trois ans, mais en général, le client agit plus vite.
- Si le client souhaite coûte que coûte partir, plusieurs facteurs entreront en ligne de compte: la décision des curateurs; le fait que les fournisseurs impliqués acceptent, ou non, de collaborer avec le fonds; la possibilité, ou non, que les vacances se déroulent dans les meilleures conditions.
9. Quel impact pour Brussels Airlines?
Brussels Airlines (SN) a intégré en 2017 les activités de Thomas Cook Airlines (TCA) et a renforcé sa position dans l’important segment des loisirs en prenant deux Airbus A320 de TCA en compte. Dans la foulée, SN a pu ajouter 26 nouvelles destinations (loisirs) à son réseau. En 2018, SN annonçait déjà le transport d’un million de passagers supplémentaires grâce à cet accord. Aujourd’hui, calculer l’impact d’une faillite de Thomas Cook en Belgique est plus compliqué, car des avions sont complètement affrétés pour le T-O (comme en Egypte) et d’autres ont des capacités mixées. Pour l’heure, on affirme que les vols se poursuivent normalement. Les clients sont tout au plus informés, si une partie de leur voyage se poursuit avec Thomas Cook UK, qu’ils risquent d’être laissés sur le carreau. Thomas Cook UK a, en effet, suspendu toute activité et annulé tous ses vols.
10. Quelles conséquences pour les 600 salariés belges?
Les deux réunions entre direction et syndicats de Thomas Cook Belgique qui ont eu lieu ce lundi contenaient "peu de nouvelles encourageantes", selon une source syndicale. Contrairement à ce qui avait été indiqué plus tôt dans la journée, la réunion de l’après-midi ne correspondait pas à un conseil d’entreprise formel, mais bien à une réunion informelle. Les syndicats appellent dès lors à la convocation d’un nouveau conseil d’entreprise ce mardi. Ils demandent notamment davantage de garanties sur le paiement des salaires.