On ne sait si ce chapitre a été étoffé suite à la grogne des agriculteurs et aux hordes de tracteurs montant sur Bruxelles; toujours est-il que les partis se montrent prolixes sur la question. Tentons un aperçu.
Normes et simplification administrative sont au centre de l’attention. C’est le MR qui est le plus en pointe, faisant de la “lutte contre les procédures excessives” une priorité. “Nous préconisons que les normes imposées soient davantage des résultats à atteindre plutôt que des prescriptions bureaucratiques aveugles.” Un exemple: “il faut sortir de ‘l'agriculture de dates’ imposée par l’Union européenne, qui ne rencontre pas la réalité agronomique du terrain”. Une expression qui figure aussi au programme du PS, pour y être dénigrée.
Cela étant, certains n’entendent pas ralentir le tempo sur la fin de l’usage des engrais chimiques, pesticides ou antibiotiques. Réduction puis suppression, prônent, à la grosse louche, Ecolo, Les Engagés et PS. DéFI et PTB se montrent plus prudents, s’agissant de “limiter autant que faire se peut”, “d’adopter des stratégies de substitution” ou de “réduire la dépendance”. Notons que les marxistes veulent interdire toute publicité ou vente combinée “des semences, engrais et pesticides des grands monopoles”. Le MR se prononce aussi en faveur d’alternatives “aux molécules identifiées comme étant celles dont il faut se libérer”. En veillant toutefois à ne pas “déforcer la position concurrentielle de nos entreprises”.
Puisqu’il est question de durabilité, les partis déclarent leur flamme à l’agroécologie, à la filière biologique, aux circuits courts et à la consommation saisonnière. Objectif, avance Ecolo: 30% de consommation “bio” d’ici à 2030. L’alimentation durable doit faire son nid dans les marchés publics, via l’introduction de critères, assure-t-on chez DéFI, où l’on désire la suppression de la TVA sur les fruits et légumes de saison. Petit bémol du MR. “Nous soutenons les initiatives comme l’agroforesterie, l’agroécologie ou l’agriculture régénérative à condition qu’elles visent à s’inscrire dans les objectifs que la société attend d’elles: une nourriture variée, abordable, saine et en quantité suffisante.”
L’accès à la terre étant devenu problématique, la régulation du foncier est déclinée sous toutes ses formes. Légère, pour le MR, qui opte pour un “monitoring” via l’Observatoire du foncier, “afin d’objectiver les prix des terres”. Ou avec une bonne dose d’interventionnisme. Droit de préférence et de préemption figurent au menu d’Ecolo, des Engagés et du PS. S’agissant de faciliter à l’accès à la terre pour les petits joueurs ou les projets d’agriculture durable. Révision des prix jugés spéculatifs, suggère le PS. Pour Ecolo, cela passe par la définition d’un prix maximum par région agricole. Les socialistes poussent par ailleurs la création d'une banque foncière et d'un fonds d’acquisition, ce qui parle au PTB. Qui va plus loin, avec l’interdiction de la vente de terres agricoles par le public, et de leur achat par “des spéculateurs”. “Seuls de véritables agriculteurs ou opérateurs publics peuvent les acheter et les gérer.”
Tous les partis consacrent un chapitre au juste prix devant revenir aux agriculteurs et éleveurs. L’Observatoire des prix a la cote: l’élargissement de ses missions est plébiscité. Davantage de “transparence sur les prix” et de “respect entre acteurs”, prône le MR, pour qui il convient “d’objectiver les prix et marges” et de lutter “contre les abus de position dominante”. Réguler les marges, voilà qui parle à Ecolo, où l’on vise les intermédiaires. “Certains prix alimentaires sont déconnectés de la réalité.”
De leur côté, Les Engagés suggèrent d’instaurer des instances officielles de négociation et de s’inspirer des lois Egalim en France. Une loi, embraie le PS, sur “la protection des prix agricoles”, interdisant la vente à perte et tenant compte des coûts de production. Et là où les prix sont “sujets à une forte volatilité” ou “structurellement trop bas”, les socialistes parlent “quotas” et “soutien au prix”. Le PTB en vient, lui, à la mise en place de stocks stratégiques afin de stabiliser les prix de “certains produits de base”.
En vitesse: il est beaucoup question de revoir la politique agricole commune (PAC) et les aides dans leur ensemble. “Il faut une réflexion sur la dégressivité des aides pour les très grandes exploitations qui peuvent être rentables sans une partie d’entre elles”, pose le MR. “Éviter l’agrandissement économique de la taille des exploitations”, dit le PS. Comment? En faisant glisser les critères, suggèrent Les Engagés: de la taille (hectare) à l’unité de travail.
Pour la route encore: toutes les formations se prononcent en faveur de “clauses miroir” dans les accords de libre-échange, imposant une réciprocité des normes environnementales et sociales, histoire d’éviter une concurrence déloyale internationale.