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La Belgique tient son "LinkedIn" de la durabilité des entreprises

De gauche à droite, Franc Bogovic et Pierre Hermant (COO et CEO de Finance&Invest Brussels) et Alexander Stevens, CEO de Greenomy. ©saskia vanderstichele

Finance&Invest Brussels lance avec la scale-up belge Greenomy une plateforme de mesure de la durabilité des entreprises. L'outil permet de calculer automatiquement un score "ESG" des entreprises, en ligne avec les normes européennes. Le futur standard de référence en Belgique et à l'international?

Nom de code: Impact Scoring Platform. Lors de la démonstration organisée pour L'Echo dans les bureaux de Finance&Invest Brussels, l'enthousiasme est presque palpable. "C'est un peu comme si on parvenait à obtenir le profil LinkedIn d'une entreprise. Mais il s'agit bien d'un profil ESG (Environnement, Social et Gouvernance, NDLR), qui peut être actualisé à tout moment, et partagé avec les banques, les investisseurs, les assureurs et les institutions", entame Pierre Hermant, CEO de Finance&Invest Brussels.

Le vent a tourné

En 2020, quand l'invest public bruxellois se met en tête de rendre plus durable sa stratégie d'investissement (sous l'impulsion de l'écolo Barbara Trachte, Secrétaire d'État bruxelloise à la transition économique), il n'existait aucun véritable standard harmonisé. Depuis, le vent a tourné. La législation européenne est sur le point d'imposer de nombreuses obligations aux entreprises, et la méthode inventée de concert avec l'ULB et la scale-up bruxelloise Greenomy vient à point nommé.

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CSRD, kesako?

La directive CSRD ( la directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises) a pour but d’améliorer la qualité des informations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) publiées par les entreprises.

Cette CSRD fait partie de l'arsenal règlementaire européen en matière de durabilité des activités économiques. Celui-ci s'articule en trois outils: la taxonomie, tout d'abord, référentiel des activités compatibles avec les objectifs environnementaux de l’Union européenne. Les directives SFDR (règlement sur la publication d'informations en matière de durabilité dans les services financiers) et CSRD, ensuite, qui sont des obligations de transparence, chacune sur un volet: financement et entreprises.

Dans le cadre de cette CSRD, 50.000 grandes entreprises européennes seront tenues dès 2025 de publier annuellement un reporting extra-financier. Les PME ne sont pas encore concernées par cette règlementation européenne - mais pourraient l’être dès 2027.

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Impact Scoring Platform, donc. Toute entreprise qui espère un financement de la part de Finance&Invest Brussels devra dorénavant y passer. L'invest complète ainsi son analyse par des critères non-financiers. La SFPI (Société Fédérale de Participations et d'Investissement) suivra en 2024 et "de nombreux autres acteurs publics et privés" sont sur le point de leur emboiter le pas, nous assure-t-on.

L'objectif assumé est de faire de cette plateforme un standard belge, voire international de référence, conforme à la réglementation européenne.

"Cet outil belge va permettre aux PME belges de se préparer et d’être beaucoup plus fortes en Europe et à l’international - notamment pour attirer des financements étrangers."

Alexander Stevens
CEO Greenomy

Comment ça marche?

Concrètement, imaginez un formulaire en ligne. Au menu, une liste de questions sur les émissions de CO2, l'usage de l'eau, la consommation d'énergie, la politique de mobilité, etc. Votre entreprise dispose d'un plan de réduction de ses émissions? Certes. Mais lequel? Et à quelle échéance? En fonction des réponses fournies, le questionnaire s'adapte automatiquement, approfondit ou passe à la question suivante.

30.000€
par licence
Il s'agit du prix maximum qu'une institution ou entreprise devra débourser si elle souhaite disposer de la licence de l'Impact Scoring Platform pour scanner ses fournisseurs ou sélectionner ses partenaires, par exemple. Le tarif oscille entre 15.000 et 30.000 euros, en fonction du volume de dossiers à traiter. Pour les PME qui remplissent le formulaire, l'outil est (dans ce cas-ci) gratuit.
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Pour réduire la charge, l'écrémage des questions se fait aussi en fonction du secteur. Un acteur de l'agriculture verticale sera par exemple confronté à des questions sur son utilisation de l'eau, ce qui ne sera pas le cas d'une entreprise du secteur financier.

"Le score ESG d'une entreprise est amené à évoluer. Surtout, il allume une série de lampes auprès des entrepreneurs qui complètent le formulaire. Cela facilite l'élaboration d’un plan d’action."

Pierre Hermant
CEO Fiance&Invest Brussels

Nutri-score ESG

En fin de questionnaire, "qui prend entre 30 minutes et une heure en fonction du cas de figure", un triple score est généré automatiquement pour chacune des catégories "ESG", Environnement, Social et Gouvernance. Chaque score est établi sur une échelle de 0 à 100, et correspond à une lettre, de "A" à "E" - un peu à l'image du nutri-score pour les produits de grande distribution. Basique, simple.

L'essor de Greenomy

Greenomy grandit vite. La pépite bruxelloise au positionnement européen a été fondée fin 2020, et les effectifs sont depuis passés de 3 à 65 personnes. L'objectif est d'atteindre les 150 personnes l’année prochaine. La moitié de l’équipe est basée à Bruxelles, l’autre est disséminée à travers l’Europe.

La "Regtech" (entreprise qui utilise la technologie au service de la mise en conformité régulatoire) standardise la collecte des données ESG pour connecter les entreprises aux acteurs financiers. En ligne de mire, l’accélération du financement de la transition environnementale.

Greenomy, dont l'actionnaire majoritaire est désormais Euroclear, travaille aujourd’hui avec treize banques, dont ABN Amro aux Pays-Bas et Spuerkeess, la banque et caisse de l’État Luxembourgeois. Sa solution est distribuée par Deloitte, Ecovadis (leader mondial de la certification, avec 80.000 clients) ou encore le bureau de crédit Schufa, en Allemagne.

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Critères vulgarisés

La liste de questions est plus courte et plus facile à comprendre pour le commun des mortels que les milliers de critères règlementaires existants. C'est que la grande crainte des entreprises reste la démultiplication des démarches et des formulaires.

"Nous avions bien sûr en tête les points clés liés aux critères ESG", explique Franc Bogovic, COO de Finance&Invest Brussels, "mais grâce à Greenomy, notre plateforme est beaucoup plus pointue, et dégager les points d'amélioration pour chaque entreprise sera désormais beaucoup plus simple".

Diagnostic et feuille de route

Le "LinkedIn du business durable" se veut donc à la fois outil de diagnostic et feuille de route. "Le score est amené à évoluer, et surtout, il allume une série de lampes auprès des entrepreneurs qui complètent le formulaire", détaille Pierre Hermant. "Cela facilite l'élaboration d’un plan d’action, et nous demanderons un update chaque année aux entreprises que nous avons en portefeuille."

Les entreprises restent propriétaires de leurs données. Mais peuvent-elles mentir ou se présenter plus belles qu'elles ne sont en matière de durabilité? Oui - comme sur un profil LinkedIn classique, diront les mauvaises langues. "Mais si une stratégie de décarbonation tient sur post-it, on saura très vite à qui on a affaire", répond Pierre Hermant. Le déclaratif des entreprises doit donc servir de base à une analyse plus poussée.

Et surtout, "il y a urgence climatique", rappelle Alexander Stevens, CEO de Greenomy, avant de conclure que "sans attendre l’intervention du législateur, ce sont les secteurs et les entreprises qui doivent agir. Cet outil belge va permettre aux PME belges de se préparer et d’être beaucoup plus fortes en Europe et à l’international - notamment pour attirer des financements étrangers".

Le résumé
  • Finance&Invest Brussels lance avec la scale-up belge Greenomy l'Impact Scoring Platform, qui mesure de la durabilité des entreprises.
  • Le questionnaire correspond aux normes européennes et permet de générer automatiquement un score ESG par entreprise.
  • L'ambition est de faire de l'outil un standard belge, voire international.
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Benoit Carlier, Alexandre Faletta et François Lecocq.
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À l'ombre du Big Four, le groupe informatique DigiTribe a convaincu le secteur financier pour sa transformation numérique. C'est désormais vers l'industrie qu'il se tourne pour être le nouveau moteur de sa croissance.
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