Le train britannique sur les rails de la renationalisation?
Alors que la tendance européenne est à l'ouverture du chemin de fer aux capitaux privés, certaines lignes britanniques repassent sous la coupe de l’État. Une nationalisation ponctuelle ou une tendance de fond?
Les dysfonctionnements répétitifs sur des lignes exploitées par des entreprises privées en Grande-Bretagne ont généré une salve de critiques à même de remettre en cause le modèle du rail privatisé. Aussi, certaines lignes ferroviaires sont-elles en passe de repasser sous l'égide de l’État britannique, selon des informations relayées par France Inter. Une dynamique que certains espèrent voir s'élargir à l'ensemble du réseau ferroviaire.
Réforme controversée
La Grande-Bretagne serait-elle en train de rétropédaler sur son modèle ferroviaire, exploité par une vingtaine de prestataires privés? Toujours est-il que 632 kilomètres de lignes de chemin de fer repassent dans le giron de l’État britannique. En cause, les difficultés financières rencontrées par Virgin East Coast Railway, une de ces entreprises privées.
L'avortement du contrat s'est révélé inéluctable. Mi-mai, le gouvernement avait annoncé qu'il allait reprendre sous son égide ces lignes, face à l'incapacité de l'entreprise exploitante à rentrer dans ses frais. La société exploitait des lignes très fréquentées courant le long de la côte Est, reliant Londres et Édimbourg ainsi que plusieurs villes historiques comme York, Newcastle ou Leeds.
La privatisation du rail lancée en 1994 par le gouvernement britannique n'a eu de cesse de susciter des crispations. Récemment, c'est une nouvelle réforme des horaires qui a mis le feu aux poudres. En effet, pour faire face à l'affluence et dynamiser la circulation, de nouveaux horaires ont été mis en place par deux acteurs du secteur.
Seulement, les travaux d'amélioration des lignes ont pris du retard et les difficultés à préparer les équipes aux nouveaux trajets sont venues s'y ajouter. Une démarche qui a perturbé le trafic ferroviaire en accumulant les retards ou annulations de trains.
Cependant, si l'exploitation du réseau est partagée entre les acteurs privés, la maintenance du réseau est quant à elle retournée en 2001 entre les mains d'une société publique, après des accidents mortels sur les chemins de fer.
Vers une renationalisation intégrale?
Retards, dysfonctionnements des infrastructures, coûts exorbitants... les arguments avancés par les détracteurs de la privatisation font légion. A tel point que le parti travailliste (Labour) a fait de la nationalisation du secteur ferroviaire l'un de ses fers de lance.
Rory Palmer, députée européen (Labour), avait défendu devant le Parlement européen son souhait de mettre un terme à la privatisation. "Au lieu d'annuler des trains, il est temps d'annuler l'échec de la privatisation de nos lignes ferroviaires. Il est temps de publier un nouveau calendrier pour renationaliser nos lignes comme un gouvernement travailliste l'aurait fait pour donner aux passagers les services qu'ils méritent", avait-il plaidé.
Si ces lignes de chemin de fer repassent sous l'étendard de l’État, certains espèrent que ce n'est que le premier pas vers la renationalisation intégrale des voiries. La dynamique est lancée puisque des manifestations voient le jour à l'instigation d'un groupe d'usagers et d'employés du train qui sollicitent la fin de la privatisation du rail.
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Fait non négligeable, 25 journaux locaux du nord du pays, zone particulièrement concernée par les dysfonctionnements ferroviaires, ont affiché un "front uni historique." Une initiative pour enjoindre la Première ministre Theresa May à se saisir du dossier au plus vite.
La cheffe du gouvernement a dénoncé de son côté une situation "inacceptable" tandis que le ministre du Transport Chris Grayling a annoncé la tenue d'une enquête sur la régulation du secteur. Selon Stephen Glaister, le patron de l'organisme Office of Rail and Road, l'enquête "examinera les raisons pour lesquelles le système dans son ensemble a failli."
A contre-courant
Un mouvement aux antipodes de la toile de fond est en train de se tisser en Europe. Il faut dire que la législation européenne enjoint les États-membres à ouvrir le secteur ferroviaire à la concurrence. C'est d'ailleurs l'une des raisons invoquées par le Président français Emmanuel Macron pour justifier la réforme de la SNCF qui vient tout juste d'être adoptée.
Le texte prévoit une ouverture du ferroviaire à la concurrence dès 2020. Une démarche décriée par des syndicats de cheminots et des politiques de gauche craignant qu'à terme, l'ouverture à la concurrence ne soit synonyme de privatisation de la SNCF. Le gouvernement a de son côté rejeté toute volonté de défaire le caractère public de la société.
Sur le sol belge aussi, l'idée de la privatisation du rail fait son chemin. Aussi, le vice-Premier ministre Alexander De Croo avait-il récemment émis l'idée d'ouvrir le ferroviaire belge aux capitaux privés. "A la question de savoir si on doit aujourd'hui faire entrer immédiatement un partenaire privé dans le capital, la réponse est non, par contre on doit très clairement l'envisager pour la suite, d'ici deux ans, par exemple", avait-il confié à l’Écho. Des propos condamnés par les syndicats.
Si l'idée de renationaliser le réseau ferroviaire est plutôt populaire auprès des Britanniques, la nationalisation de ces lignes n'est que temporaire. En effet, dès 2020, le gouvernement entend attribuer de nouveau une franchise pour l'East Coast Mainline, a rapporté Le Monde.