Des abus de marché bientôt criminalisés en Europe
La directive européenne sur les abus de marché entre en vigueur en juillet. Elle prévoit des amendes lourdes et de la prison pour les délits d’initié et manipulations de marché.
En juillet, un grand changement s’annonce pour les intervenants de marché en Europe. À cette date entrera en effet en vigueur la directive européenne sur les abus de marché.
Celle-ci a été élaborée pour être traduite directement dans les textes de loi nationaux, ce qui signifie qu’en Belgique et dans le reste de l’Union européenne, les mêmes règles seront d’application.
Désormais, sous cette nouvelle législation, les abus de marché – qui désignent les délits d’initié mais aussi les manipulations –, seront assortis d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 4 ans et d’une amende pouvant grimper jusqu’à 5 millions d’euros.
Jusqu’à présent, les sanctions pour ces abus s’avéraient administratives. En outre, comme l’ont souligné plusieurs observateurs, tout comportement suspect sur les marchés devra être signalé aux superviseurs. "La période est intense pour les gestionnaires de fonds et les firmes de trading", constate Stefan Hendrickx, le cofondateur belge de la firme de surveillance de marchés Ancoa, basée à Londres. Il indique que depuis un an, le nombre de ses clients a été multiplié par quatre. "Avant, nos clients se trouvaient essentiellement parmi les Bourses, désormais, nous comptons aussi des hedge funds (fonds spéculatifs), des firmes de trading sur les matières premières, et des firmes de trading pour compte propre, parmi lesquels on retrouve de grands noms", ajoute-t-il, sans en citer. Car la directive ne s’applique pas seulement aux intervenants sur les marchés d’actions, les autres classes d’actifs comme les obligations, les devises et les dérivés tombent aussi dans son champ.
Les délits d’initié plus fréquents
Les délits d’initié, où par exemple un patron d’entreprise vend ses titres avant la publication des résultats financiers qui s’avèrent en recul, sont plus nombreux que les manipulations de marché en Europe. Un phénomène également constaté par Kostas Botopoulos, ancien président de l’autorité grecque des marchés financiers, et Kjelle Blom, responsable structure des marchés au sein de la firme de trading à haute fréquence Optiver, lors d’un récent débat au salon électronique TradeTech.
Spoofing visé
Les manipulations de marché sont, elles, définies par la directive comme créant un faux mouvement sur les marchés. Le spoofing, qui consiste à envoyer une grande quantité d’ordres sur les marchés pour induire les autres participants en erreur, et ensuite annuler ces ordres, fait partie de cette liste de manipulations de marchés. Elle s’est retrouvée dans l’actualité à cause de Navinder Sarao, ce trader britannique arrêté en 2015 et sur le point d’être extradé aux Etats-Unis, où il est accusé d’avoir provoqué le flash crash du Dow Jones le 6 mai 2010. Ce jour-là, l’indice avait plongé de 1.000 points en quelques minutes, pour rebondir aussi spectaculairement dans la foulée.
Du côté des gestionnaires de fonds, on ne s’inquiète pas. "Comme on agit pour le compte de tiers, on ne manipule pas le marché, car on n’est pas des faiseurs de prix", souligne Vincent Dessard, conseiller à l’Efama, l’association européenne des gestionnaires de fonds. Par contre, du côté des firmes de trading, il y a de l’agitation avant le mois de juillet.